NO MAN’S LOVE, PREMIER LONG-MÉTRAGE DE NIDHAL CHATTA, DE RETOUR SUR LES ÉCRANS TUNISIENS

Par Kenza Zouari – maghreb.info.com – 2 décembre 2016.

Seize ans après sa sortie, le premier long-métrage de Nidhal Chatta est de nouveau sur les écrans de cinéma un peu partout en Tunisie.

«No Man’s Love» – titre original «كول التراب» («Koul Trab», comprenez «manger du sable») – avait remporté à sa sortie le prix de la meilleure première œuvre lors des Journées Cinématographiques de Carthage, ainsi que le prix du meilleur interprète masculin pour le jeune Lotfi Abdelli qui incarne, dans ce film, le personnage principal, Akim. Des images époustouflantes, un travail de lumière minutieux que l’on doit à Tarek Ben Abdallah, des plans composés avec précision, des décors faits sur mesure et des costumes bien étudiés, «No Man’s Love» est un film réfléchi de A à Z. Et cela ne s’arrête pas à la technique mais s’étend aussi au scénario qui fut néanmoins qualifié par beaucoup de spectateurs de «confus et frustrant». Mais ce film est structuré tel un conte, narré par Akim, à l’histoire singulière dont peuvent découler diverses et multiples interprétations.

L’eau, la terre et le ciel

C’est dans les vastes et déserts paysages de Djerba et de Tozeur qu’errent des personnages nomades, étranges ou atypiques – certains que l’on ne verra qu’une fois comme Essia (Essia Ben Ayed), la sœur handicapée mentale du personnage principal féminin, Aicha (Yasmine Bahri), ou d’autres récurrents comme Férid (Férid Memmich), un riche collectionneur, vieux et gras, une orthèse métallique au visage. Aux dimensions surréalistes, le film dégage une forte sensation de solitude et d’ennui. Deux sentiments qui représentent un monde auquel Akim essaye d’échapper.

Abattu depuis le suicide de sa sœur – évènement sur lequel le film s’ouvre – qui, paraplégique, s’est jetée dans la mer, Akim se recueille dans les profondeurs de cette étendue d’eau à la recherche d’objets de valeurs qu’il fournit par la suite à Férid. Un parallèle peut être fait entre ces trésors perdus et sa sœur comme à la recherche sans fin de quelque chose d’une valeur équivalente. Akim réside dans un phare, la seule habitation qu’il nous est autorisé de visiter entièrement. Il y vit avec son frère Issa (interprété par Fathi Haddaoui), ancien marine qui n’a pour seule activité que la mise en marche de la lumière du phare à la tombée de la nuit. Issa – comme Akim – se recueille sous l’eau. Seulement, ce n’est pas dans la mer mais dans son bain.

Des personnages qui errent sans but apparent

Il n’y a qu’Aicha, photographe, qui parvient à interrompre l’isolement des deux frères, et ce successivement. Elle devient rapidement partie intégrante de leur vie en leur donnant à chacun un but et une quête à poursuivre. Personnage curieux et souriant, Aicha est mourante.Peu bavards mais spontanés, les personnages de «No Man’s Love» sont intrigants et attachants. Le film nous présente un triptyque : l’eau et ses profondeurs dans lesquels se perdent nos biens les plus précieux, la terre, cet entre-deux, et le ciel, symbolique de la mort. «No Man’s Love» établit un cycle qui commence et finit avec un décès. La mort fait partie intégrante de ce film philosophique, et c’est à se demander si les personnages ne sont pas aussi morts. En effet, ils errent sans but apparent, enfermés dans une routine dans laquelle ils s’efforcent de croire qu’ils se plaisent. Seul Akim essaye de briser cette monotonie en se mettant en danger. Poussé par le désir de «manger du sable» et donc de prendre des risques et des claques, il se crée un but, celui d’arriver à obtenir un statut similaire à celui de Férid.

À travers de magnifiques plans larges parfaitement composés qui souvent s’associent à l’amour et la tristesse et de gros plans hideux et oniriques qui annoncent dangers et événements perturbateurs, on entre dans un monde qui nous fait basculer d’une dure et mélancolique réalité au rêve cryptique et extravaguant. L’une des plus belles interprétations de Lotfi Abdelli et incontestablement le meilleur film de Nidhal Chatta, «No Man’s Love» est un beau film à l’aura mystique qui tient le spectateur par la main et l’entraîne dans un voyage qui demande à ce qu’on prête attention à la route.

Actuellement en salle à Tunis au Parnasse, à l’ABC, au Rio, à l’Amilcar et au Cinemadart ; à Menzel Bourquiba au Métrople ; à Bizerte au Majestic ; au Kef au Théâtre de Poche ; à la Maison de la Culture de Mahdia et au Théâtre Municipal de Sousse, «No Man’s Love» sera diffusé prochainement à Nabeul, Kairouan, Sfax, Monastir, Djerba, Gafsa, Gabès, Kebili, Tebourba, Mornaguia, Siliana et dans d’autres régions.

Source : http://maghreb-info.com/


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