DEMAIN, JE BRÛLE, DE MOHAMED BEN SMAÏL

Par Jean-Max Méjean

Voici un film dont on aimerait dire beaucoup de bien, non seulement parce qu’il pourrait avoir des qualités certaines pour un premier long-métrage, mais aussi parce qu’il s’attaque au problème de l’immigration d’une manière différente de celles auxquelles on nous a habitués. Film d’amour et de tolérance, selon les propres termes du réalisateur, Mohamed Ben Smaïl, «Demain, je brûle » se veut un hommage à l’un de ses compagnons qui a justement brûlé ses ailes au mirage de l’immigration à Paris, dans les années 70, au sein du milieu artistique.

Comme lui d’ailleurs. Et le voici qui interprète le rôle de Lotfi Zribi, malade, qui revient quasi mutique dans ce quartier de Tunis, la Petite Sicile, qui l’a vu grandir et qu’il ne reconnaît plus, tant les mœurs tunisiennes semblent avoir changé. Alors, Lotfi est étranger partout, mais aussi étranger dans cette sorte de déambulation somnambulique avec laquelle il traverse tout ce film inclassable.

Mais, pourtant, «Demain, je brûle» ne fait pas mouche à tous les coups. Disons que nous sommes sans cesse ballottés entre le désir d’adhérer et l’agacement quand Mohamed Ben Smaïl ne parvient pas à nous étonner, ni même a nous provoquer vraiment. Car il semble sans cesse pris entre aversion et admiration pour la France, et problématique certaine envers la Tunisie, ce pays qu’il a sans doute quitté pour toujours, même s’il y retourne. Mais c’est un déchirement que tous les immigrés doivent ressentir. Sans parler de la fin du film qui reste pour le moins énigmatique… Les Tunisiens utilisent le terme «brûler» pour parler des personnes qui prennent le bateau de l’exil sans passeport. Mais Lotfi brûlera pour un dernier voyage : celui vers sa mort annoncée.

Bien sûr, sans le vouloir ou alors volontairement, Ben Smaïl rend hommage aux grands du cinéma tunisien, mais aussi à Fellini (un passage ne va pas sans évoquer le jardin des délices du Satyricon) et des plans appellent, par la proximité géographique, le quartier de La Goulette du célèbre «Un été à La Goulette» de Férid Boughedir.

Cependant, même si ses débuts semblent prometteurs, Mohamed Ben Smaïl ne résiste pas à la tentation narcissique de se mettre en scène. Peut-être aurait-il réussi à installer une certaine distance s’il avait choisi un autre comédien. Il nous reste pourtant quelques images intéressantes, notamment cette Marylin d’outre-Méditerranée chantant Happy birthday et qui nous prouve encore une fois que la mondialisation frappe tous azimuts. Mais le film a-t-il pour autant réussi à garder en mémoire une page de l’histoire de la Tunisie comme il se le promettait ? Comment sauver le rêve d’émancipation de toute une génération ?

Jean-Max Méjean.

Tunisie – 1999 – 1h35 – Un film écrit et réalisé par Mohamed Ben Smaïl – Images Youssef Ben Youssef, avec : Amel Hedhili, Néjid Belkadhi, Mohamed Ben Smaïl. 35 mm. Prod. Nomadis Images. Distribué par Hevadis Films.


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