ESSAI D’UNE TYPOLOGIE DU CINÉMA TUNISIEN

Par Mahmoud Jemni pour cinematunisien.com

Faire la typologie d’un cinéma ayant à son actif un peu plus de cent longs-métrages est une aventure périlleuse. Nombreuses sont les appréhensions, sous forme de questions à égrener.

Je me poserai d’emblée les questions suivantes : s’agit-il des images fictionnelles tunisiennes d’avant ou d’après l’indépendance ? Quel mode d’analyse faut-il adopter ? Faut-il opter pour la chronologie, aux dépens de la classification par thème ? Ou choisir les deux modes, afin d’amoindrir les embûches et fournir au lecteur non tunisien le plus d’informations susceptibles de l’aider à mieux se représenter l’évolution et l’état de notre cinéma ?

Je ne parlerai que des films, courts ou longs, tournés après 1956, année de l’indépendance du pays. Tous les spécialistes du cinéma tunisien retiennent quatre grandes périodes. Je les relaterai dans une optique purement chronologique, tout en espérant évoquer par la suite les grands thèmes qui caractérisent notre cinéma.

Quelques informations

Le cinéma tunisien est peu foisonnant, mais présent dans les rencontres internationales, telles Berlin, Venise et Cannes. Il a été, trois fois, retenu à la Compétition officielle de Cannes. La première sélection remonte à 1970 avec «Une si simple histoire» de Abdellatif Ben Ammar, soit quatre ans après le premier long-métrage de la Tunisie indépendante, «L’Aube», de Omar Khlifi (1966).

Notre cinéma se caractérise aussi par l’exiguïté de son marché et la disparition du complexe cinématographique de Gammarth créé en 1967. Les laboratoires de Gammarth ont longtemps permis à la Tunisie de posséder une infrastructure technique et industrielle assurant la confection des films en noir et blanc. Hormis l’Égypte, la Tunisie était l’unique pays africain à avoir de tels moyens de production cinématographique.

Dix ans auparavant (1957), le jeune état tunisien avait créé la SATPEC (Société anonyme de Production et d’Expansion cinématographique), lui confiant la tâche de veiller à la prospérité du secteur cinématographique. De nos jours, la SATPEC et son patrimoine ont totalement disparu. En 1956, année de l’indépendance, il y avait 150 salles de cinéma répandues sur tout le territoire. Actuellement, on ne compte plus que 16 salles pour dix millions d’habitants.

La cinéphilie, qui était la fierté du peuple tunisien, est de nos jours dans un état moribond. Bien avant l’indépendance, la Fédération tunisienne des Ciné-clubs a vu le jour en 1950 et a été la première fédération africaine et arabe. Les ciné-clubs connurent un âge d’or jusqu’à la première moitié des années quatre-vingt. Les adhérents : intelligentsia, élèves et étudiants, se comptaient par milliers. Les clubs ont été implantés aux quatre coins du pays. La Fédération des Cinéastes Amateurs (1962) a amplement contribué à la consolidation d’une culture cinématographique déjà répandue. Les deux associations entretenaient de fortes relations de coopération et de complémentarité. Cette impulsion cinéphilique a été freinée par le régime en place, qui craignait une prise de conscience mettant en danger les jours de son système politique. Pourtant, les gouvernements successifs représentant l’unique parti de Bourguiba ont pris différentes mesures pour jeter les bases d’un secteur cinématographique national.

La première période : 1956-1970

Les dix premières années ont été marquées par des documentaires relatant les événements de la jeune Tunisie. Ce sont des films de commande et de propagande. Ils sont connus sous l’appellation «Actualités tunisiennes».

La SATPEC supervisait la fabrication de ces documents. Les développements et les travaux de post-production se faisaient à l’étranger, notamment en France. Dès 1967, année de la création du complexe de cinéma de Gammarth, la fabrication des films est désormais possible dans le pays. Deux fictions tunisiennes ont été tournées par deux étrangers. Le premier, en 1957, s’intitule «Chaînes d’or» avec, pour la première fois devant la caméra, une native de Tunis, Claudia Cardinale. Son réalisateur, René Vautier, est l’une des figures du cinéma militant français. Jean Michaud-Mailland réalise «H’mida», un long-métrage sur la fin du colonialisme.

