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«Le FIFAK sera un événement à la hauteur du centenaire»
La Fédération tunisienne des Cinéastes Amateurs a été depuis sa création (vers 1964) une véritable pépinière de cinéastes. La majorité des réalisateurs et de techniciens de cinéma confirmés, entre autres Nacer Ktari, Selma Baccar, Abdellatif Ben Ammar, Ahmed Khéchine, Ridha Béhi, y ont effectué un passage à leurs débuts. Elle continue, aujourd’hui encore, avec les moyens du bord – une seule et unique caméra en 16 mm -, à assurer la formation d’une future génération de cinéastes dont les créations sont projetées à l’occasion de festivals nationaux ou internationaux, tels que le FIFAK. La 17ème session de ce festival se déroulera cette année du 22 au 28 juillet 1995. Les préparatifs ont été déjà entamés. Un programme a été élaboré en fonction du centenaire du cinéma et du trentenaire de la FTCA. Entretien avec son président, M. Lamine Laâmari.
Quelles sont les nouvelles de la FTCA ?
- Bonnes. On prépare la prochaine session du FIFAK. Il est vrai que médiatiquement nous ne sommes pas présents, mais depuis notre nouvelle approche à produire en 16 mm, nous travaillons dans le silence. Grâce notamment à l’apport considérable des cinéastes amateurs. Il y a quelques années, on avait des facilités à produire des quantités estimables avec le support Super 8. Aujourd’hui, avec le 16 mm qui est un support de plus en plus professionnel, on est contraints de bien réfléchir avant d’entamer une production. D’où la régression du nombre de films.
Qui a atteint quel chiffre ?
- Depuis 4 ans la production a chuté. Elle atteint 4 films annuellement, alors qu’avec le Super 8 on obtenait une moyenne de 15 à 20 films par an, dont 5 à 6 films de qualité. La chute résulte de deux facteurs essentiels. D’abord le financement d’un film en 16 mm revient entre 4 000 et 5 000 dinars, tandis qu’en Super 8, avec une durée égale à celui du 16 mm, le coût ne dépassait pas 1 000 dinars. Alors que les coûts augmentaient, le budget alloué par le ministère de la Culture à la FTCA a diminué de moitié. Ce qui est tout à fait aberrant.
N’avez-vous pas d’autres ressources de financement que le budget de la fédération ?
- Nous ne produisons des films qu’avec le budget de la fédération qui était de l’ordre de 11 500 dinars en 1992 – et qui est actuellement de 6 000 dinars. Une baisse de 50%.
Avant, le ministère de la Culture achetait d’office les films primés dans les festivals nationaux ou internationaux que nous organisons. Ce qui constituait une rentrée d’argent supplémentaire assez importante à la FTCA.
La somme acquise permettait de couvrir les moyens de production. La matière première et les opérations de post-production, nous les obtenons gracieusement. Avec le 16 mm, on a toutes les peines du monde à joindre les deux bouts.
À combien le ministère de la Culture vous achetait une copie de film ?
- Cela variait entre 600 et 1.500 dinars. Ce qui est raisonnable pour du Super 8. Nous avons relancé les instances du ministère de la Culture pour qu’un marché de films existe de nouveau. Nous avons également demandé à être partie prenante de la commission d’aide à la production, c’est-à-dire avoir droit à des subventions pour des projets de scénarios que nous soumettrons à cette commission. La réponse a été négative en raison du caractère amateur de notre fédération. Toutefois, la commission d’aide à la production a recommandé à plusieurs reprises dans ses rapports à l’instauration d’un quota pour les projets présentés par la FTCA de l’ordre de 40 000 dinars par an.
Où en êtes-vous maintenant ?
- Nous avons adressé au ministre de la culture un dossier sur la situation actuelle de la FTCA en émettant quelques suggestions concernant notamment le budget et l’équipement en matériel de production. Nous avons obtenu par l’intervention du ministère de la Culture une caméra 16 mm pas très performante de l’ERTT.
