CARNETS FESTIVALIERS (3) : AU FIFAK, GROS PLAN SUR LE CINÉMA ARABE

Par Hatem BOURIAL – webdo.tn – Mercredi 23 août 2023

Le festival international du film amateur de Kélibia se poursuit jusqu’au 26 août. À chaque soirée, une dizaine d’œuvres sont projetées devant un public record.

Ce qui impressionne le visiteur à Kélibia, c’est la grande fidélité du public au festival du film amateur. Chaque soir, une longue file d’attente scrute l’ouverture des portes et investit ensuite le théâtre dans une ambiance festive mais attentive.

On ne badine pas avec les films et à la fin de chaque projection, l’applaudimètre donne un premier indice de la satisfaction d’un public qui savoure son festival jusqu’au dernier rayon de projecteur.

En fait, Kélibia s’est appropriée le Festival du Film qui est une initiative de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs. La tradition remonte à une soixantaine d’années et elle est désormais profondément ancrée.

J’attendais la quatrième soirée du festival avec beaucoup de curiosité. Entièrement consacré aux films arabes, avec des contrepoints algérien et tunisien, le programme se déclinait en une douzaine de films, avec en prime une séquence dédiée à des films palestiniens.

Dès le premier film, l’émotion et le bon cinéma étaient au rendez-vous. «Happy Land» de Nour Khair Alanam est un magnifique chassé-croisé entre trois personnages : un père éploré par la mort de son fils, un agriculteur qui revend une cargaison de pommes au marché et se fait voler sa recette et un voleur à motocyclette qui devient un bon samaritain.

Les personnages se croisent au gré du hasard jusqu’à la séquence finale où le cercueil que le père transportait au cimetière soit abandonné au seuil de Happy Land, un étrange parc d’attractions en périphérie de la ville, un lieu qui semble abandonné.

Avec une remarquable direction d’acteurs et un rythme soutenu, ce film syrien hésite entre humour et dérision et constitue une œuvre très achevée.

Le second film de la soirée s’intitule «Il était une fois» et son réalisateur Ahmed Raggad est venu d’Algérie pour le présenter. En termes d’image, ce film est parfaitement construit avec la structure d’une nouvelle, des personnages bien esquissés et des plans qui cernent l’univers d’une famille où le père est en conflit avec sa fille à cause du prétendant de cette dernière.

Des oiseaux en cage, des instruments de musique, le visage d’un enfant et le cliquetis d’une machine à coudre favorisent quelques ellipses et laissent mûrir la fable jusqu’à la scène finale.

Une troisième fiction était au programme : un film irakien de Malak Mnahi dont le titre est «Rêve perdu». Deux personnages évoluent à huis clos dans l’atelier d’un peintre et parlent de rêves. Warda est une idéaliste qui pose pour un artiste plus âgé qu’elle, dont on ne sait plus à un moment s’il n’est que l’image du père.

Un jeu de séduction s’installe dans le calme précaire de Bagdad, des lettres sont évoquées ainsi qu’une maladie grave. Puis le film s’interrompt sur une scène brutale qui brise l’élan de joie des deux protagonistes.

Ces trois fictions, même si leurs matrices sont similaires, ne se ressemblent pas. Elles ont en commun leur hors-champ qui échappe aux personnages et les conditionne et aussi un certain fatalisme qui, entre accablement et renonciation, ressemble à un archétype arabe.

Deux documentaires complètent le programme. Dans «Souf», un film jordanien de Muhannad Lafi, le portrait d’une activiste et son parcours sont dressés de manière plutôt linéaire, sans véritable traitement cinématographique. Le film se limite à une interview – attachante, il est vrai – qui documente le vécu d’une femme et offre un éclairage saisissant sur les familles palestiniennes reléguées dans des camps.

Tout l’intérêt de ce film réside dans la texture de la personne qui s’exprime mais, au-delà, le spectateur se trouve plus dans la logique d’un témoignage filmé que dans celle d’un documentaire articulé sur une méthode, une recherche et une esthétique.

Le second film, une œuvre palestinienne, se présente comme le making-of d’un documentaire. Procédant par des mises en abyme successives, le réalisateur Aymen Zawahiri explore, la caméra au poing, une ville en été.

L’objectif s’attarde sur les immeubles, recherche des perspectives, pénètre les souks, saisit la vie dans les nœuds urbains et les gares routières.

Pas de texte narratif pour ce documentaire ponctué par la musique et les rumeurs de la ville. Beaucoup de contrepoints aussi qui alternent avec le récit proprement dit et montrent aussi bien l’équipe du film au travail que la fébrilité urbaine.

Moderne dans son essence et très contemporain par sa méthode narrative, «L’Été, la ville et une caméra» d’Anas Zawahiri s’inscrit dans une lignée d’œuvres qui sont dans la même lignée esthétique.

La soirée s’est poursuivie avec la projection de trois films courts produits par Palestinian Lab et réalisées par des adolescents. Le premier film déclinait en deux minutes les rêves de quelques enfants palestiniens.

Le second film était le plus accompli et dressait les portraits croisés de deux femmes aux prises avec leur mémoire de l’Intifada de 1987. À partir de broderies traditionnelles se tisse une métaphore sur le devoir de perpétuer les usages et l’identité populaire.

Enfin « Visit Palestine » est un clip d’une minute qui vante les beautés touristiques d’un pays, mais un check-point vient bousculer le propos et induire que le pays promis par le clip n’est pas accessible à ses propres enfants.

La soirée du cinéma arabe s’est achevée sur ces images, alors que le reste du programme était consacré à la production tunisienne sur laquelle nous reviendrons ultérieurement.

Source : https://www.webdo.tn/fr


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