PREMIERS FILMS TOURNÉS EN TUNISIE : LA MOISSON DES SIÈCLES

Par Hatem Bourial – Le Temps – Mardi 7 Mars 2017.

Depuis 1896, la Tunisie a offert un plateau de tournage aux cinéastes de plusieurs nationalités. Films documentaires et œuvres de fiction se comptent par centaines depuis la première venue sous nos cieux des opérateurs Lumière et le tournage en 1919 du mythique «Cinq gentlemen maudits» de Luitz Morat…

C’est en 1919, il y a presque un siècle, qu’était tourné en Tunisie le film «Cinq gentlemen maudits» de Luitz Morat. Ce film interprété par Pierre Regnier est en fait le premier film de long-métrage à avoir été tourné sur le continent africain. L’œuvre est depuis devenue mythique et fera d’ailleurs l’objet d’un remake en 1931. Cette nouvelle version des «Cinq gentlemen maudits» sera tournée au Maroc par Julien Duvivier avec Harry Bauer dans le rôle principal.

Entre documentaires et films de fiction

Ce film tourné en 1919 fait à juste titre pleinement partie de l’histoire du cinéma en Tunisie. Relativement simpliste, la fable raconte les aventures de cinq jeunes hommes maudits par les imprécations d’un vieil homme pour avoir tenté de retirer le voile d’une femme. À grands renforts d’exotisme, le réalisateur mettra en valeur le «décor» tunisien, inaugurant un long cycle de tournages de films en Tunisie.

Auparavant, les opérateurs Louis Lumière avaient commencé à filmer des documentaires en Tunisie dès 1896. C’est ainsi que douze films d’une minute chacun avaient été tournés dès les premiers pas du cinématographe. Ces films représentent différentes scènes comme une halte à la gare, des souks, des portes et des places publiques ainsi que l’escorte du bey de Tunis. L’ensemble de ces courts-métrages sont disponibles à la Cinémathèque française et pourraient être montrés en Tunisie. La dernière projection de ces films a eu lieu au milieu des années soixante.

La tradition du tournage de documentaires a connu plusieurs autres moments devenus historiques. Ainsi, en 1899, seront tournés des films mettant en exergue pêcheurs de Bizerte ou tribus du sud. Réalisées par Raoul Sanson, ces oeuvres seront présentées à la Foire universelle de Paris en 1900.

Quelques années plus tard, Félix Mesguich tournera dans plusieurs régions tunisiennes. C’est en 1905 que cet ancien opérateur des équipes de Louis Lumière filmera Tunis, Kairouan, Matmata ou Djerba.

Tous ces films précèdent les oeuvres qui seront réalisées par Albert Samama Chikly, premières tentatives cinématographiques purement tunisiennes que sont «Zohra» en 1922 et «Aïn el Ghezal» en 1924. Toutefois, en 1901, Samama Chikly a aussi tourné un court-métrage de vues aériennes. Ce petit film est en effet la première oeuvre de ce pionnier et a été tourné depuis le ciel, à partir d’une montgolfière qui avait pris son envol de l’avenue de Paris.

De «Maarouf le savetier» à «L’Arabe»…

Après le film «Cinq gentlemen maudits», une autre œuvre tournée en Tunisie en 1921 mérite d’être mentionnée. Il s’agit de «Maarouf le savetier», réalisé par Roger Dessort, sur un scénario du Tunisien Taieb Belkhiria qui devient ainsi le tout premier scénariste de l’histoire du cinéma tunisien.

Inspiré des Mille et une Nuits, ce film a été entièrement tourné en Tunisie. Interprété par Jean Signoret et Marguerite Larose, cette œuvre mettait aussi à l’affiche le comédien tunisien Mohamed Medelgi et également le fameux Mairef, le nain du bey. Les scènes du film avaient été tournées à la maison du Baron d’Erlanger, au café de Sidi Bou Saïd et dans les jardins de la demeure des Bouhageb.

La première projection de ce film a eu lieu le 19 mai 1921 au cinéma Max Linder à Paris. Le public tunisien découvrira ensuite cette œuvre à l’Omnia Pathé, alors dirigé par Ali Ben Kemla, le tout premier directeur de cinéma qui est aussi le fondateur du célèbre Théâtre Ben Kemla au Passage.

Les tournages continueront en cette époque héroïque du septième art encore naissant. Ainsi, en 1922, Victor Tourjanski tournera une nouvelle version des contes de Shéhérazade. Une année plus tard, en 1923, Rex Ingram viendra en Tunisie tourner une œuvre devenue mythique. Il s’agit de «L’Arabe», un film interprété par Ramon Navarro, une star de l’époque. Pour l’anecdote, Haydée Tamzali, fille de Albert Samama Chikly figurera à l’affiche de cette oeuvre aux côtés de Alice Terry.

Il en est ainsi de la longue histoire du cinéma sous nos cieux. Depuis la fin du dix-neuvième siècle et jusqu’à nos jours, des centaines d’œuvres d’une grande diversité ont été tournées sous les lumières de Tunisie.

Hatem BOURIAL

Source : http://www.letemps.com.tn/


 

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