D’autres films, essentiellement des documentaires, ont été tournés par de jeunes diplômés de cinéma, sortant de l’IDHEC dans leur majorité. On peut citer quelques noms qui ont marqué par la suite le secteur : Ahmed Harzallah, Hatem Ben Miled, Hassen Daldoul… De jeunes amateurs, regroupés dès 1962 sous l’égide de la Fédération tunisienne des Cinéastes Amateurs (FTCA), créent en 1964 le Festival International du Film Amateur de Kélibia (FIFAK). Les films des amateurs montrés dans ce festival «ont pu, tant bien que mal, échapper au piège mortel de l’autarcie et de l’enfermement, témoigner des profondes mutations sociales et politiques d’un pays et être le creuset d’expressions et de sensibilités tunisiennes», écrivait Hédi Khelil, critique tunisien.

L’audace de ces cinéastes non-professionnels expliquerait-elle en partie le fait que le premier long-métrage, «L’Aube», a été tourné en 1966 par un cinéaste autodidacte, membre de la FTCA : Omar Khlifi ?

Ce premier long-métrage de la Tunisie, applaudi par quelques uns, dénigré par d’autres appartenant essentiellement à la corporation, tel Hassen Daldoul qui trouve que «L’Aube» reste un très mauvais film qu’il faut mettre à sa juste place. Il n’est qu’un évènement secondaire.

L’année 1966 demeure une année-phare dans les annales du cinéma tunisien, suite à trois événements. Le premier incombe à l’audace de cette équipe composée exclusivement de Tunisiens qui ont donné à la nation sa première fiction. Le second fut la création des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC). Le dernier événement est la naissance du cinéma tunisien de la femme. Avec son documentaire «Chéchia», Sofia Ferchiou, anthropologue de formation, ouvre la marche aux réalisatrices tunisiennes. Actuellement, ces dernières constituent à peu près le quart de la corporation.

En cinq ans (1966/1970), neuf longs-métrages ont été réalisés par sept réalisateurs. Deux sont issus de cinéastes amateurs : Omar Khlifi et Ahmed Khechine. Ce dernier est l’auteur de «Sous la pluie de l’automne» (1969). Les autres sont tous diplômés des écoles européennes de cinéma. Hamouda Ben Hlima a donné, en 1968, à la Tunisie une merveille : «Khlifa le teigneux». Cinéphiles, critiques et gens du métier sont unanimes quant à l’importance de ce film. Pour Nouri Bouzid, cet opus «porte la Tunisie, le patrimoine tunisien, la personnalité tunisienne, la sincérité, l’émotion en somme, tout ce qu’il y a dans nos films des années quatre-vingt».

Cette décennie s’achève par la participation à la sélection officielle du Festival de Cannes 1970. «Une si simple histoire» d’Abdellatif Ben Ammar, diplômé de l’IDHEC, présente la Tunisie à cette rencontre internationale.

La deuxième période : 1971 – 1980

Le nombre de longs-métrages produits pendant cette période s’élève à dix-sept films. Le nombre de films produits a presque doublé, un vrai bond par rapport aux années précédentes.
L’intrusion de certains réalisateurs de télévision dans le secteur cinématographique est l’un des faits marquants de cette période. Ali Mansour, Mohamed Ali Okbi, ont respectivement réalisé la même année (1978) «Un Ballon de rêve» et «Deux Larrons en folie». Quant à leur collègue, Abderrazag Hammami, il a enrichi la liste des films tunisiens avec «Omi Traki» en 1973 et «Mon village» en 1979.

D’autres faits remarquables méritent d’être soulignés :

 

  • a) Le recours à l’adaptation de romans littéraires : Brahim Babai adapte en 1971 «Et demain», d’après le roman «Ma part d’horizon» de Abdelkader Ben Cheik.
  • b) L’exaltation de la lutte héroïque à laquelle le peuple prend part : Abdellatif Ben Ammar l’exprime dans son deuxième long-métrage, «Sejnane», 1973.
  • c) Omar Khlifi, qui a dominé la production cinématographique durant la première période avec des films louant la lutte nationale, réalise en 1972 «Hurlements». Ce film témoigne de l’émergence de l’individu-femme et ouvre ainsi la voie à un cinéma tunisien féministe et féminin.
  • d) La réalisatrice Selma Baccar tourne en 1976 un docu-fiction, «Fatma75». Elle nous plonge dans l’histoire ancienne pour faire revivre les femmes célèbres de l’histoire tunisienne.
  • e) De nouveaux thèmes sont évoqués, tels l’immigration avec «Les Ambassadeurs» de Nacer Ktari (1975), Tanit d’or JCC, ou les ravages du tourisme avec «Soleil des hyènes» en 1976, premier long-métrage de Ridha El Behi, issu lui aussi du groupe de cinéastes amateurs. Cette fiction a été tournée au Maroc à cause de la censure. «Aziza» de Abdelatif Ben Ammar (1980) critique la dépendance de la Tunisie vis-à-vis de l’étranger.
  • f) La réalisation collective des films est désormais une tradition du collectif «Nouveau Théâtre de Tunis». Les cinq membres de ce groupe ont mis en bobine «La Noce», adaptation d’une pièce éponyme (1978).

