ESPAGNE — DEUX FILMS TUNISIENS EN COMPÉTITION DANS LA SECTION OFFICIELLE DE LA 19° ÉDITION DU FESTIVAL DU CINÉMA AFRICAIN DE TARIFA

Black Medusa, réalisé par Youssef Chebbi et Ismäel Chebbi, et Une histoire d’amour et désir, de Leyla Bouzid sont en lice pour le Prix.

La Cinémathèque tunisienne a le plaisir d’accueillir en juin «Les Vents d’Afrique», un cycle consacré au cinéma afro-descendant en Amérique latine.

Tarifa, mai 2022. Le Festival du Cinéma africain de Tarifa célèbre sa 19ème édition avec une section officielle dans laquelle deux longs-métrages tunisiens sont en compétition. Black Medusa (Ma tasmaa ken errih), réalisé par Youssef Chebbi et coréalisé par Ismäel Chebbi, a été projeté en avant-première lors de la Tiger Competition à Rotterdam. C’est un film viscéral, sinistre et glacial, avec toutes les caractéristiques d’un film noir. Dans son périple personnel, le personnage de Nada incarne sa propre revanche sur un monde patriarcal. Le thème de la sororité parmi les femmes est également présent dans ce film, à travers notamment l’aide et la protection qu’apporte Nuora à Nada. Ismäel Chebbi (Tunis, 1981) est cinéaste, artiste visuel et auteur. En 2008, il a publié l’essai «Cinéma en Tunisie», et en 2009 un recueil de poèmes, «Lettres à la Mort». Avec Fateme Ahmadi, il a réalisé le court-métrage Leila’s Blues (2018), qui a été présenté en avant-première à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes.

Le deuxième film tunisien présenté Tarifa est «Une histoire d’amour et de désir». La cinéaste tunisienne Leyla Bouzid propose l’histoire d’une rencontre entre deux jeunes, loin des standards habituels du genre, au cœur de la culture arabe. Les protagonistes sont un adolescent français d’origine algérienne, élevé dans la banlieue de Paris, et une jeune Tunisienne énergique qui vient d’arriver dans la capitale française. Alors qu’il découvre un corpus de littérature arabe sensuelle et érotique dont il n’aurait jamais soupçonné l’existence, il tombe éperdument amoureux d’elle ; mais, bien qu’il soit complètement submergé par le désir, il va tenter d’y résister. Présenté en avant-première mondiale à la Semaine de la Critique de Cannes et applaudi dans des festivals comme celui de Toronto ou de Valladolid, le film transmet avec sincérité les complexités du premier amour dans un contexte de libération sexuelle.

Le cycle «Les Vents d’Afrique» à la Cinémathèque tunisienne

Depuis 2020, l’Institut Cervantes, en collaboration avec l’association Al Tarab et le FCAT, organise «Les Vents d’Afrique. La troisième racine», une série de films internationaux et itinérants qui explore la question de «la troisième racine», la racine africaine de la culture métisse latino-américaine.

Le cycle arrivera bientôt à Tunis, dans le cadre d’une activité organisée par l’ambassade d’Espagne à Tunis, l’Institut Cervantes de Tunis et la Cinémathèque tunisienne. Les projections auront lieu du 22 au 25 juin à 18h30 à la Cinémathèque tunisienne, sous la direction de Tarak Ben Chaabane. Le cycle comprend : «Perro bomba» (Chili, France, 2019), de Juan Cáceres, «La Negrada», (Mexique, 2018) de Jorge Pérez Solano, «Cocote» (République dominicaine, Argentine, Allemagne et Qatar, 2017) de Nelson Carlo de los Santos Arias et «Siembra» (Colombie, Allemagne, 2015) de Santiago Lozano et Ángela Osorio.

Les deux rétrospectives du Festival de Cinéma africain de Tarifa

Parmi les moments attendus de cette édition, citons «Entre l’encre et l’écran», une rétrospective qui se penche sur la relation entre la littérature et le cinéma regroupant seize films produits entre les années 60 et aujourd’hui, et tournés dans des pays comme le Sénégal, le Mozambique, l’Afrique du Sud, la Mauritanie, le Burkina Faso, l’Algérie, l’Angola, le Maroc et Cuba. Parmi les cinéastes des films sélectionnés, citons quelques figures historiques comme Ousmane Sembène (Sénégal), Med Hondo (Mauritanie) ou Djibril Diop Mambéty (Sénégal) ; et d’autres plus contemporaines comme Dani Kouyaté (Burkina Faso) ou Mariano Bartolomeu (Angola), entre autres. Parmi les auteurs des œuvres littéraires adaptées se trouvent Naguib Mahfuz (Égypte), figure emblématique du nouveau roman arabe, Abdoulaye Mamani (Nigéria), Moussa Diagana (Mauritanie), Assia Djebar (Algérie, pseudonyme littéraire de Fatema Zohra Imalayen), Malek Alloula (Algérie) ou Mia Couto (Mozambique), l’un des auteurs les plus marquants de notre époque. Le FCAT consacre aussi un focus à la cinéaste égyptienne Atteyat al-Abnoudy (1939-2018), considérée comme la «mère du documentaire égyptien» et l’une des réalisatrices pionnières du monde arabe. Surnommée la «cinéaste des pauvres», sa décision de filmer les gens dans leur vie quotidienne de dur labeur et de précarité fit un scandale à une époque où le cinéma était perçu par les autorités comme une arme de propagande.

