IMAGES SACCADÉES DE HABIB MESTIRI : LA MÉMOIRE DU CINÉMA AMATEUR DANS L’OBJECTIF

Dans l’attente d’une aide à la finition

Par Samira Dami – La Presse de Tunisie – Publié le 11.08.2009.

Peut-on vivre et évoluer sans mémoire ? La réponse tombe bien entendu sous le sens. Partant de ce principe, Habib Mestiri, réalisateur et Radhi Trimèche, producteur, ont entamé il y a trois ans la production d’un film documentaire interrogeant et interpellant la mémoire de la FTCA (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs), intitulé Images saccadées».

De ce film en chantier, les initiateurs ont montré des extraits de la copie de travail d’une durée de 24 minutes au 24° FIFAK (Festival International du Film Amateur de Kélibia, du 25 juillet au 1° août 2009). Public et cinéphiles ont apprécié. Car ce film témoigne de la riche histoire de la FTCA et de son festival (le FIFAK), le plus ancien du pays puisque créé en 1964. Il s’agit de retracer la trajectoire, les étapes et les moments-phare de la Fédération, dont la création remonte à 47 ans, précisément en 1962 sous l’appellation «Association des jeunes Tunisiens». Les témoignages des fondateurs dont notamment MM. Mehdi Mlika et Hassan Bouzriba, des jeunes et moins jeunes cinéastes, de critiques et de responsables s’avèrent ainsi l’enjeu principal de ce long-métrage dont la durée définitive, s’il voit le jour, sera de 75 minutes. Mais chaque enjeu a des objectifs. Quels sont-ils donc ? Le réalisateur en évoque quelques-uns : «Conserver la mémoire de la FTCA, la rendre visible par la restauration des anciens films détériorés qu’ils soient en 16 mm ou en super 8 et qui seraient ainsi digitalisés et disponibles pour le public, les cinéphiles et les chercheurs, aussi bien à la filmothèque de la FTCA que online sur le Net.

Autre objectif : attirer l’attention de tous, cinéastes, cinéphiles, critiques et responsables sur l’importance du mouvement de la FTCA, qui a été depuis toujours un laboratoire d’idées, un forum et un lieu de formation cinématographique pour la jeunesse, d’autant qu’il n’y avait pas, par le passé, d’écoles de cinéma sous nos cieux.

La FTCA était en ces temps-là pratiquement le seul lieu d’accueil pour les jeunes férus de cinéma et adeptes de la pratique cinématographique».

Il est vrai que le cinéma-amateur a constitué un vrai vivier pour le cinéma professionnel car plusieurs cinéastes, aujourd’hui professionnels confirmés, ont fait leurs premières armes dans le cinéma-amateur tels Férid Boughedir, Taïeb Louhichi, Ridha Béhi, Ahmed Khéchine, Jilani Saâdi, Khaled Barsaoui et tant d’autres.

Bref, «Images saccadées» a été montré pour la première fois bien avant le FIFAK en juin 2008 à Hammamet durant le congrès de l’Unica (Union internationale des cinéastes amateurs). Les présents alors, entre cinéastes étrangers et locaux, ont beaucoup apprécié, séduits par l’importance capitale du projet. «C’est ce qui nous a encouragés à continuer sur notre lancée, nous avons ainsi filmé 90 heures en tout, grâce au bénévolat de l’équipe technique constituée de Khemaïes Tébourbi, directeur-photo et de Chérif Trimèche, cadreur», explique Habib Mestiri.

Cherche financements

Mais quelle est l’idée centrale du scénario? La réponse du réalisateur est claire : «L’idée c’est de faire rencontrer les diverses générations de cinéastes amateurs à travers un chassé-croisé de témoignages. Il faut dire que des aînés de la FTCA ont vu leurs enfants reprendre le flambeau en devenant à leur tour des cinéastes amateurs. Pour la scène finale du film, nous comptons réunir toutes les générations confondues dans une grande fête pour montrer que le mouvement du cinéma amateur est désormais ancré dans la tradition et qu’il se transmet pour certains de père en fils».

Il est vrai qu’en découvrant les extraits du film, nous avons vu se succéder des témoignages et des films d’au moins trois générations : de Hassan Bouzriba, Moncef Ben Mrad, Abdelwaheb Bouden, Fethia Ghelala, Ridha Ben Halima jusqu’à Ghassen Amami, Sabrina Herira, Marwane Meddeb et autres, en passant par Khaled Barsaoui, Ali Ben Abdallah, Mohamed Tebib, Tarek Chortani, Amine et Dalila Amami, etc. Entre passé et présent, les extraits de films défilent. Comment ne pas être saisi par la nostalgie en découvrant des séquences de «Le Roi» de Moncef Ben Mrad, «Duel» de A. Bouden, «La Grande illusion» de Fethi Kémicha, «Le Tunnel» de Ridha Ben Halima, «Notre peuple» de Radhi Trimèche, «Les galériens» du collectif de Hammam-Lif, «Sueur des petits fronts» du collectif Hani-Jawharia, «Le voleur de jasmin» de Khaled Barsaoui… C’étaient là les années fastes et créatives de notre cinéma amateur.

Ainsi, outre la nostalgie, «Images saccadées» charrie toutes sortes de valeurs, créative, mémorielle, sentimentale, esthétique, idéologique entre engagement, passion et aspiration à la liberté.

Mais quand donc «Images saccadées» verra-t-il enfin le jour dans sa version finale de 1h15 mn et en plusieurs langues ?

Réponse du réalisateur : «Pour le moment, nous ne pouvons plus avancer, nous avons rencontré des difficultés financières car la scène finale où sera organisée et filmée une grande fête où se rencontreront toutes les générations de cinéastes amateurs exige un vrai budget, sans compter que l’opération de restauration des vieux films de la FTCA aujourd’hui détériorés nécessite également un apport financier conséquent, sachant que l’opération de restauration aura lieu en Italie.

C’est pourquoi et afin de finaliser ces deux phases, nous avons présenté un dossier pour l’obtention d’une aide à la production cinématographique. Mais la dernière commission d’aide ne nous a pas accordé la subvention souhaitée, bien que nous ayons auparavant obtenu l’approbation du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine pour aller de l’avant et finaliser enfin le projet. Ainsi, nous comptons redéposer un dossier de demande d’aide à la production, tout en espérant que la prochaine commission évalue ce projet à sa juste valeur et prenne conscience de son importance en tant que film appartenant à la mémoire collective. De ce fait, une aide à la finition ou un pré-achat du film pourrait amplement contribuer à finaliser le projet, car avec nos moyens très modestes, nous ne pouvons plus avancer». Voilà qui est dit.

Samira Dami

La Presse de Tunisie – Publié le 11.08.2009.

Source : http://www.jetsetmagazine.net/


 

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire