UNDER THE FIG TREES, D’ERIGE SEHIRI : LE CANDIDAT TUNISIEN AUX OSCARS, LAURÉAT DU TANIT D’ARGENT AUX JCC

TUNIS, 6 nov. 2022 (par Fatma Chroudi, TAP) –  Sous les figues (Under The Fig Trees) d’Erige Sehiri, candidat tunisien aux Oscars 2023, a remporté le Tanit d’Argent de de la compétition des longs-métrages de fiction des Journées cinématographiques de Carthage (JCC).

Le Palmarès de la compétition officielle des JCC, organisées du 29 octobre au 5 novembre 2022, a été dévoilé samedi soir au Théâtre de l’Opéra de Tunis. Le Tanit d’Or a été attribué à un film tanzanien, Les Révoltés (Vuta N’Kuvute) d’Amil Shivji, également candidat aux Oscars 2023.

Le Jury, présidé par le cinéaste marocain Mohammed Abderrahman Tazi, a donné son avis sur «une vision cinématographique singulière qui porte un regard plein d’humanité et de dignité sur les campagnes tunisiennes. Tout y trouve sa place, le collectif comme l’individuel, le léger comme le profond».

«Je dédie ce film à toute l’équipe artistique et technique du film, a déclaré Erige Sehiri, réalisatrice et coscénariste. Émue, elle a parlé d’une ambiance familiale dans cette équipe qu’«on a voulu transmettre à travers le film», dit-elle.

La réalisatrice a annoncé que des projections sont prévues à Maktar, d’où vient la plupart des acteurs et actrices dans le film, et à Kesra, villes du Nord-Ouest tunisien, dans le gouvernorat de Siliana où a eu lieu le tournage.

Sous les figues a été primé à Tunis, la veille de sa sortie nationale le dimanche 6 novembre. En Tunisie, le film est distribué par Hakka Distribution, et par Luxbox à l’international. Le candidat tunisien aux Oscars figure aussi parmi les 23 coproductions françaises candidates à l’Oscar du meilleur film international.

Cette nouvelle distinction s’ajoute aux autres prix remportés par Under The Fig Trees, (titre en anglais) dans divers festivals internationaux, dont le Festival de Cannes où le film a fait sa première mondiale. L’avant-première nationale a eu lieu le lundi 31 octobre au Théâtre de l’Opéra avec deux autres projections aux JCC.

Érige Sehiri dans un huis clos tourné  «Sous les figues»

Érige Sehiri y explore l’univers de femmes et d’hommes «Sous les figues», dans un huis clos d’une heure trente.

Par une matinée assez ordinaire, commence la journée de femmes et d’hommes dans la zone du Nord-Ouest tunisien. Sur une route au milieu de nulle part, comme chaque jour, ils sont debout depuis l’aube. Les visages figés, ils attendent le véhicule qui les emmène vers leur lieu de travail, en cette saison estivale, période de la récolte des figues.

Au moment où ses autres collègues sont tous dans la partie arrière de la vieille camionnette, Fidé, – rôle interprété par Fidé Fedhili dont l’image figure dans l’affiche du film -, a le privilège de monter aux côtés du chauffeur qui n’est autre que leur patron. Le duo entretient une relation d’amour à ses débuts, attisant la jalousie des copines et la critique des plus conservateurs dans l’équipe.

Les bavardages et les querelles occupent le temps de ces gens qui passent leurs journées au travail ce qui, en même temps, crée entre eux une forme de complicité ; des secrets inavoués, des larmes difficiles à retenir et des moments de partage autour d’un plat fait maison.

Le tournage a eu lieu sur une journée, dans la région de Makthar, à Siliana. Un huis-clos entre les branches des figuiers, à travers lequel se dessine une toile de vies jamais racontées. Des histoires d’amour et de haine, de confiance et de promesses rompues pour des catégories d’âges unies par un destin quelque part identique.

La récolte des figues est un travail qui requiert une extrême finesse dans la façon de déplacer les branches fragiles et de ne cueillir que les pièces mûres de ce fruit qui doit être tendre au toucher.

Sur les hauteurs des vergers, Érige Sehiri a choisi d’entraîner le spectateur dans un milieu peu visible sur grand écran, celui des travailleurs et travailleuses agricoles qui vivent des conditions de travail assez pénibles et une vie en marge des progrès qui ont lieu dans le monde.

La caméra fait immersion dans l’univers de femmes et d’hommes dont le premier souci est de s’offrir quelques sous pour survivre. La précarité de ces gens est chronique.

L’histoire de Fidé, qui est parmi d’autres, n’est qu’un alibi pour cette fiction cherchant à lever le voile sur un univers rarement exploré dans le cinéma, mais avec une grande finesse et une esthétique visuelle qui sort de l’ordinaire. Les plans rapprochés et les expressions des visages témoignent d’une sensibilité artistique qui porte la signature d’un cinéma féminin assez remarquable.

Co-scénarisé par Érige Sehiri et Peggy Hamann, Sous les figues porte un regard critique, mais assez discret, à l’égard d’un monde injuste et un régime sociétal patriarcal dans lequel la femme, dont Fidé incarne l’image, n’est pas prête à renoncer à ses droits.

Le film ne se concentre pas sur un seul personnage principal, chaque rôle a son importance. La réalisatrice l’a bien confirmé à l’avant-première de son film, lundi à la salle Africa, qui abrite les projections de presse des longs-métrages de fiction en compétition officielle des JCC.

Elle dit avoir «voulu sortir de l’écriture scénaristique classique». Plusieurs histoires cohabitent dans ce qu’elle appelle «une sorte de bulle», par laquelle le spectateur rentre dans le monde des divers protagonistes. Une expérience inédite pour ces acteurs non-professionnels qui, eux aussi, rentrent dans une nouvelle expérience devant la caméra et le monde du 7ème Art.

Érige Sehiri a donné la parole à ceux qui n’ont jamais eu de voix dans un monde qui ne privilégie pas les classes vulnérables. Sa démarche traduit une orientation vers un nouveau cinéma porteur d’une esthétique, et un traitement assez subtile d’une question très locale mais assez universelle.

Le film évoque les droits des travailleurs dans l’agriculture, généralement des femmes, un sujet toujours d’actualité en Tunisie puisque les conditions de travail pour ces catégories marginalisées n’ont pas la chance de changer de sitôt.

Des chants populaires figurent aussi dans cette fiction, dont  la bande sonore porte la signature du célèbre compositeur Amine Bouhafa, avec la collaboration du duo Nour et Selim Argoun.

Sous les figues est une coproduction internationale de 2022 entre la Tunisie, la Suisse, la France et le Qatar. À la 54ème Quinzaine des Réalisateurs, section non compétitive du Festival de Cannes, il a remporté le prix Ecoprod qui récompense pour la première fois un long-métrage présenté à Cannes et produit de la manière la plus éco-responsable possible. Après cette distinction, Sous les figues a été sélectionné au Festival international du Film de Toronto (Tiff) et au London Film Festival (BFI).

Under the Fig Trees, (titre en anglais), candidat tunisien aux 95èmes Academy Awards, sera peut-être sur la liste des nominés, dans la catégorie International Feature Film, à la cérémonie des Oscars prévue à Los Angeles le 12 mars 2023.

Erige Sehiri, réalisatrice d’un documentaire en 2018, La Voie normale, enregistre un retour en force sur les devants de la scène cinématographique avec un second long-métrage. Après un Tanit d’Argent aux JCC, Under The Fig Trees aspire à la distinction cinématographique internationale la plus convoitée, l’Oscar du meilleur film international.

Faty

Source : https://www.tap.info.tn/


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