Sections officielles du FCAT : 20 titres de 18 pays africains

La présence africaine dans les grands festivals internationaux a permis une belle récolte de films du continent. La sélection officielle de longs-métrages du FCAT, «Hypermétropie», propose des films du Rwanda, de Tunisie, d’Égypte, d’Haïti, du Mali, de la Réunion, d’Éthiopie, de la République centrafricaine, de la République démocratique du Congo et, pour la première fois, un film de Sao Tomé-et-Principe. Les dix titres qui composent Hypermétropie sont parmi les plus audacieux sur le plan formel et imprégnés d’une grande poésie visuelle. La plupart sont des œuvres de jeunes réalisateurs, des films qui dialoguent entre eux sur les questions de l’exil, du rêve d’un lieu idéalisé (Faya Dayi, de Jessica Beshir, Éthiopie) au déracinement et à la violence du pays d’accueil (Lèv la tèt dann fenwar, d’Érika Étangsalé, La Réunion) et à la lutte des immigrés pour leur dignité et leurs droits (Xaraasi Xanne, des Maliens Bouba Touré et Raphaël Grisey). Des films qui proposent une représentation des femmes éloignées des clichés (Black Medusa, d’Ismaël et Youssouf Chebbi, Tunisie), de leur émancipation (Feathers, d’Omar El Zohairy, Égypte) et (Freda, de Gessica Géneus, film d’Haïti), mais qui rappellent aussi la nécessaire libération des hommes de leurs propres carcans mentaux (Une histoire d’amour et désir, de la Tunisienne Leyla Bouzid). Des films qui reviennent sur les traumas et les épisodes oubliés de l’Histoire (le documentaire Constelaçoes do Equador, de Silas Tiny, premier film de Sao Tomé-et-Principe sélectionné au FCAT) ; un portrait des inquiétudes et des aspirations de la jeunesse (Nous, étudiants!, de Rafiki Fariala, de la République Centrafricaine) ; ou la projection d’une vision afro-futuriste, anticolonialiste, anticapitaliste et queer du continent (Neptune Frost, de la Rwandaise Anisia Uzeyman et de l’Afro-américain Saul Williams).

En bref, la sélection officielle consacrée au court-métrage demeure un incubateur de talents venus du continent africain, avec des titres qui traitent de la violence coloniale (Écoutez le battement de nos images, de Audrey & Maxime Jean-Baptiste, Guyane Française), de la violence de la représentation coloniale (Kapita, de Petna Ndaliko, République démocratique du Congo) et de la résistance à la domination coloniale (Mangrove School, de Filipa César & Sónia Vaz Borges, Guinée Bissau, Portugal). Ils parlent aussi d’autres violences, celle de la guerre (Vou Mudar a Cozinha, d’Ondjaki, Angola) et celle faite aux femmes (Imuhira, de Myriam Uwiragiye, Rwanda et Microbus, de Maggie Kamal, Égypte) ; la violence émotionnelle de quitter l’enfance (Astel, de Ramata-Toulaye, Sénégal) ; la violence de l’exil et du déracinement (Egúngún, d’Olive Nwosu, Nigéria). L’humour n’est pas non plus absent de cette sélection, que ce soit à travers le méta-ciné (The Unusual Kinky Quaint Peculiar Weird Strange Rum Queer Odd and Bizarre Day of a Shadow Man, d’Hary Joel, Madagascar) ou le réalisme magique (Precious Hair & Beauty, de John Ogunmuyiwa). En outre, mentionnons aussi «La troisième racine», une section parallèle consacrée aux diasporas africaines en Amérique latine. La 19ème édition du Festival sera marquée par la présence dans cette section de films de la République Dominicaine, où l’héritage culturel de l’Afrique imprègne tous les aspects de la vie de ce peuple.

Le film d’ouverture et le film de clôture de la 19ème édition

Le film d’ouverture de cette édition du festival, le documentaire «Marcher sur l’eau» (Aïssa Maïga, 2021), coproduction entre le Niger et la France, dont le récit se passe dans le village de Tatiste, au Niger, où Houlaye, une adolescente de 14 ans, et d’autres enfants, parcourent des kilomètres pour aller chercher l’eau dont le village a besoin pour survivre.

Le vendredi 3 juin, après la cérémonie de remise des Prix de la 19ème édition du FCAT, sera projeté le film de clôture, «La Femme du fossoyeur» (Khadar Ayderus Ahmed, 2021), un film somalien présenté à la Semaine de la Critique de Cannes l’année passée. Un portrait tendre sur un couple de Djibouti confronté à un grave problème de santé.


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