CARNETS FESTIVALIERS (2) : L’AMBITION DES JEUNES DU FIFAK

Par Hatem BOURIAL – webdo.tn – Mardi 22 août 2023

Jusqu’au 26 août, la ville de Kélibia accueille la trente-sixième édition du Festival international du Film amateur. Dans une ambiance de kermesse créative qui ne dort presque pas et rêve de cinéma.

C’est une avalanche de films tous aussi tentants les uns que les autres, qui occupent les jours et les nuits des festivaliers de Kélibia la Blanche, dont les plages s’étendent à perte de vue et d’azur.

Ce Festival international du Film amateur de Kélibia a su rester jeune, résolument jeune, et peut se vanter d’avoir cette jouvence dans son adn. En effet, dès sa création en 1964, ce festival avait misé sur les jeunes, celles et ceux qui bricolaient des films avec les moyens du bord et la volonté de tutoyer les étoiles.

C’est au sein des clubs de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs que les Ridha Behi, Selma Baccar, Khaled Barsaoui et plus près de nous, Kaouther Ben Henia ont fait leurs premiers pas. Du haut de ses vingt ans, chaque génération montante a emprunté ce passage obligé – plutôt ce passage désiré – pour fourbir ses premières armes et aller à l’assaut des écrans du monde.

Que ce soit dans les clubs mythiques de Tunis, Kairouan, Sfax et Tunis, ou bien dans d’autres clubs nés aux quatre coins de la cinéphilie, les jeunes techniciens et réalisateurs ont toujours parfait leurs apprentissages avant de voler de leurs propres ailes.

Cette tradition continue, avec une relève permanente et des visages qui changent et toujours la fidélité engagée des plus anciens. Malgré la multiplication des écoles de cinéma, la FTCA et le FIFAK restent des vecteurs recherchés et souvent déterminants dans l’étincelle qui propulsera une carrière.

Cette nouvelle édition, qui a commencé le 19 août, ne déroge pas à la règle et se déroule dans une ambiance bon enfant et un état de créativité de chaque instant.

Ainsi, le marathon se poursuit à Kélibia avec une compétition internationale de bon niveau et une présence du film amateur tunisien dans plusieurs de ses composantes.

En effet, désormais, la participation nationale se décline en films produits par les différents clubs de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs, en films indépendants et en films d’école. Généralement désignés par l’appellation « Projet de fin d’études », ces films sont produits au sein des différentes institutions universitaires enseignant le cinéma.

À cette diversité s’ajoute le cosmopolitisme de la compétition internationale, qui brasse les œuvres de nombreux pays, avec une intéressante touche asiatique.

Car pour cette trente-sixième édition du FIFAK, deux régions sont particulièrement à l’honneur : l’Asie avec des films provenant de l’Inde, du Japon, de l’Iran ou du Kazakhstan et l’Amérique latine avec notamment des œuvres de Colombie, du Brésil ou d’Argentine.

Cette configuration à laquelle s’ajoute la participation des pays européens et africains, donne à ce festival de Kélibia, la compétition internationale la plus ouverte de tous nos festivals de cinéma.

En soi, cette identité cosmopolite du festival est un gain historique à ne pas dilapider, un gain auquel il convient d’associer le soutien massif des habitants de Kélibia.

Après trois jours de festival, le Théâtre Zine Essafi a fait salle comble à chaque fois, avec une moyenne de 1500 spectateurs par soirée. Très bigarré, le public rassemble aussi bien des familles que des membres des clubs de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs ou des étudiants tout aussi nombreux.

La cinéphilie est de rigueur et, à chaque projection, le public connaisseur et discipliné, écoute la présentation du film, suit attentivement puis applaudit poliment. Bien établi, ce rituel nocturne sera relayé le lendemain par des débats techniques qui décortiquent chaque œuvre avec la complicité des animateurs de la Fédération tunisienne des ciné-clubs et de l’Association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique.

