HABIB MASROUKI, JEUNE CINÉASTE TUNISIEN

La mort d’un ami et compagnon de chemin est toujours ressentie comme une douleur profonde. Celle de Habib Masrouki, qui fut l’espoir et l’un des talents prometteurs de la nouvelle génération du cinéma tunisien, est une perte inestimable.

Sa disparition subite, à l’âge de 33 ans, le 29 novembre 1980, quelques jours après la clôture des 8èmes JCC auxquelles il fit une brève visite l’espace d’une projection, est venue mettre fin à tout espoir et à tant d’années de lutte fructueuse, mais aussi combien épuisante.

Depuis son plus jeune âge, H. Masrouki admirait le cinéma, croyait à l’importance qu’il peut revêtir dans un pays en pleine mutation tel que la Tunisie des années 1960 et 1970.

Cinéaste-amateur au sein du club de Kairouan, Masrouki s’est familiarisé avec la technique cinématographique. Passionné par l’image, il devint le meilleur opérateur de l’Association des jeunes cinéastes (actuellement Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs). Il réalisa en 1967 le premier film tunisien d’animation en couleur, «Notre monde»; un magnifique court-métrage dénonçant la guerre en représentant les puissances antagonistes par des paquets de cigarettes.

Ce film original dans sa forme, qui fut la preuve de la maturité technique de son auteur, a été primé à plusieurs reprises, tant en Tunisie qu’à l’étranger.

Après avoir fait des études de cinéma à l’école Louis-Lumière (Vaugirard), option prises de vue et montage, H. Masrouki assura en 1972 l’image du moyen-métrage «Les Seuils interdits» de Ridha Béhi, préambule au long-métrage que ce dernier a réalisé en 1976, «Soleil des hyènes», mais cette fois-ci sans la participation de celui qui était à l’origine du premier succès. A partir de 1976, il participa avec Mohamed Driss, Fadhel Jaibi, Fadhel Jaziri et Jalila Baccar à la création du Nouveau Théâtre de Tunis qui va révolutionner la création théâtrale, non seulement en Tunisie, mais aussi dans tout le monde arabe.

La grande révélation de ce jeune groupe fut la création de «La Noce», qui reçut un succès retentissant auprès de la critique et du public.

Profitant de la présence de H. Masrouki dans le groupe, le Nouveau Théâtre de Tunis adapta cette pièce à l’écran, en 1978, (voir la critique Adhoua n°1). Ce merveilleux film allait donner au cinéma tunisien son second souffle. Habilement filmé et magistralement joué, «La Noce» a sorti le cinéma tunisien de son laxisme et de sa stagnation. Certes «La Noce» est une œuvre collective, mais la participation de Masrouki à sa conception, par son écriture cinématographique fort originale et novatrice et son exécution, fut incontestablement la plus imposante.

Habib ne nous aurait jamais permis de sortir de pareilles vérités parce que sa foi et son attachement au travail collectif étaient si forts que l’homme, en tant qu’individu, s’effaçait totalement devant le fruit de son œuvre.

Nous rendons un dernier hommage à l’ami comme au cinéaste qui a marqué notre génération par une œuvre originale et authentique, mise en valeur par une grande simplicité et une grande modestie.

Hamadi Bouabid – (Adhoua N°3 du Janvier – Février – Mars 1981).


 

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