FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM AMATEUR DE KÉLIBIA (FIFAK) 2022 : UN ANNIVERSAIRE SANS FESTIVITÉS

Par Neila GHARBI – La Presse de Tunisie – Publié le 20/08/2022

Après un arrêt de deux années pour cause de pandémie de covid, le FIFAK (Festival international du film amateur de Kélibia) reprend de plus belle. Une nouvelle équipe est aux commandes d’une édition anniversaire de la FTCA (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs), organisatrice de la manifestation. Quelques modifications au niveau de la composition des jurys et des prix. Le jury national a été scindé en deux : un jury national pour les films et un jury pour les scénarios et les photos. La 35e édition (13 au 20 août 2022) a-t-elle été à la hauteur des attentes du public ?

Les points positifs : l’engouement du public de Kélibia, toujours au rendez-vous et de plus en plus nombreux. Pas de défaillance au niveau des projections des films. Les points négatifs : la carence de l’infrastructure qui n’a pas évolué, notamment l’hébergement. Adel Abid, directeur du FIFAK et président de la FTCA, s’adressant aux autorités locales, l’a signalé sur un ton ferme lors de son allocution d’ouverture de la 35e édition. L’absence de festivités pour le 60e anniversaire de la naissance de la Fédération. L’absence du bulletin quotidien d’information.

Le bon grain et l’ivraie

La sélection des films des compétitions internationale et nationale est toujours sujette au mécontentement de la part des cinéphiles. Le choix de certains films est discutable. Il y a le bon et le moins bon. Des hauts et des bas au niveau des films de la compétition internationale. Les dessins animés sont de qualité. Ils sont réalisés avec professionnalisme. Les fictions et les documentaires laissent à désirer : sujets fades, traitement cinématographique sans relief  et propos ressassés.

La compétition nationale révèle que la crise sanitaire a influé sur la production des films. La reprise est laborieuse. La plupart des films d’école sont en dessous de la moyenne, notamment ceux de l’ESAC : images sans contraste, son saturé, cadrage hésitant, montage désordonné…

À signaler de bonnes surprises de la part des indépendants et de quelques clubs de la FTCA. Certains films portent un propos intéressant en lien avec l’actualité et sont traités dans un genre expérimental ou documentaire. Les femmes rurales et leur combat pour la liberté d’exister en tant que citoyennes indépendantes, en l’occurrence le film où la jeune fille se bat avec sa famille pour continuer ses études et refuse de se soumettre à la volonté de sa mère qui veut la marier. Dans un autre registre, le covid et ses effets néfastes sur le tourisme, particulièrement à Djerba. L’isolement, la rupture avec la famille et le monde extérieur, sont traités dans un film à travers lequel un jeune enfermé dans sa chambre joue à construire des édifices avec des cartes.

Ces films et d’autres sont réalisés dans un huis clos, ce qui semble dire que l’horizon est fermé, pour cause la maladie, la pauvreté, le manque de ressources et de vision d’avenir. Malheureusement, la grande défaillance est l’encadrement de ces jeunes cinéastes qui détiennent un bon sujet mais n’arrivent pas à le maîtriser cinématographiquement et tombent souvent dans la facilité.

Désintérêt pour les colloques

Pas de gâteau, ni de bougie à l’occasion du 60e anniversaire de la FTCA. Par mesure économique ou choix du comité-directeur, les festivités n’ont pas été prises en compte. Mais un colloque de réflexion a été organisé sur deux jours, réunissant des intervenants qui ont débattu plus ou moins de la thématique : «Soixantenaire de la FTCA : Pour une nouvelle approche du mouvement des cinéastes amateurs» et «Le film amateur entre l’engagement social et les préoccupations esthétiques». Le public présent est représenté par quelques rares anciens cinéastes amateurs, alors que les jeunes n’ont jamais accordé d’importance à ce genre de séminaire. La raison essentielle est que, selon notre avis, les conférenciers  parlent un langage que les jeunes ne comprennent pas. Il y a donc un déficit de communication, pour ne pas dire rupture entre les générations.

Les réflexions sur le passé, le présent et l’avenir du cinéma, en général, et dans le cas présent de la FTCA sont dits avec des mots difficiles et un contenu vague. Les communicateurs, dont un grand nombre sont des académiciens, s’expriment avec parcimonie sur des questions auxquelles les jeunes n’accordent aucune importance. Par ailleurs, on a constaté l’absence de cinéastes amateurs qui sont les piliers de la FTCA et du FIFAK, à l’instar de Ridha Ben Halima, Radhi Trimech, Mustapha Taieb, et on en oublie. Ont-ils boudé la session anniversaire ou n’ont-ils pas été invités ?

À retenir quand même de ce colloque, l’importance de l’archivage et de la numérisation des films. Cette question a été toujours soulevée, mais elle est restée lettre morte. Ne fallait-il pas associer à ce débat la cinémathèque, dont le rôle est de veiller au patrimoine filmique du pays ?

Une citadelle imprenable

Toujours est-il que le FIFAK reste le point d’orgue de la FTCA et une fierté pour le pays parce qu’il permet à la jeunesse des quatre coins du pays de s’exprimer avec liberté sans aucune autocensure, ni censure. Durant les dix dernières années, certaines voix obscures ont voulu mettre la main dessus, mais les amateurs ont résisté avec acharnement pour que leur Festival continue à vivre contre vents et marées, apportant une bouffée d’air frais aux festivaliers de Kélibia.

La FTCA, dont certains intrus souhaitent l’éclatement, résistera à toutes les tentatives de déstabilisation grâce à ses piliers qui ont œuvré pour son existence et son évolution. Les générations actuelles et futures doivent veiller à préserver  leur Fédération de tous les imposteurs.

Et le FIFAK demeurera une citadelle imprenable et impénétrable.

Source : https://lapresse.tn


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