Il existe dans cet établissement des caméras et des tables de montage qui ne sont plus nécessaires à la production audiovisuelle. Nous les avons aussi réclamées. On attend encore une réponse…
Le passage du support Super 8 au support 16 mm. Est-ce un choix ou une nécessité ?
- Au début des années 80, le Super 8 était une nécessité. À sa création, la FTCA a utilisé le 16 mm muet. Elle avait beaucoup d’avantages, dont 1.500 mètres de pellicules négatifs et positifs, ce qui permettait aux adhérents de la Fédération de produire aisément.
L’arrivée des caméras silencieuses pour professionnels nous a contraints au Super 8 matériel léger et peu coûteux, le Super 8 nous a servi pendant 10 ans. L’étape du Super 8 est passée, c’est le règne de la vidéo. La fédération a été donc obligés à revenir au 16 mm avec des avantages en moins et des risques en plus. Cela a porté un coup à la formation.
Cependant, la direction de l’animation culturelle, consciente de nos difficultés, a eu l’heureuse initiative d’organiser, avec la FTCA, des stages de formation entre les cinéastes amateurs et les animateurs de maisons de culture.
Les deux cycles de formation ont porté l’un sur l’écriture cinématographique et la photo, l’autre sur le scénario et la photo. Pour le mois de mars prochain, nous préparons ensemble un stage sur la photo de studio et la lumière.
Combien avez produit de films avec l’unique caméra dont vous disposez ?
- L’an dernier pour le Festival national du Film amateur à Monastir, 6 petits courts-métrages dont la durée varie entre 2 et 8 minutes. Nous avons actuellement beaucoup de projets, mais nous ne savons pas avec quoi les produire.
Les laboratoires vous facturent-ils les travaux ?
- Bien entendu. Avec des tarifs réduits. La matière première coûte cher, il faut la payer. Les professionnels nous apportent leur soutien à titre gracieux. Et ça c’est formidable.
Comment sera le prochain FIFAK ?
- D’abord, je voudrais souligner que le FIFAK doit énormément à M. Béchir Féni, ex-directeur du cinéma au ministère de la Culture. Avec M. Taoufik Besbès à la direction du cinéma, nous reprenons confiance parce que c’est un cinéaste qui a été à la tête de la SATPEC et de la télévision. C’est grâce à lui que nous avons pu obtenir une caméra de l’ERTT.
Pour cette session qui coïncide avec le centenaire du cinéma et le trentenaire du FIFAK, nous avons établi un programme général, avec l’appui d’autres associations de cinéma et des volontaires comme Mohamed Challouf et Ridha Ben Halima qui se sont chargés de faire la collecte, le dépouillement et la sélection des archives concernant la Tunisie et réalisés par des ressortissants tunisiens, et de confectionner un document final qui sera projeté à l’occasion du Festival.
Avec le concours de Caravane Production de Mohamed Challouf, la FTCA réalisera un reportage sur Tahar Chériaa, un homme qui a consacré sa vie entière au cinéma tunisien et africain. Pour célébrer le trentenaire du FIFAK, un hommage sera rendu aux anciens de la Fédération, comme Moncef Ben M’Rad, Abdelwaheb Bouden, Ridha Béhi, Abdellatif Ben Ammar, etc…
En ce qui concerne les ateliers, nous organiserons un seul atelier pour les cinéastes amateurs. L’atelier de projets effectuera une présélection de 6 scénarios.
Les projets seront étudiés et discutés par des professionnels, notamment Nouri Bouzid, Mahmoud Ben Mahmoud et Kamel Regaya, enseignant de l’écriture cinématographique en France. Le scénario retenu sera amélioré au niveau de son écriture et pris en charge sur le plan de sa réalisation par le FIFAK. D’autre part, il y aura des ateliers d’animation pour enfants.
Quel est votre rêve en tant que président de la FTCA ?
- Mon rêve est simple et réalisable. Il suffit d’un peu de compréhension et de conviction de la part des hommes de culture. Mon rêve est de voir la FTCA revenir à sa première vocation : une vraie école de cinéma. Un centre de formation et de production d’importance.
Propos recueillis par Amira Ben Youssef
Le Renouveau du samedi 18 février 1995
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