La période 1981-1990

Vingt-trois films voient le jour au cours de cette décennie, la production devient quasi régulière avec deux longs-métrages par an.

Abdellatif Bouassida, Taieb Louhichi, Mahmoud Ben Mahmoud, Néjia Ben Mabrouk, Lotfi Essid, Nacer Khémir, Nouri Bouzid, Mohamed Dammak, Fitouri Belhiba et Ali Laabidi tournent, chacun, leur premier long-métrage. Les résultats sont mitigés. «Traversées» (1982) de Mahmoud Ben Mahmoud, «La Trace» (1982-1986) de la réalisatrice Néjia Ben Mabrouk, «Le Collier perdu de la colombe» (1988) de Nacer Khémir ont été hautement considérés par les cinéphiles tunisiens.

Mais le film qui a donné une grande impulsion au cinéma tunisien reste sans contestation le premier long-métrage de Nouri Bouzid : «L’Homme de cendres» en 1986. Il a permis aux spectateurs tunisiens de renouer avec le cinéma national. Avec la sortie de ce film, le cinéma tunisien va connaître jusqu’en 1996, ce que l’on a appelé, à juste titre, des années fastes.

«Halfaouine, l’enfant des terrasses» (1990), de Férid Boughédir a drainé plus de 600.000 spectateurs. Effet considérable, compte-tenu de l’exiguïté du marché national.

Cet enthousiasme ne doit jamais cacher l’échec de certaines œuvres. «Le Défi» de Omar Khlifi (1985) n’a pas connu la réception escomptée pour son thème récurrent : la lutte pour la libération et l’exaltation d’un seul leader. «Barg Ellil» de Ali Labidi (1990) a connu un cuisant échec pour ses multiples faiblesses. «Cœur nomade» (1990) de Fitouri Belhiba, malgré son audace et l’originalité de son message, n’a pas trouvé de distributeur.

La période 1991 jusqu’à nos jours

La moitié des longs-métrages ont été réalisés durant ces seize années. «Les Silences du palais» demeure, incontestablement, le meilleur film de cette période. Sorti en 1994, il a été réalisé par une monteuse de carrière, Moufida Tatli. Ce film obtient lors de sa sortie deux prix : la Caméra d’or à Cannes et le Tanit d’or aux Journées Cinématographiques de Carthage. Moufida Tlatli révèle, dans son premier long-métrage autobiographique, la force révolutionnaire inhérente à la mentalité des femmes tunisiennes.

Les années fastes de notre cinéma inaugurées en 1986 par le premier long-métrage de Nouri Bouzid connurent leur fin avec «Essaida», première œuvre de Mohamed Zran. Ce film a connu un formidable succès auprès du public. Il est l’un des rares films tunisiens qui ait rompu avec les espaces traditionnels de la médina. Son réalisme social poignant, son exploration des tréfonds de la marginalité expliquent sa bonne réception.

Cependant, deux autres films ont été également positivement reçus. Il s’agit de «Soltane El Médina» premier long-métrage de Moncef Douib (1992). Ce dernier confirme le talent qu’il a démontré dans ses courts-métrages, tels «Hammam Dhab» et «Hadhra». Le réalisateur filme la lutte pour le pouvoir entre des membres d’une communauté dans la médina de Tunis.

Le second film est «Poussières de diamant», co-réalisé par Mahmoud Ben Mahmoud, auteur de «Traversées», et Fadhil Jaibi, auteur de «La Noce».

