LES PALMIERS BLESSÉS, DE ABDELLATIF BEN AMMAR, OUVRE LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE CARTHAGE, UNE PREMIÈRE – QUÊTE DE SENS ET DE VÉRITÉ

Par Mahrez KAROUI – La Presse de Tunisie – 25 Juin 2010

Une fois n’est pas coutume, le Festival International de Carthage entamera son programme cette année par un spectacle cinématographique. C’est au cinéaste tunisien Abdellatif Ben Ammar que reviendra l’honneur d’ouvrir Carthage le 8 juillet avec son nouveau film «Les palmiers blessés».

Un choix inédit à travers lequel les organisateurs ont parié sur le 7e Art. Certes le public du théâtre romain s’est habitué depuis quelque temps à des soirées cinéma où il pouvait, chaque année, découvrir vers la fin du festival, les films qui seront à l’affiche pour la saison suivante. Mais de mémoire d’homme, jamais le festival n’a programmé de film à la soirée d’ouverture généralement consacrée au théâtre et à la musique. Faire honneur cette fois-ci au 7e Art, en général, et au cinéma national en particulier, mérite d’être salué.

La vie culturelle en Tunisie se distingue par cette particularité un peu spéciale pendant la saison estivale qui consiste en une multitude de festivals d’été qui pullulent ça et là dans les quatre coins du pays. Pratiquement, chaque ville et chaque conglomérat possèdent aujourd’hui son propre festival d’été. Même les villages les plus reculés du pays ne font plus exception. Une diversité nécessaire et indispensable pour certains qui croient en une sorte de «démocratisation de la culture», mais aussi une forme de «pollution» nuisible et d’aberration pour les autres qui dénoncent une programmation improvisée et un recours quasi-systématique au divertissement dépourvu de tout intérêt culturel ou intellectuel.

En tous les cas, et sur un plan purement statistique, personne ne peut être indifférent face à ce phénomène culturel essentiellement tunisien. Face au rétrécissement fatal du parc des salles de cinéma et à la baisse inéluctable de la fréquentation des quelques salles du pays qui «résistent» encore, certains cinéastes ont choisi de profiter de plus de 400 festivals de par le monde pour diffuser leurs films. Le fait que les organisateurs du Festival International de Carthage consacrent la soirée d’ouverture à un film tunisien ne peut que valoriser notre cinéma et susciter l’intérêt d’un large public.

Selon Abdellatif Ben Ammar : «Aller à la rencontre du public, même dans les festivals d’été, n’est pas seulement une simple alternative pour remédier au manque des salles de cinéma dans le pays, mais également une forme de respect envers un public assoiffé d’images». Et d’ajouter : «Quand le public ne vient plus voir les films, il faut aller le chercher là où il est. Car le cinéma tunisien ne peut se faire sans le spectateur tunisien»

Mieux : il croit dur comme fer que c’est d’abord au cinéaste de faire l’effort de défendre son art et ses œuvres. Et que si le public semble aujourd’hui moins disposé qu’auparavant à accueillir les films tunisiens, ce n’est pas uniquement de sa faute. «Pourquoi ne pas tenter l’expérience si les conditions de projection cinématographique sont bonnes? se demande-t-il, car le cinéma est aussi un spectacle qu’on peut partager aussi bien en plein air que dans une salle obscure».

Pour lui, monter sur la scène du théâtre antique afin de présenter son film est un grand honneur. «Depuis des siècles, des artistes montent sur cette scène pour présenter leurs œuvres et depuis des siècles, le public vient les voir et les encourager. C’est dire à quel point la culture n’a jamais été étrangère à ce pays et à son peuple!», s’exclame le réalisateur de «Sejnane» d’une voix émue.

Le film met au grand jour l’héroïsme ordinaire d’une jeune Tunisienne d’aujourd’hui, qui tente par tous les moyens de connaître ses origines en menant une enquête douloureuse sur la mort de son père durant la guerre de Bizerte, en 1961. «Chama symbolise cette quête simple, nécessaire et courageuse de la vérité», affirme A. Ben Ammar avant d’ajouter : «Mon film décrit cette éternelle recherche de sens et de vérité historique, en opposition avec la malhonnêteté et le manque de courage de certains historiens qui déforment la réalité des faits à des fins personnelles».

C’est un film où l’auteur a choisi d’interpeller la jeune génération en rupture totale avec son Histoire et qui, par conséquent, aborde son avenir avec beaucoup de méfiance et d’incertitude. «Les jeunes générations manquent de repères et de référents», constate le réalisateur «C’est pourquoi, affirme-t-il, ces jeunes trouvent beaucoup de difficultés à se projeter dans l’avenir qui semble de plus en plus complexe».

Enfin, le réalisateur tient à faire remarquer qu’il a voulu rendre hommage à certaines figures emblématiques du monde culturel et journalistique tunisien à travers une scène où il fête, à sa manière, les arts et les artistes. Parmi eux : Nouri Bouzid, Lassaâd Ben Abdallah, Sghaïr Aouled Ahmed, Nja Mahdaoui, Hammadi Ben Saâd, Khaled Tebourbi et d’autres…

Source : http://www.lapresse.tn/


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