MOHAMED DRISS, DIRECTEUR DU THÉÂTRE NATIONAL TUNISIEN, FAIT LE POINT

Par Sayda Ben Zineb – Le Temps | Publié le 09.10.2009.

«C’est l’art qui me sauve et pas ma réputation ou ma notoriété !»

Tunis vivra dans quelques semaines à l’heure du quatrième art à l’occasion de la 14ème édition des Journées Théâtrales de Carthage, qui aura lieu cette année du 11 au 22 novembre 2009. Le programme est fin prêt, nous a annoncé lors de cet entretien, M. Mohamed Driss, directeur des J.T.C.
Cependant, nous n’avons pu avoir aucune information concrète sur les détails d’une nouvelle édition qui s’annonce selon les dires du directeur du T.N.T., fort prometteuse…
Pour le moment, on a préféré garder les choses secrètes pour maintenir le suspense…
Outre des généralités sur les J.T.C., M. Mohamed Driss, qui a bien voulu nous rencontrer dans ses locaux à Halfaouine malgré ses nombreux engagements et un calendrier chargé, a évoqué son dernier passage à la télé dans «Mektoub2», ainsi que les projets et les réussites du Théâtre National Tunisien.

Le Temps : Coïncidant avec l’année du centenaire du Théâtre Tunisien, que nous réserve la nouvelle édition des J.T.C. 2009?

  • Mohamed Driss : Les Journées Théâtrales de Carthage sont un haut lieu de rencontre des théâtres de notre région ; un haut lieu incontournable qui s’est confirmé dans l’importance et reconnu par tous les grands opérateurs de théâtre d’Europe surtout. Nous avons pu depuis la 8ème édition en 1997, révéler et accompagner de nouveaux talents, en grande majorité des jeunes, aussi bien de Tunisie que des pays arabes et africains et d’ailleurs.
    Les J.T.C. sont un espace de découverte de potentialités en herbe, en gestation. Donc, la dernière édition 2007 était sous le signe du «vouloir vivre» et qu’on a baptisée «de Chebbi à Derouiche», a cristallisé une image progressiste du théâtre dans notre région et a prouvé l’attachement du public à cette manifestation réellement cosmopolite . Plusieurs œuvres ont été repérées par les opérateurs invités et les troupes qui ont présenté des œuvres ont été sollicitées à des tournées et des participations à des programmations de théâtre en Europe.
    Les J.T.C. demeurent le lieu où tout le monde peut se rencontrer dans une atmosphère de cordialité et d’amitié. La session de 2009 sera fidèle à cette ligne de conduite et assurera une présence plus importante et diversifiée des troupes des pays arabes et d’ailleurs.
    Il y aura une présence tunisienne comme toujours, avec une note d’espoir pour le rayonnement des œuvres tunisiennes proposées au-delà des frontières nationales, d’autant plus que le centenaire du théâtre constitue une occasion propice pour mettre en avant la famille théâtrale tunisienne.
    2009 assurera la participation, pour la première fois, de certains pays emblématiques dont le théâtre n’a pas encore foulé nos planches.
    Sous le signe «théâtre sans frontières», la rencontre réunit outre les artistes, de nombreuses personnalités et les décideurs culturels. Nous accorderons une place importante aux auteurs et c’est dans la continuation de l’œuvre menée au cours de la 13ème édition que nous aurons des auteurs des pays arabes, européens, africains et asiatiques.
    Le programme est arrêté depuis un mois; des fignolages sont en train de se faire, les équipes de logistique sont constituées et le compte à rebours a commencé pour le jour J.

Le Temps : Quels sont les projets du TNT et de l’école nationale des arts du cirque ?

  • M.D. : Le TNT est en effervescence créatrice comme toujours ; en ce moment , il est au summum avec la sortie de «Valises» (texte de Youssef Bahri et mise en scène de Jaâfar Guesmi). Nous avons, par ailleurs, la reprise du nouveau spectacle de cette saison, «La Fille du général Gabler», en coproduction avec la compagnie française l’Unijambiste et l’IFC ; un spectacle porté par des comédiens chevronnés et de jeunes révélations.
    Il y a aussi le démarrage de la saison, un spectacle de très haute facture artistique, «Sarkha» de la 2ème promotion de l’École nationale des Arts du cirque, sachant très bien que le spectacle «Halfaouine» de la 1ère promotion continue sa tournée triomphale en Europe.
    Le TNT a en charge la direction de la 14ème édition des JTC; tous ses moyens et matériels sont mobilisés au service de cette manifestation. Nous avons bien sûr de nouveaux projets, mais aussi des reprises de la saison écoulée dont «El mwaswes», d’après «Le malade imaginaire». Il faut dire que notre programme est fin prêt, sans oublier le 5ème Rendez-vous du Printemps de la création, qui aura lieu, comme d’habitude, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale du Théâtre et qui est un forum des jeunes compagnies tunisiennes avec l’ouverture sur le théâtre universel.

