Hanène Zbiss – Réalités | Publié le 08.06.2009
Fakhreddine Sraoulia est un jeune réalisateur de 25 ans, qui a collaboré à plusieurs films étrangers et réalisé des clips, en plus de son intérêt pour les beaux-arts puisqu’il peint et sculpte. Il a découvert par hasard l’existence du «Refuge», un local que son propriétaire a affecté pour abriter les hommes victimes de la violence de leurs femmes. Touché par leurs cas et par l’initiative louable du fondateur du «Refuge» et désireux d’attirer l’attention du public sur ce phénomène, il a décidé de faire un film au titre de même nom «Le Refuge».
Comment avez-vous eu l’idée de faire un film sur la violence conjugale à l’égard des hommes ?
- Je dois d’abord vous raconter comment j’ai connu l’existence du «Refuge», qui m’a ensuite donné l’idée de faire un film. Un jour, j’étais dans le train qui mène vers la banlieue nord à une heure tardive et j’ai vu un vieux monsieur qui était griffé partout. Nous étions seuls dans le wagon. Je me suis approché de lui et nous avons commencé à parler. Il m’a appris qu’il a été victime de violence de la part de sa femme et qu’il va passer la nuit chez un ami. J’ai insisté pour l’accompagner et c’est là que j’ai appris qu’il y a un refuge pour les hommes victimes de violence conjugale. Au début, cela m’a inspiré un reportage que j’ai réalisé pour le compte d’une chaîne étrangère et puis, non satisfait du travail que j’avais fait qui m’avait semblé insuffisant, j’ai décidé de revenir sur le sujet. Cette fois, j’ai pris mon temps. J’ai beaucoup lu sur le thème et j’ai demandé la permission du propriétaire du «Refuge», M. Arbi Ben Ali Fitouri, de tourner dans les lieux et de prendre les témoignages des hommes qu’il accueille, car le film porte essentiellement sur cet endroit. Il a tout de suite accepté. Il m’a aussi beaucoup aidé surtout à convaincre ces hommes à parler devant la caméra. Vous savez, ce n’était pas facile !
Justement, quel genre de difficultés avez-vous affrontées ?
- Il est difficile pour ces hommes de dire qu’ils ont été violentés ou chassés de leur maison par leur femme, surtout qu’ils sont d’un certain âge et qu’ils ne souhaitent pas ternir leur image d’homme devant leurs enfants, leurs voisins ou l’environnement social. Ils pensent que leur virilité serait touchée si l’on découvrait leur situation. Donc, pour gagner leur confiance, j’ai dû m’intégrer dans «Le Refuge» et me faire passer au début pour une victime comme eux. J’ai passé une année à les suivre de près. Petit à petit, j’ai pu les convaincre de témoigner dans mon film, en leur expliquant que parler de la violence qu’ils subissent est un acte de grand civisme parce qu’ainsi ils pourraient aider d’autres hommes dans les mêmes conditions qu’eux à révéler leurs problèmes.
Par ailleurs, j’ai dû aussi tourner dans un temps assez court, deux semaines seulement, et ce pour une question de budget et pour cerner les personnes qui allaient témoigner.
Quelle idée défendez-vous dans le film ?
- D’abord, je tiens à préciser que le film rend en premier lieu hommage à M. Arbi Ben Ali Fitouri, qui a ouvert un local pour abriter ces hommes violentés et qui dépense son propre argent pour les entretenir. C’est un acte d’un grand humanisme et civisme. Ensuite, j’ai voulu à travers mon œuvre attirer l’attention sur ce renversement des relations entre l’homme et la femme et sur le fait que cette dernière détient désormais tous les pouvoirs. Et cela crée un déséquilibre dans la vie de couple et dans la famille.
Pour faire ce film, vous êtes-vous basé seulement sur les témoignages ou avez-vous consulté des spécialistes en matière de violence conjugale à l’égard des hommes ?
- Je n’ai pas cherché à traiter tout le phénomène mais j’ai axé mon travail sur «Le Refuge» et les gens qui venaient s’y abriter, comment ils y vivaient, leurs situations de départ etc. J’ai voulu aussi montrer comment il est perçu de l’extérieur par la société et j’ai posé la question à beaucoup de gens. Certains ont trouvé que c’est une bonne idée. D’autres ont considéré que la violence conjugale est un fait normal et qu’elle a toujours existé au sein du couple.
Vous qui avez visité plusieurs pays arabes, comment est la situation là-bas par rapport à la Tunisie ?
- Je pense qu’en Tunisie le phénomène est moins grave si on le compare à des pays comme l’Égypte, l’Arabie Saoudite ou la Syrie, dans lesquels la société est extrêmement machiste et conformiste.
Je vous donne un exemple : dernièrement, la chaîne libanaise LBC a consacré son émission «Ahmar bil Khat al aridh» (Rouge gras) à étudier le sujet de la violence féminine à l’égard de l’homme et elle a invité des victimes représentant plusieurs pays arabes. Et bien, le Saoudien s’est fait sectionner le doigt par sa femme, celle du Syrien l’a brûlé avec de l’eau chaude et celle de l’Égyptien a voulu le tuer. Il n’y a que le Tunisien qui a été victime seulement de violence verbale. Je crois que l’avantage en Tunisie est qu’on parle de nos problèmes, du coup l’impact est moindre.
Selon vous, comment peut-on dépasser ce problème de la violence féminine à l’égard de l’homme ?
- Je pense qu’il faut favoriser le dialogue entre les conjoints, et ce à travers la création de cellules d’écoute animées par des gens compétents et formés spécialement pour cela.
Quand votre film sortira-t-il ?
- Il est actuellement en phase de post-production. J’espère le terminer prochainement. Je ferai l’avant-première à Tunis et puis le film fera le tour de plusieurs festivals en Italie, aux États-Unis et au Maroc.
Hanène Zbiss
Source : http://www.jetsetmagazine.net/
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