Tous les films sortis depuis 1977 n’ont pas trouvé le même accueil, y compris ceux de certains réalisateurs confirmés comme Nouri Bouzid et Abellatif Ben Ammar. Ce dernier revient en 2002 avec «Le Chant de la noria», après une absence de 23 ans. Il n’a drainé que 10.000 spectateurs. «Poupées d’argile» de Nouri Bouzid, sorti lui aussi en 2002, réalise un score similaire.

La récession est alarmante. Pire, certains films n’ont pas trouvé de distributeur. Citons «La Boite magique», quatrième long-métrage de Ridha El Behi ou «No man’s love» de Nidhal Chatta. D’autres, malgré leurs qualités esthétiques, l’originalité de leur écriture et l’audace de leur sujet, n’ont pas tenu plus d’une semaine à l’affiche. «Khorma» (2004), de Jilani Saadi, en est le meilleur exemple.

Malgré cet essoufflement, l’espoir émane de quelques réalisateurs de la jeune génération, représentée par la plus jeune réalisatrice, Raja Amari, auteure de «Satin rouge» (2002), ou de Mohamed Zran avec son film «Le Prince» (2004). Les entrées de ce film ont frôlé les cent mille spectateurs. «Making off», sixième long-métrage de Nouri Bouzid, sorti début 2007, semble recréer le phénomène déclenché par «L’Homme de cendres» en 1986. Un bon augure.

Le cinéma tunisien présente aussi un florilège de films documentaires que l’on peut compter par centaines. Comme tout cinéma, il a débuté avec des films retraçant le réel. Toute la fierté de notre cinéma de cette période incombe aux films documentaires produits par des réalisateurs de fiction ou des documentaristes. L’ensemble de ces films du réel n’a rien à voir avec ceux de commande. Les réalisateurs qui ont fait des documentaires sont nombreux.

Parmi les pionniers, on peut citer Hmida Ben Ammar et Abdelhafid Bouassida. Leur benjamin, Hichem Ben Ammar, a fait du cinéma documentaire un sacerdoce.

La catégorisation retenue

Après cet exposé descriptif, l’heure est à la catégorisation. Nous avons jugé utile de proposer les catégories suivantes. Les exemples proposés le sont à titre indicatif.

  • a) Films relatant la lutte pour la libération :

Nous retenons pour notre étude deux films, à savoir «Les Fellagas» et «Sejnane». Le premier a été réalisé en 1969 par Omar Khlifi. Une histoire d’amour sous-tend cette fiction. Mosbah voit sa cousine bien-aimée épousée, contre son gré, par un supplétif des armées d’occupation coloniale. Mosbah rejoint les «Fellagas» et s’entraîne à oublier sa rancœur dans la lutte. Ses exploits ne tardent pas à faire de lui un héros légendaire. Il ne dépose les armes qu’après la signature du Traité de l’Indépendance en 1956.

Dans «Sejnane», de Abdellatif Ben Ammar (1973), l’action se passe en 1952. Kamel est interne au collège Sadiki. Il se pose des questions sur la situation politique de la Tunisie. Kamel rejette de plus en plus l’ordre établi, au point de se solidariser avec des mineurs en grève.

  • b) Films à dominante sociale :

«Sous la pluie de l’automne» (1969), de Ahmed Khéchine, est inspiré d’événements réels. Une famille pauvre délaissée par un père ivrogne, le fils aîné est chômeur et veut immigrer. La sœur aînée travaille dans une usine et tombe amoureuse d’un jeune mécanicien sans scrupule, qui la séduit et l’abandonne. Elle est alors chassée de la maison par son frère sous une pluie battante. La mère, symbole de la famille traditionnelle, dernier refuge, protège ses enfants en difficulté et les serre dans ses bras.

Le deuxième drame social est raconté en 1996 par Mohamed Zran dans «Essaida». Un célèbre artiste peintre prépare une exposition. Il rencontre Nidhal, un adolescent qui mendie pour subvenir aux besoins de sa famille. Il le suit jusqu’à Essaida, quartier populaire de la capitale où réside le jeune garçon.

  • c) Le cinéma populiste :

La comédie sociale, l’humour, la dérision et la satire font partie du cinéma tunisien. Comme à l’accoutumée, nous avons retenu deux films.

