HICHEM ROSTOM, COMÉDIEN : «JE SUIS TENTÉ PAR LE MONODRAME»

Entretien conduit par Salem Trabelsi – La Presse de Tunisie – Ajouté le : 07-03-2016

C’est l’une des plus grandes gueules du cinéma tunisien et du petit écran, mais surtout c’est un homme de théâtre qui s’épanouit sur les planches. Sa dernière apparition cinématographique est dans Dictashot, film de Mokhtar Ladjimi récemment sorti sur nos écrans. Tout de suite après, Hichem Rostom retrouve les planches du théâtre pour préparer un nouveau spectacle, écrit par Naceur Khémir, Disparitions. Il nous a accordé cet entretien.

Tout de suite après la sortie de Dictashot, vous avez repris le théâtre.

Disparition est une pièce de théâtre qui constitue pour moi un grand défi. C’est un spectacle qui parle d’une actualité brûlante. Dans un espace clos, deux frères recherchés par la police politique au temps de l’ancien régime se cachent dans une chambre. L’un de ces frères est intégriste religieux et l’autre est communiste. Deux frères avec des visions du monde complètement différentes. En fait, la mère qui a emmuré une partie de la maison cache ses deux fils et doit faire face aux interrogatoires de la police politique. Le père de ces deux enfants a disparu pendant la révolte du pain. L’auteur de la pièce est le cinéaste Naceur Khemir. Le texte est écrit en français. C’est une pièce qui va se jouer dans la langue de Molière à l’Institut français de Tunisie et à l’Institut du monde arabe à Paris; ensuite il y a également une version arabe et anglaise qui sont prévues.

L’aventure théâtrale se poursuit aussi avec d’autres créations…

Tout à fait, les deux autres pièces sur lesquelles je travaille actuellement sont Zorba, une pièce à deux personnages avec Mohamed Graia et moi.

C’est un très beau duo sur la conception du monde. Ce sera un combat de titans entre deux personnages complètement différents : le marin et l’intellectuel. Une pièce que je trouve très brechtienne. Et puis il y a une comédie, adaptée du Dîner de cons. Je n’en ai pas fait beaucoup et j’ai très envie de m’exercer au genre. C’est une pièce que je mets en scène, dans laquelle je joue et qui est produite par Anis Montasaar. Voilà, je travaille sur trois pièces différentes, l’une sartrienne, Disparitions, l’autre brechtienne, Zorba et il y a la comédie de boulevard. J’aime bien ça, surfer sur les genres ! Je n’apprécie pas la mentalité de certains hommes de théâtre qui veulent se limiter à leur conception très étroite du théâtre.

Pas de one-man show en vue ?

Le one-man show n’est pas ma tasse de thé. Il y a des gens qui vont me contredire quand je dis que le one-man show ce n’est pas du théâtre, c’est du cabaret. Mais je suis tenté plutôt par le monodrame et il ne faut pas confondre les deux. Chaque discipline a son genre et ses formes qui peuvent s’interchanger, mais je n’aime pas la confusion des genres. Le monodrame c’est du théâtre ! C’est un acteur seul mais qui fait du théâtre.

Les téléspectateurs vont-il vous voir dans la saison 2 de Aouled Moufida ?

Tout à fait ! Il y a la suite de l’histoire et je joue le personnage de Chérif qui cherche son enfant cette fois.

La télévision, le cinéma, le théâtre sont trois mondes différents; comment réussissez-vous à «acter» dans les trois camps à la fois ?

C’est toujours l’interprétation d’un rôle mais c’est la technique qui diffère ! Le cinéma, et encore plus la télévision, nous poussent à être plus nous-mêmes et à ramener le personnage à soi pour que le phénomène d’identification fonctionne.

Contrairement au monde de l’image, le théâtre nous dit d’aller pas à pas vers le personnage… Le personnage du théâtre (je parle du théâtre de répertoire) est une entité qui est écrite. Je ne parle pas du théâtre que j’appelle du quotidien qui se fait en Tunisie et où tout le monde fait de la télévision dans une salle de théâtre.

Presque toutes les pièces auxquelles j’ai assisté au théâtre ressemblent gravement à de la télévision. Il y a, certes, la dramatisation de la théâtralité, mais les personnages n’ont rien d’exceptionnel.

Quand on prend Œdipe roi, par exemple, c’est un dieu qui est sur scène. Le fait de jouer un dieu n’a rien à voir avec le fait de jouer un personnage. Pour jouer cela il faut aller chercher les sentiments les plus profonds qu’on peut trouver dans un être humain. Et pour atteindre ces sentiments, il faut beaucoup de travail. Je ne parle pas seulement de tragédie grecque, je parle de Tchekhov et même de Beckett, qui sont l’essence du théâtre moderne. Ces gens-là ont créé des personnages d’une autre nature, des personnages d’ordre divin. Ce ne sont pas des personnages du quotidien; même si le personnage, par exemple chez Tchekhov ou Strindberg a l’apparence «ordinaire» mais ses sentiments sont d’une très haute valeur. Du coup, le comédien du théâtre est obligé d’aller pas à pas vers ces personnages.

Au cinéma, pensez-vous que nos acteurs méritent une meilleure direction d’acteur ?

Je trouve que nous avons d’excellents comédiens en Tunisie. Le problème c’est qu’ils n’ont pas l’occasion de travailler et d’exercer leur art d’une manière permanente. Ils sont toujours dans l’exercice de l’art en crise ou sous la contrainte.

Cela dit, nous avons d’excellents metteurs en scène qui sont également d’excellents directeurs d’acteurs. Monsieur tout le monde pense que le problème vient de l’acteur, mais généralement la faiblesse vient du scénario et des dialogues. Le comédien est donc obligé de ramer terriblement pour mettre debout son personnage.

Comment arrivez-vous à gérer tous ces projets à la fois ?

Ce qui me donne des forces et me permet de gérer tout ça c’est la qualité des projets qu’on me présente. Il y a des projets que je ne peux pas refuser parce que, dans mon subconscient, j’ai envie de les faire.

Auteur : Entretien conduit par Salem Trabelsi

Ajouté le : 07-03-2016

Source : http://www.lapresse.tn


 

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