LA FUITE, DE GHAZI ZAGHBANI, LA JUSTESSE DU PROPOS !

Par Henda HAOUALA – Tunisie Numérique  | 11 janvier 2021

Un homme et une femme, interprétés par Ghazi Zaghbani et Nadia Boussetta, enfermés dans une pièce, embarquent pour une confrontation «chamanique». «La Fuite» est avant tout un projet esthétique accompli avec les moyens du cinéma relatifs au huis clos : des modalités particulières de mise en scène, d’articulation de l’espace et du temps. Lui «le fumeux ou Lazreg» un extrémiste religieux en fuite, elle «Narjes», une prostituée dans une maison close de Tunis. Le réalisateur Ghazi Zaghbani maîtrise d’abord jusqu’à un certain point son projet filmique et réussit à embarquer le spectateur dans cette claustration grâce à un très bon travail d’image et de son.

Le lieu où tout se déroule témoigne d’une véritable mise à nu de deux personnages qui, à priori, s’opposent, se répugnent physiquement, psychologiquement et moralement. Par le biais d’un excellent dialogue, ces deux personnages se découvrent au fur et à mesure que le temps passe, se confrontent dans leurs vérités et leurs regards portés sur le monde.

Le point de vue de ce projet cinématographique est clair et assumé, ce qui fait d’ailleurs la force de ce travail entre autres, Ghazi Zaghbani ne juge pas, ne condamne pas, ne sert pas un discours moralisateur, mais met subtilement l’un de ses personnages au pied du mur face à ses croyances, ses pulsions, ses contradictions et ses réfutations.

Le réalisateur évoque l’intime, la sexualité, le plaisir et les sentiments, sans se diluer dans la vulgarité ni la morale et reste juste dans sa thématique. Ce premier long-métrage a quelques petits défauts, ce qui est normal, comme le recours contingent à des artifices narratifs extérieurs (la soirée), mais c’est dans le traitement des émotions que le réalisateur est le plus fort. La grande émotion de ce film est celle du personnage de «Narjes», joué par Nadia Boussetta. Époustouflante, d’une beauté ténébreuse dans son rôle de prostituée, elle valse tout au long du film, elle nuance son jeu donnant le parfait tempo à chaque séquence avec un corps gracieux et juste pour le personnage.

«À aucun moment Narjes ne tombe dans les clichés, grâce à une excellente direction d’acteurs. «La Fuite» est un film déroutant qui ne caresse pas dans le sens du poil, avec une mise en scène agréablement soutenue et juste sans aucune prétention, un film que je qualifie d’une grande force douce.

Henda Haouala – Maître de Conférences en techniques audiovisuelles et cinéma.

Source : https://www.tunisienumerique.com/


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