  • «Les Zazous de la vague» (1992), de Mohamed Ali El Okbi. C’est l’histoire de deux employés de la pâtisserie de l’Italienne Madame Rita, ces deux garçons n’ont d’autre souci que de draguer des filles…
  • «La Télé arrive», comédie de Moncef Dhouib (2006), le film nous conte un village tranquille du sud tunisien. Cette communauté vit au rythme des fêtes nationales, pendant lesquelles les mêmes programmes sont systématiquement proposés. Un coup de téléphone de la capitale annonce la visite prochaine d’une équipe de télévision allemande. Le comité culturel décide de donner une image positive de son village et se livre à une véritable mise en scène qui travestit la réalité.
  • d) Le cinéma de la femme :

Nous retiendrons deux films représentant ce courant.

  • «La Trace» de Néjia Ben Mabrouk (1982-1986) et «Satin rouge» (2002) de la plus jeune réalisatrice tunisienne, Raja Amari. Dans «La Trace», Sabra, fille du sud tunisien, née d’un père mineur et d’une mère illettrée, veut monter à la capitale pour poursuivre ses études, prenant le risque de défier les privations et les interdits.
  • «Satin rouge» nous fait vivre avec Lilia, qui apparait à tous une femme rangée et une mère ordinaire. Elle élève seule sa fille depuis la mort de son mari. Par un concours de circonstances, Lilia se rend un soir dans un cabaret. Un monde nouveau s’ouvre à elle. Elle ne peut s’empêcher d’y retourner. Elle se retrouve, au fil des nuits, danseuse de cabaret. Elle va basculer de l’exemplaire mère de famille, qu’elle n’est pas tout à fait, à la femme de la nuit, qu’elle n’est pas encore vraiment.

 

  • e) Le cinéma du destin individuel :

Certaines productions tunisiennes valorisent l’individu, et nous présentent des individus humiliés qui se sont exprimés soit à travers la révolte et la vengeance, soit par le biais d’un silence exprimant une colère intériorisée.

Les deux films choisis pour représenter cette catégorie sont «Khlifa le teigneux» de Hamouda Ben Halima (1969) et «L’Homme de cendres» de Nouri Bouzid (1986).

Le premier film est l’histoire d’un gosse des rues, dans le Tunis d’avant-guerre. Cet orphelin de naissance est devenu garçon de courses. Les maris le laissent pénétrer chez eux. Pour eux, un teigneux n’est pas vraiment un homme. Il est devenu commissionnaire, confident et complice. Un jour, les maris barricadent leurs portes. Inquiet, Khlifa va demander la clef du mystère à un magicien marocain.

Dans «L’Homme de cendres», Hechmi, jeune sculpteur sur bois, va entrer dans l’âge adulte par la voie traditionnelle : le mariage. Les préparatifs vont bon train. Un incident plonge Hechmi dans le passé et révèle des moments tragiques : lui et son ami Farhat ont été victimes d’un viol à l’âge de dix ans. Ce drame le pousse à quitter sa famille la veille de ses noces.

  • f) le cinéma intellectuel :

Ce type de films tunisiens est représenté par «Moktar» de Sadok Ben Aicha (1968) et «La Noce» du collectif Nouveau Théâtre (1978).

Moktar, jeune lycéen, rend visite à son professeur de philosophie à qui il présente le manuscrit de son premier roman, traitant des problèmes de la jeunesse tunisienne après la décolonisation. Édité par l’Union des Femmes de la Tunisie, ce roman connaît un grand succès. La carrière de Moktar est à son apogée : on se propose de tirer un film de son premier roman… Un jour, Moktar disparaît.

Dans «La Noce», l’action se passe à minuit, après le dîner qui clôture, selon la coutume tunisoise, le septième jour du mariage. Après le départ des derniers invités, les deux conjoints vont, dans un jeu cruel de provocations et d’agressions, s’affronter et découvrir les mensonges, malentendus, haines réciproques…

  • g) le cinéma du réel :

Tous les réalisateurs tunisiens, à de rares exceptions près, ont tourné des films documentaires. Déroge à la règle Hichem Ben Ammar qui n’a pas opté jusqu’à nos jours pour la fiction, et à un degré moindre son aîné Abdelhafidh Bouassida. Ce dernier était très prolifique. L’affiche de son documentaire «Rapsodie berbère» (1964) sera analysée lors de ce travail. Quelque part dans le grand sud tunisien, dans le flanc de la montagne et à plusieurs pieds sous terre, vivent encore de nos jours comme il y a de cela des centaines d’années, ceux qui furent les premiers habitants de la Tunisie : les Berbères. Défiant le modernisme, ils essayent de sauvegarder leur civilisation et son originalité. De l’œuvre de Hichem Ben Ammar, nous analyserons l’affiche de «J’en ai vu des étoiles» (2006). Ce documentaire retrace l’histoire de la boxe dans la Tunisie plurielle, où les Tunisiens, quelle que soit leur confession, boxaient ensemble.