Cet aspect est important en ce qu’il souligne les synergies associatives dans le domaine du cinéma et également l’effort conjoint d’entretenir une pépinière ouverte d’accès aux jeunes talents.

À ce titre, des ateliers thématiques sont proposés chaque année, structurés en modules d’une semaine et animés par des spécialistes de premier plan à l’image de Tahar Ben Ghedifa, Sarra Labidi ou Kamel Ben Ouanes. Ces ateliers et débats sont de fait le second versant du festival et l’une de ses constantes les plus remarquables.

Outre les compétitions internationale et nationale, le FIFAK offre deux autres compétitions moins visibles mais tout aussi importantes. Ayant un jury spécifique, animé cette année par Chiraz Ben Mrad et Belhassen Handous, la compétition photo et celle du meilleur scénario consacrent le souci pédagogique du festival et sa vocation à soutenir chaque aspect de l’apprentissage des cinéastes amateurs.

Car et c’est essentiel, Kélibia est un festival-école, un forum où les étudiants, les autodidactes et les passionnés se retrouvent pour une semaine avec le désir de progresser, apprendre, confronter les expériences et s’insérer dans des réseaux voire des courants esthétiques.

C’est aussi un lieu cardinal pour se frotter au public et également pour les critiques, un observatoire des tendances qui travaillent le champ créatif dans le domaine du cinéma.

Une semaine durant, un remarquable bouillonnement accompagne le festival, qui propose au public une douzaine de projections cinématographiques chaque soir. Toujours au-delà de minuit, les découvertes artistiques se poursuivent, alors qu’il est surprenant de constater que les premiers débats émergent dans la nuit et que chaque jury fait de même, se rassemblant immédiatement après les projections.

Une mention particulière est à faire en ce qui concerne le jury international qui comprend des cinéastes et des producteurs provenant d’horizons très divers et de pays comme la Colombie, la Norvège ou le Rwanda.

Cette diversité des regards conjuguée à une touche tunisienne, est un des gages de succès de la compétition officielle internationale. Même remarque pour le jury national qui tisse des synergies entre réalisateurs, producteurs, comédiens, cinéphiles et critiques pour aboutir à un palmarès équitable.

En attendant les verdicts à venir, le temps est pour le moment à la découverte de la centaine de films au programme que certains festivaliers se font un point d’honneur de tous voir. Faut-il ajouter que le choix est particulièrement judicieux entre films de fiction, documentaires, films expérimentaux et œuvres d’animation ?

Assurément, cette édition de la cinquante-neuvième année du FIFAK est riche de toutes les promesses dont est capable une manifestation culturelle qui a toujours maintenu sa ligne en se renouvelant dans une continuité pétrie de résistance et de créativité.

Les films de la deuxième journée de la compétition avaient de prime abord l’atout de la variété de leurs origines. Avec des œuvres européennes (France, Espagne et Royaume-Uni), arabes (Tunisie et Syrie), latino-américaines (Argentine et Brésil) et un film iranien, le programme était plutôt relevé.

Toutefois, nonobstant leurs qualités propres, les films projetés étaient de moindre intensité que ceux de la veille. Plusieurs exercices de style, un documentaire sur les marins-pêcheurs français, une fantaisie animée sur l’addiction à la télévision et le huis-clos tragique d’un couple, ont défilé sur le grand écran du festival.

De même, un documentaire consacré aux cascades sacrées des indiens guarani du Brésil et à la résistance au défrichage des forêts amazoniennes, offrait un regard à la fois ethnique et militant.

Ensuite, une série de films tunisiens, essentiellement des films d’école, se sont succédés jusqu’à une heure tardive. Comme toujours, le public était pleinement engagé et restera jusqu’au bout de cette seconde soirée.

Le festival continue avec cinq autres soirées qui s’égrèneront jusqu’à dimanche. Avec leur lot de pépites et de découvertes. Avec en prime, la ferveur d’un public qui ne rate pas une miette de ce festin de tous les possibles cinématographiques.

Source : https://www.webdo.tn/


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