RENCONTRE AVEC MOHAMED BEN ALI

Capture d'écran

Par Tahar Melligi«Le Temps» – Dimanche 8 août 1982

Mohamed Ben Ali est incontestablement l’un des plus prestigieux et des plus célèbres comédiens qu’a connu la T.V. Ses inoubliables rôles de «Si Hattab» dans la série Hadj Klouf ou «Ali» dans Oumi Traki lui ont valu une grande renommée, voire la notoriété, aussi bien en Tunisie que dans les T.V. du Maghreb.

Pourtant rien ne laissait présager que Mohamed Ben Ali serait un jour comédien. Après avoir terminé ses études à la mosquée de la Zitouna, il a été durant de longues années critique artistique et correspondant d’une importante revue égyptienne de cinéma.

Toutefois, Mohamed Ben Ali a pris ses distances par rapport à la T. V. Son absence a laissé un grand vide. C’est pourquoi nous avons voulu à travers cette interview évoquer les raisons de cette éclipse, et rappeler la belle époque de la T.V. Une époque où la production tunisienne était à l’honneur.

Parlez-nous de vos débuts :

  • Je suivais depuis mon jeune âge et avec la plus grande assiduité les films et pièces théâtrales, jusqu’au jour où j’ai décidé de me mêler à la gente de la comédie. J’ai joué alors mon premier rôle. Un rôle de figuration à vrai dire où je ne prononçais durant la pièce «Le Bourgeois gentilhomme» que le mot : Monsieur. En 1952, je pris part à la première troupe dramatique de Radio-Tunis, dont les premières productions «Abou Choucha» et «Les Femmes savantes» étaient mises en scène par Hamouda Maali. Mes premiers rôles au théâtre, je les ai joués dans «Oum Abbas», «Le Bossu de Notre-Dame de Paris» et «Abou Zéïd El Hilali».
    C’étaient des rôles dramatiques. Mais j’ai préféré ensuite m’en passer. Car, depuis la pièce «La Bague de Soliman» et jusqu’à ce jour, je n’incarne que les rôles de comédie. Par contre à la radio, j’incarne toutes sortes de rôles.

Vous vous êtes éloigné de la T.V., pourquoi ?

  • Comme vous le savez, mon ami Lotfi Zini a implanté en Tunisie le plus grand studio T.V. du monde arabe et m’a choisi parmi ses proches collaborateurs. J’ai donc dû quitter provisoirement la R.T.T. dont je me considère toujours comme l’enfant qui est parvenu, grâce à elle, à s’imposer dans le domaine artistique.

Vous avez participé à plusieurs réalisations qui ont été tournées aux studios «Zini-Films», parlez-nous de votre expérience avec les artistes égyptiens.

  • J’ai appris la fidélité, l’amour du travail, les sacrifices et les grands efforts que déploient les artistes égyptiens dans l’accomplissement de leur tâche afin de présenter un travail satisfaisant. J’ai d’ailleurs joué dans les feuilletons égyptiens suivants : «Les Yeux de la biche» avec la grande dame du cinéma et du théâtre Amina Rezk, «Cavaliers sans tambour», un feuilleton qui évoque l’histoire de Kairouan avec Leïla Tahar et Omar Hariri et «Le Médecin des cœurs blessés» avec Mohamed Ridha (El Moallem) et Samir Ghanem (Mizou).

Comment expliquez-vous le gel qui existe dans la production tunisienne ?

  • Nous sommes tous responsables de ce gel. L’artiste ne trouve pas l’occasion pour créer. Ensuite la T.V. ne peut supporter ce lourd fardeau concernant la production. Car, d’après mon expérience aux studios «Zini-Films», j’ai constaté que les frais de production d’un feuilleton s’élèvent à près de 120.000 dinars. Pour un producteur particulier, il n’est pas perdant dans la production puisqu’il va l’exploiter dans plusieurs T.V arabes. Mais si notre T.V. dépense cette somme pour son propre compte sans exploiter la production qu’elle réalise, elle subira une perte énorme.
    Avec l’amendement du statut de la T.V. qui lui permettra de produire des pièces, des feuilletons et des variétés et de les vendre aux T.V. arabes, nous aurons ainsi «frappé deux oiseaux d’une pierre» comme dit un proverbe tunisien puisque :
    1°- Nous ferons connaître au monde arabe le talent de nos artistes, et de nos techniciens. Surtout que les écrivains et comédiens tunisiens ne manquent pas.
    2°- Nous nous procurerons alors des ressources pour financer la production.

Pensez-vous que la création de la 2ème chaîne T. V. influera sur la chaine nationale ?

  • Je ne le crois pas. La chaîne italienne avec ses programmes variés n’a pas influé sur la chaîne nationale. Parce que le citoyen est toujours «sensible» à ses émissions préférées. Mais entre la chaîne nationale et la 2ème chaine, il y aura certainement une rivalité.
    Cela nous poussera à améliorer nos programmes. Prenez l’exemple de la T.V. égyptienne, qui possède 2 chaînes et bientôt la 3ème chaîne. Je n’ai jamais entendu que l’une se plaigne de l’autre.

Comment expliquez-vous le succès du film «Deux larrons en folie», que vous avez interprété avec Lamine Ennahdi ?

  • Croyez-moi, je n’ai pas encore assisté à la projection de ce film, malgré la longévité de sa projection dans plusieurs salles de la République. Ceux qui ont vu ce film en «première» ont recommandé sa mise en veilleuse, si ce n’est de le jeter à la poubelle, parce qu’il est, ont-ils avancé, dépourvu de sens. Mais le public a accueilli ce film avec le plus grand enthousiasme et a opposé un cinglant démenti à leurs prévisions de mauvaise augure.

Par Tahar Melligi
«Le Temps» – Dimanche 8 août 1982


Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire