Par Samira DAMI – La Presse du 15 novembre 1978
C’est en marge des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) que se tient, à l’Africa du 13 au 15 novembre, le deuxième colloque sur «La distribution et la production de films arabes et africains». Ce colloque se tient en l’absence de trois organismes cinématographiques importants : la fédération tunisienne des ciné-clubs, la fédération tunisienne des cinéastes amateurs et l’association des cinéastes tunisiens. Bref, avant de synthétiser le document de base de ce colloque, nous rappelons que les résolutions du premier colloque sur la distribution en octobre 1974, sont restées lettre morte. En effet, le précédent colloque sur la distribution a proposé la création d’une société internationale arabo-africaine d’importation et de distribution de films. Cinq pays avaient donné leur accord pour participer à cette société, à savoir, la Libye, le Sénégal, le Niger, le Bénin et la Tunisie.
Le document de base de ce présent colloque souligne que le cinéma est le moyen de communication le plus important du 20ème siècle, étant l’outil le plus puissant pour la propagation des cultures nationales.
C’est pour cela que de nombreux pays du Tiers-Monde ont essayé, au lendemain de leur indépendance, de mettre sur pied une production nationale de films. Mais, ajoute-t-il, ces expériences se sont soldées par des échecs financiers cuisants : les films insuffisamment distribués ne récupéraient jamais leur prix de revirent. C’est ainsi que les états concernés se sont rendus compte que la distribution était le secteur-clé du cinéma dans le monde, puisque chaque film doit être largement distribué pour récupérer son prix de revient, en plus des bénéfices pour une meilleure production.
Le document signale que la totalité des pays du Tiers-Monde étaient tributaires de compagnies de distribution étrangères euro-américaines qui imposent leur loi et rentabilisent leurs films dans les salles de cinéma du Tiers-Monde au dépens des films du Tiers-Monde.
Le document de base évoque en conséquence la propagande idéologique véhiculée par ces films euro-américains. Cette double domination, commerciale et idéologique, affirme le document, amène les trusts multinationaux de distribution de films à combattre toute tentative d’indépendance cinématographique des pays du Tiers-Monde, soit par le boycott pur et simple, soit par diverses formes de pressions diplomatiques qui aboutissent à des arrangements à «l’amiable», destinés à préserver le statu-quo antérieur. Le document cite plusieurs exemples de boycott dont celui de la Tunisie en 1960 et en 1964, à la suite de mesures règlementant les visas d’exploitation des films étrangers. Celui de la Haute Volta, en 1969 à la suite de la nationalisation de ses salles et de la création d’un monopole d’importation de films. Toutes ces tentatives, ajoute le document, se sont soldées par un échec. Seule l’Algérie résiste de 1971 à 1975 et arrive à avoir le droit de choisir les films qu’elle voulait importer.
Un droit, commente le document, qui devrait être celui de toute nation indépendante. Les exemples cités, signale le document, ont prouvé que toute possibilité de production nationale de films dans le Tiers-Monde est étroitement liée au contrôle de l’État sur l’importation de films étrangers : des trois pays du Maghreb, affirme le document, le Maroc, qui ne possède pas de structure étatique d’importation de films, est celui qui a produit le moins de longs-métrages nationaux.
Une méthode autre que le boycott, souligne le document, est adoptée : celle de la participation dans tout nouvel organisme africain ou inter-africain.
En 1974, cite le document, au Sénégal a été créée la SIDEC, (Société nationale d’importation de films), avec une participation de 20% de la compagnie française SOPACIA (Société de participation cinématographique africaine). Cela a maintenu le même taux de films français projetés au Sénégal, contre une réciproque dérisoire : la seule projection de «Xala» de Sembène Ousmène.
En outre, ajoute le document, tout est fait pour retarder toute velléité d’indépendance afin de préserver le statu-quo (promesse d’offre de travail des multinationales aux techniciens africains en tournant des super productions sur le continent).
En 1968, promesse d’équiper l’Afrique de salles de cinéma ultra-modernes et promesse de participation à la production de nombreux films africains en 1974.
En conclusion, le document certifie que seule la création d’un ou de plusieurs «marchés communs» inter-africains d’importation et de distribution de films aidera à la naissance et à la survie du cinéma africain.
Ceci, ajoute le document, pour faire face au problème du petit nombre des salles dans les pays africains. Une tentative a été faite par trois États : la Haute-Volta, le Bénin et le Mali, qui ont créé, par l’achat à plusieurs, le refus des films pour leurs trois marchés communs.
Ces «marchés communs» ne pourront fonctionner que par regroupements géographiques régionaux, facilitant la circulation des copies de films, sinon par regroupements linguistiques, réduisant les frais de doublage, de sous-titrage et du matériel publicitaire. Ces regroupements ne pourront avoir lieu, toujours dans une première étape, qu’entre pays possédant déjà un organisme national de cinéma, doté si possible de monopole d’importations de films. Ces films bénéficient des mêmes mesures de détaxation appliquées aux films nationaux.
Samira Dami
Source : La Presse du 15 novembre 1978
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