  • h) Le cinéma d’inspiration soufie (mystique) :

Ce type de cinéma est représenté par un seul réalisateur : Nacer Khémir. Il est l’auteur du film «Les Baliseurs du désert» (1984), un film qui revalorise le passé et le patrimoine arabo-musulman. C’est une méditation sur la grandeur perdue de la civilisation arabe qui rayonnait sur le monde de Grenade à Damas. Dans «Bab’Aziz» (Le Prince qui contemplait son âme), 2006, le réalisateur revendique sa filiation civilisationnelle. Il rend hommage à la sagesse des maîtres soufis.

Mahmoud Jemni.

Liens films

  • Aziza, de Abdellatif Ben Ammar, 1980.
  • Bab’Aziz  (Le Prince qui contemplait son âme), de Nacer Khémir, 2005.
  • L’Aube (Al Fajr), de Omar Khlifi, 1966.
  • L’Homme de cendres, de Nouri Bouzid, 1986.
  • La Boite magique, de Ridha Béhi, 2002.
  • La Noce – Al-‘urs, de Jalila Baccar, Fadhel Jaïbi, Fadhel Jaziri, Mohammed Driss, Collectif du Nouveau Théâtre de Tunis, Habib Marouki, 1978.
  • La Télé arrive (Talfza jaya), de Moncef Dhouib, 2006.
  • La Trace (Al-sâma), de Néjia Ben Mabrouk, 1988.
  • La Transe (El Hadhra), de Moncef Dhouib, 1989.
  • Le Chant de la noria, de Abdellatif Ben Ammar, 2002.
  • Le Collier perdu de la colombe, de Nacer Khemir, 1991.
  • Le Défi (Al-tahaddi), de Omar Khlifi, 1972.
  • Le Prince, de Mohamed Zran, 2004.
  • Le Soleil des hyènes, de Ridha Béhi, 1976.
  • Le Sultan de la médina (Soltane el medina), de Mohamed Ben Smaïl, Moncef Dhouib, 1992.
  • Les Ambassadeurs (Al-sufaraa), de Naceur Ktari, 1975.
  • Les Baliseurs du désert (El Haimoune), de Nacer Khémir, 1984.
  • Les Fellagas, de Omar Khlifi, 1970.
  • Les Silences du Palais, de Moufida Tlatli, 1994.
  • Chéchia, de Sophie Ferchiou, 1976.
  • Cœur nomade (Regaya), de Fitouri Belhiba, 1990.
  • Et demain ? (Wa ghadan ?), de Brahim Babaï, 1971.
  • Fatma 75, de Salma Baccar, 1976.
  • Halfaouine, l’enfant des terrasses, de Férid Boughédir, 1990.
  • Hammam d’Hab, de Moncef Dhouib, 1986.
  • Hurlements (Sourakh), de Omar Khlifi, 1972.
  • J’en ai vu des étoiles (Choft Ennoujoum fil Quaïla), de Hichem Ben Ammar, 2006.
  • Khélifa Lagraa, de Hammouda Ben Hlima, 1967.
  • Khorma, le crieur de nouvelles (La bêtise), de Jilani Saâdi, 2002.
  • Making of, le dernier film, de Nouri Bouzid, 2006.
  • Mon village, un village parmi tant d’autres, de Taïeb Louhichi, 1972.
  • No Man’s love, de Nidhal Chatta, 2000.
  • Ommi Traki, de Abderrazak Hammami, 1972.
  • Poupées d’argile, de Nouri Bouzid, 2002.
  • Poussière de diamant (Chich khan), de Mahmoud Ben Mahmoud, Fadhel Jaïbi, 1991.
  • Rapsodie berbère, de Hassen Daldoul, Abdelhafidh Bouassida, 1981.
  • Satin rouge, de Raja Amari, 2000.
  • Sejnane, de Abdellatif Ben Ammar, 1974.
  • Traversées, de Mahmoud Ben Mahmoud, 1982.
  • Une si simple histoire, de Abdellatif Ben Ammar, 1970.
  • Les Zazous de la vague (Al-Zazouet), de Mohamed Ali Okbi, 1992.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire