ASHKAL, DE YOUSSEF CHEBBI : UN POLAR DANS LES DÉCOMBRES DE LA RÉVOLUTION

TUNIS, 2 févr. 2023 (TAP) – Après sa récente sortie française, Ashkal, premier long-métrage de fiction de Youssef Chebbi, sortira dans les salles tunisiennes à partir du mercredi 8 février 2023.

En prévision de sa sortie nationale, Ashkal, thriller policier coécrit par Youssef Chebbi et François-Michel Allegrini, a fait l’objet d’une projection presse au cinéma ABC à Tunis, en présence du réalisateur, de son producteur le Tunisien Fares Ladjimi, et de l’actrice principale, Fatma Oussaifi.

Pour ce polar (92’, 2022), le réalisateur a fait le choix, dès les premiers plans, d’introduire le spectateur sur les lieux du crime. Un gardien d’immeuble en chantier, 67 ans, est retrouvé calciné.

Au dernier étage d’un bâtiment en construction, les enquêteurs, le duo Batal (Mohamed Houcine Grayaâ) et Fatma (Fatma Oussaifi), mènent leur enquête. Les policiers essayent de déchiffrer les causes ayant conduit le sexagénaire à s’immoler par le feu.

Une intrigue pour la police scientifique, qui domine cette fiction et fouille dans les décombres de la révolution tunisienne, en partant d’une enquête sur le mode opératoire du ou des coupables présumés dans ce crime.

Une série de morts suspectes, toutes par immolation par le feu, va s’ensuivre dans un quartier en construction de la banlieue de Tunis, Les Jardins de Carthage. Une fois rassemblés tous les éléments de l’enquête, le puzzle devient de plus en plus compliqué.

Dans le cas du gardien, le médecin légiste dit n’avoir trouvé aucune trace de résistance, ni de combustible sur son corps. Un élément qui va être le point commun entre tous les corps calcinés retrouvés, le véritable suspect demeurant inconnu.

Ce polar sur Les Jardins de Carthage prend des allures de légende urbaine, le naturel cohabite avec le surnaturel. S’immoler par le feu devient un geste banal pour certaines victimes parties en cendres.

Des circonstances mystérieuses entourent chaque nouveau crime. Le suspect s’avère être un véritable manipulateur de ses victimes, afin qu’elles s’immolent. Il laisse des indices que les enquêteurs tentent de déchiffrer.

L’enquête suivra son chemin et les immolations vont se multiplier sur le méga-chantier tenu par un entrepreneur assez influent dans cette zone huppée de la capitale. La vague d’immolations occupe la Une des médias et fait réagir le gouvernement. Plusieurs pistes sont ouvertes et les interprétations oscillent entre actes terroristes et forces surnaturelles, un aspect qui fait la particularité de cette fiction.

En suivant le fil des évènements et en inspectant la zone du crime, plusieurs éléments vont être révélés et des vérités cachées vont voir le jour.

Côté décor, le film offre de gros plans et des vues aériennes qui plongent le spectateur dans l’univers d’une Tunisie en pleine construction. Des bâtiments et des chantiers à perte de vue, dans une zone dominée par des responsables influents et corrompus qui essaient de détourner le déroulement de l’enquête.

Ashkal offre une nouvelle lecture, politico-sociale, d’une Tunisie à peine sortie de la dictature et qui n’arrive pas à se remettre de ses maux. Le film fait aussi un clin d’œil aux enquêtes réalisées dans le cadre de l’Instance Vérité et Dignité créée en 2013, à l’aube de la révolution. Il montre les témoignages recueillis auprès des victimes du régime déchu pour un long et périlleux processus de justice transitionnelle inachevé.

Les évènements nous renvoient vers une Tunisie en pleine révolution et des cas d’immolation qui n’étaient pas si rares après celui de Mohamed Bouazizi, première étincelle d’un printemps arabe, transformée en cauchemar pour des peuples qui espéraient un lendemain meilleur.

Youssef Chebbi affirme que son film «n’est pas un hommage à la révolution, ni même à Mohamed Bouazizi». C’est plutôt un film qui «emprunte des motifs à la réalité tunisienne tout en essayant de les traiter et en les introduisant davantage dans l’ordre de la fiction».

Dans une rencontre avec l’agence TAP à l’issue de la projection, il explique que la révolution est un évènement autour duquel s’est développée une fiction nationale». Son film s’inspire ainsi de ce qu’il appelle «toutes les images iconiques qui se sont produites il y a plus de 12 ans».

Autour du choix des acteurs principaux, Youssef Chebbi parle de rôles qui  étaient écrits pour eux, sans avoir fait de casting. «Mohamed Houcine Grayaâ est un acteur talentueux et Fatma Oussaifi en est à son premier rôle dans le cinéma», explique le réalisateur. Il estime que cette dernière a fait ses preuves dans le film, précisant qu’elle vient du monde de la danse.

Bien que le duo d’acteurs dans son film renvoie à celui d’enquêteurs comme ceux de la célèbre série américaine X-Files, le réalisateur dit «puiser son inspiration initialement dans les œuvres cinématographiques asiatiques, japonaises principalement».

La musique du film est l’œuvre de son ami, le compositeur suisse Thomas Kuratli, avec lequel il a eu d’autres collaborations. Avant le tournage, le compositeur, qui s’est produit plusieurs fois en Tunisie, avait visité les lieux de tournage pour faire ses choix musicaux qui ne se limitent pas à un thème précis mais sont plutôt conçus comme une matière sonore.

Son producteur Fares Ladjimi a évoqué «un long processus pour la collecte des financements du film, surtout que dans Ashkal il y a eu un travail énorme sur les effets spéciaux».

Le duo réalisateur-producteur est réuni dans un film qui reflète notre vision commune et les idéaux que nous défendons dans le secteur du cinéma », explique le producteur. Dans sa déclaration à la TAP, il revient sur une aventure de près de 4 ans et la sortie du film qui coïncide avec la fin, en février 2022, du tournage de sept semaines dans la banlieue nord de Tunis.

Après sa première mondiale au Festival de Cannes 2022, Ashkal a été sélectionné ou/et primé dans plusieurs festivals internationaux, en particulier le Festival international du Film francophone de Namur, le Festival international du Film de Toronto, le London Film Festival et le Festival international du Film de la Mer rouge.

Cette fiction est aussi parmi les 15 films en lice pour l’Étalon d’Or du 28ème Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou – FESPACO -, prévu 25 février au 4 mars 2023.

Ashkal est une coproduction de Blast Film (Tunisie) avec Supernova Films et Poetik Film (France). Les ventes internationales sont assurées par The Party Film Sales.

Notons que, depuis ses débuts en 2007, le producteur Fares Ladjimi fait une carrière nationale et internationale en France, en Italie, au Liban ou encore en Argentine. Après la France et la Tunisie, son film sera bientôt distribué au Liban, en Espagne et aux États-Unis.

Faty

Source : https://www.tap.info.tn


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