CANNES 2019 – PROJECTION DE «CAMÉRA D’AFRIQUE» DE FÉRID BOUGHEDIR

Par Neila Driss – www.webdo – 25 mai 2019

Affiche du film «Camera d’Afrique» de Férid Boughedir

C’est en présence de son réalisateur, Férid Boughedir, que le film documentaire « Caméra d’Afrique » (20 years of african cinema) (1983), sélectionné dans la section Cannes Classics 2019, a été projeté à la salle du Soixantième du Palais des Festivals de Cannes, dans sa nouvelle version restaurée.

« Caméra d’Afrique » raconte l’histoire d’une poignée d’hommes disséminés aux quatre coins d’un vaste continent et qui partagent depuis 20 ans le même rêve : que le cinéma serve à exprimer l’Afrique. Sans moyens financiers et techniques, ils luttent contre les puissantes compagnies qui dominent les salles de cinéma d’Afrique, dans le but de décoloniser les écrans et produire et montrer des images africaines.

Ce documentaire avait déjà été sélectionné au Festival de Cannes en 1983 dans la section Un certain Regard.

Cannes Classics – Férid Boughedir présente son film «Caméra d’Afrique»

Férid Boughdir, tout ému, a expliqué qu’il lui avait fallu dix ans pour faire ce documentaire qui a existé presque par hasard, sans aucun producteur, alors qu’il était lui-même dans la même situation précaire que les réalisateurs qu’il avait filmés. En effet, d’après lui, c’est le destin qui en a voulu ainsi en le faisant assister à la première édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) en 1966, premier festival dédié au cinéma africain naissant, et ensuite à toutes les éditions du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), créé 3 ans plus tard. Cela lui avait permis de connaitre le cinéma africain.

Il a ajouté que le fait que le Tanit d’Or soit remporté par un film africain, « La Noire de… » (réalisé par Ousmane Sembène en 1966 et qu’on voit dans le film) avait été un choc pour lui parce qu’il était un enfant des cinés-clubs et admirait les grands cinéastes du cinéma mondial, or brusquement en voyant ce film « La Noire de… », il avait eu le vertige:  il avait eu le point de vue du cinéma d’un cinéaste d’Afrique subsaharienne, cette Afrique qui pendant plus de 50 ans était juste un décor exotique, avec des Tarzan, ou des Africains montrés d’une façon presque indigne, un rebut de l’humanité. Et là enfin, il voyait un film vu par des yeux africains ! C’est à ce moment-là qu’il s’était rendu compte que les cinéastes africains pouvaient faire autre chose, avoir un autre regard et réussir. Cela l’avait donc incité à voir tous les premiers films africains et tous les premiers films de ce qu’on appelait le nouveau cinéma arabe, puisque en même temps au nord du Sahara il y avait les premiers films algériens, marocains et tunisiens. « J’ai eu une chance folle de voir la naissance de ces films » a-t-il dit.

C’est pour cette raison qu’à l’époque, bien qu’il ait déjà écrit son long-métrage « Halfaouine, l’enfant des terrasses » (1990), il avait décidé de commencer par un documentaire sur le cinéma africain. Il s’était en effet dit qu’il n’avait pas le droit de faire son propre film personnel, alors que le destin lui avait fait connaitre tous ces films, il fallait donc partager l’amour et la passion qu’il avait pour ces films qui étaient totalement méconnus à l’époque. Il fallait documenter et immortaliser ces images africaines que le public ne connaissait pas et rendre par là hommage aux réalisateurs africains.

Férid Boughedir dans «Camera d’Afrique»

« Je n’avais pas de producteur, mais pendant 10 ans, dès que j’avais un peu de pellicule 16mm, j’allais interviewer les cinéastes africains, lorsqu’ils étaient invités aux JCC, ou ailleurs comme au FESPACO lorsque c’était possible. J’allais chez Sembene Ousmane, pour qu’il m’explique que le cinéma allait créer des nations en Afrique, parce que jusqu’à présent il n’y avait que des langues et que le cinéma allait unifier tout cela. Je voulais que les gens voient qu’avec peu de moyens, on pouvait faire des films. Mon rêve est que ce film soit distribué partout pour que les générations actuelles voient ce cinéma africain qui malheureusement est encore méconnu et se limite aux festivals».

«Je suis très fier et heureux et je remercie tous ceux qui ont contribué à ressusciter ce film et Cannes Classics de le présenter, parce qu’il y a dans ce film une foi extraordinaire juste après les indépendances africaines, que le cinéma peut transformer le monde et surtout que le cinéma peut créer un homme nouveau, un homme africain libéré de ses chaines, qui va avec son Art, créer à la fois des œuvres s’enracinant dans sa culture africaine et puis autre chose, d’autres formes».

Férid Boughdir a conclu en remerciant la France, qui, bien qu’elle ait colonisé les pays africains, a aidé à promouvoir leur culture, même si malheureusement cela se limite aux festivals et n’atteint pas encore le grand public.

Il a également remercié tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce film, à sa restauration et à sa sélection au Festival de Cannes, et Farah Khadhar qui l’a suivi pendant deux ans pour faire un film sur lui.

Férid Boughedir, De l’émotion tunisienne au rêve universel

Neila Driss

Source : http://www.webdo.tn/


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