Le Temps : À la surprise générale, les téléspectateurs vous ont accompagné durant le mois de ramadan, dans «Mektoub 2» de Cactus Productions. Comment avez-vous vécu cette expérience en campant le personnage de Abbès (une sorte de monstre), vous, qui êtes avant tout un homme de théâtre ?

  • M.D. : Il y a un temps à tout, et je suis par définition comédien ; j’aime bien jouer, cela m’amuse et tous les rôles sont bons pour moi, même les rôles un peu particuliers comme celui de Abbès . C’est, justement, s’attaquer à une partition étrange à mon univers, de point de vue caractère, tempérament, principes, valeurs… Donc, c’est un défi ! Je pense qu’indépendamment de tout, c’est l’art qui me sauve, et pas ma réputation ou ma notoriété, c’est le professionnalisme, c’est aussi la modestie devant l’art et l’honnêteté. Ce sont mes atouts, mes bases quand je prends en charge une mission artistique. Cela me procure un grand plaisir, parce que je me confronte à des inconnus, à une réalité. Je suis obligé de comprendre et de faire avec, et aussi de découvrir des talents et un contexte artistique et professionnel nouveau pour moi.
    A vrai dire, il y a tout pour que je me sente en confiance; j’ai eu de longues discussions avec le metteur en scène qui m’a proposé le rôle; on s’est entendu pour lever le défi ensemble et on a gagné le pari.
    Je suis par ailleurs très touché et ému par l’accueil du public, toutes catégories sociales confondues; cela m’a permis en quelque sorte de me réconcilier avec certaines idées sur le travail de l’artiste et sur les sens de la présence de l’artiste dans une société.
    Il est vrai que je suis connu et reconnu, mais être proche de millions de téléspectateurs et citoyens c’est tout à fait exceptionnel, et il est important de ne pas décevoir ce grand public.
    Je crois que «Mektoub» a réalisé le top du suivi et qu’il a ramassé l’approbation d’une grande majorité. Je suis essentiellement un acteur de théâtre mais, aussi, de cinéma ; j’ai joué dans «La noce», du Nouveau Théâtre, «L’Enfant des terrasses, Halfaouine» de Férid Boughdir… je n’ai pas d’attitude définitive sur ma participation dans l’audio-visuel. Cela dépend des circonstances, de la volonté et du désir des auteurs du produit cinématographique ou télévisuel. Je mets toujours en avant le principe de consacrer mon temps à la création théâtrale.

Le Temps : Cette quatorzième session des J.T.C. sera t-elle privée, cette année aussi, de l’esprit de compétition; autrement dit, les meilleures œuvres seront- elles primées ?

  • M.D. : Les plus grands et prestigieux festivals du monde, comme Avignon par exemple, n’organisent plus de compétition.
    Avec la fin de la guerre froide, il y a eu une autre dynamique, celle du dialogue et de la reconnaissance des différences… A mon avis, il faut se donner le temps de regarder l’autre, de parler avec lui et de monter des projets ensemble. Nous n’avons pas de record à battre, nous avons des messages à apporter, les uns aux autres.
    J’aimerai ajouter qu’à l’occasion du centenaire du théâtre tunisien, notre réflexion sur notre travail, sur le sens de ce travail et sur sa portée, est maintenant comme une tâche quotidienne pour nous projeter plus confortablement dans le futur comme structure artistique, progressive et organisée.
    Avec un bilan très positif tant sur le plan créations qu’on a proposées (plus d’une cinquantaine, dont la majorité des succès) que sur le plan travail colossal en matière de découvertes de talents, de formations pratiques et de recherches, nous avons ouvert la voie aux jeunes pour développer leur talent et accueillir des connaissances et un savoir-faire avancé, ouvert sur le théâtre universel. Plus d’un millier de talents en herbe et confirmés, dans toutes les disciplines inhérentes à la création, ont œuvré dans cette ruche qu’est le T.N.T. depuis 1988, partant de «Vive Shakespeare», jusqu’à «Valises» et «Sarkha» (cri).

Propos recueillis par Sayda Ben Zineb

Source : http://www.jetsetmagazine.net/


 

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