FESTIVAL DU CINÉMA AMATEUR DE KÉLIBIA : AMBITIONS ET LACUNES

Par Samira DAMI – La Presse du 24 juillet 1985

Après une journée de flottement, la 12ème session du Festival du Cinéma non professionnel a enfin démarré, le dimanche 21 juillet, soit le lendemain de la cérémonie d’ouverture qui a eu lieu le samedi 20 juillet. Elle a été présidée par M. Ezzeddine Chelbi, ministre du Tourisme, qui a évoqué, dans une brève allocution, le mérite et le courage des cinéastes amateurs soutenus dans leur action par le ministère des Affaires culturelles et les autorités locales. La soirée d’ouverture a été consacrée aux films d’information et aux hommages. Ce qui n’a fait que prolonger l’attente des participants et des festivaliers, d’autant plus que les films d’hommage n’étaient pas du tout récents, certains datant même de 1957 (les films italiens).

Pour donner plus de «punch» à cette ouverture, il aurait fallu présenter le soir-même les films en compétition afin de susciter l’intérêt de tous et de faire meilleure impression.

Dimanche 21 juillet :

À 18h à la Maison du Peuple, le maire de Kélibia, M. Mongi Ben Hamida, a souhaité la bienvenue aux invités venant de tous les coins du monde (40 pays participants) lors d’une sympathique réception.

À 21 h45 à la salle de plein air de la Maison du Peuple, on est passé aux choses sérieuses… Devant un public composé d’adultes et de beaucoup d’enfants, on a présenté les délégations étrangères, le jury international dont la présidente n’est autre que la dynamique Moufida Tlatli, première monteuse de films en Tunisie.

Plus tard, une parenthèse musicale a été proposée. Zine Essafi chante Mahmoud Darouiche et Mudhaffar El Nawab. Certains ont apprécié, le public a enfin pu savourer le premier film en compétition : «Le Voleur de jasmin», de Khaled Barsaoui (Tunisie), court-métrage de qualité et sans bévues, mettant en scène les rêves d’un enfant qui butte contre des murs…

Signalons que ce film a été primé l’an dernier au Festival national de Ksour-Essaf (premier prix). Le public a ensuite vibré, notamment lors de la projection des films américain «Jeux prolongés» de David Casoi et soviétique «Le Cercle magique» de Zigurds Vidigush. D’une excellente qualité technique et artistique, ces deux films égalent ou surpassent, sur ce plan, n’importe quel film professionnel.

Lundi 22 juillet :

À 10h, les débats chauffent. Les cinéphiles jonglent avec le verbe, la syntaxe et les syllogismes ! Khaled Barsaoui, auteur de «Le Voleur de jasmin», se trouve dans le box des accusés. Les tirs sont plus au moins ajustés. Il arrivait en effet à certains de se tromper de film en critiquant des scènes qui ne s’y trouvent pas !… Mais, l’important n’est-il pas de laisser galoper l’imagination…

À 17h, dans la cour de la Maison du Peuple, Richard Clark, Québécois, animateur et créateur de films, supervise les travaux de deux groupes de jeunes qui répètent sans cesse, mais à une nuance près, le même dessin : une chaîne. C’est là l’atelier de dessin animé, «L’animathon». Richard Clark avoue : «C’est une expérience formidable, vous allez voir le résultat : en deux jours, six dessins animés d’une minute trente chacun verront le jour. Pour cela, chaque groupe devra réaliser 1.000 dessins. D’habitude, je prends des groupes de six, là ils sont plus nombreux. Dix jeunes pour chaque groupe. Mais peu importe, l’essentiel c’est qu’ils puissent créer et juger leur création».

Signalons que les six dessins animés seront présentés au public avant la fin du Festival et que des prix et des diplômes seront décernés.

Par contre, les professionnels tunisiens devant animer l’atelier technique de lumière ont brillé par leur absence. D’autres rendez-vous ont été manqués avec d’autres manifestations initialement prévues, telles que l’hommage à Pierre Olivier par l’intermédiaire d’une exposition de photos de Ridha Zili et l’exposition que devait faire Nja Mahdaoui. Problème d’organisation ou laisser-aller ? Allez savoir.

Bref, si l’on en croit M. Radhi Trimèche, directeur du Festival, dans son allocution prononcée lors de la journée d’ouverture : «Le rayonnement du Festival de Kéfibia nous oblige à exiger la qualité artistique de tous les films qui seront présentés». L’on est donc en droit de s’attendre à une organisation à la mesure de cet objectif ; or les petites failles n’ont pas manqué. Le bulletin du Festival n’a pas pu paraître lors de la journée du dimanche, en dépit des efforts de la cellule de presse du comité directeur. Les retards répétés dans le démarrage des projections prolongent un peu trop les veillées. Le laisser-aller dans l’accueil des participants et des invités porte préjudice à la renommée du Festival.

En outre, il est curieux de noter la programmation de certains films en compétition, alors qu’ils ne répondent pas aux exigences du règlement général, lequel prévoit clairement dans l’article cinq, que «la langue officielle du film non professionnel est l’arabe. Les films présentés dans une autre version doivent être accompagnés d’un commentaire écrit sonore en arabe ou en cas d’impossibilité technique, en français». Ainsi, le film portugais «La Chasse artisanale à la baleine» de Fernando Conade de Motos, quoique très intéressant par son contenu, est passé en version originale.

Toutes ces lacunes n’ont certes pas empêché le Festival de suivre son cours … en attendant l’ouverture du colloque intitulé «Cinéma et histoire» qui se fera aujourd’hui à 9h.

Cependant, il serait utile de signaler qu’au niveau de la compétition internationale, le jury sera confronté à un problème majeur : comment comparer un film de nationalité étrangère d’une qualité artistique indiscutable avec la production nationale qui, en grande partie, laisse souvent à désirer ? S’agit-il seulement d’un problème de financement ? (Voir ci-contre l’interview de Mme Nadia Attia). Il est difficile de ne voir les choses que sous cet angle. À suivre.

Samira DAMI

La Presse du 24 juillet 1985


 

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