FATWA : LE PORTRAIT ÉMOUVANT D’UN PÈRE TUNISIEN ENDEUILLÉ D’UN FILS QU’IL CROYAIT CONNAÎTRE

Par Hubert Heyrendt – lalibre.be – Publié le mercredi 20 février 2019.

Le portrait émouvant d’un père tunisien endeuillé d’un fils qu’il croyait connaître…

Tunis, 2013. Brahim Nadhour (Ahmed Hafiane) débarque à l’aéroport, l’air désemparé. Dans un bureau sans âme, un policier lui explique les conditions de la mort tragique de son fils Marouane. Victime d’un accident de moto la nuit, sur la petite route en travaux près de la villa de sa mère, celui-ci est tombé dans un ravin et n’a été retrouvé sans vie en contrebas que six heures plus tard.

Face à son ex-femme Loubna (Ghalia Ben Ali), la tension est palpable. Femme politique tunisienne progressiste très engagée, celle-ci refuse toute cérémonie religieuse. Vivant en France, Brahim souhaite, lui, au contraire respecter la tradition. Quand il se rend à la mosquée, il découvre non seulement un nouvel imam, mais il apprend aussi avec étonnement que son fils était devenu très pieux. Lors de l’enterrement, l’entourage rigoriste de l’imam s’en prend violemment à la mère de Marouane…

En 2016, Mohamed Ben Attia se faisait remarquer à la Berlinale avec le très fort «Hedi, un vent de liberté», premier long-métrage belgo-tunisien coproduit par les Films du Fleuve. Depuis, les frères Dardenne ont également produit «Weldi», second film de Ben Attia (sorti fin 2018), mais aussi ce nouveau film de Mahmoud Ben Mahmoud, cinéaste tunisien diplômé de l’IAD et de l’ULB (en histoire de l’art), connu notamment pour «Les siestes grenadine» en 1999 et «Poussière de diamant», présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 1992.

Emmené par d’excellents comédiens, «Fatwa» propose une plongée dans la complexité de la Tunisie contemporaine. Et ce à travers le regard d’un businessman exilé en France depuis la révolution de 2011, où il s’occupe de promouvoir le tourisme dans son pays d’origine. Une activité évidemment insupportable aux yeux des islamistes radicaux – on se souvient en effet des attentats de la plage de Sousse et du musée du Bardo, qui visaient les touristes… En même temps que ce père, qui mène l’enquête pour tenter de comprendre qui était ce fils qu’il ne connaissait plus, on découvre la réalité de l’islamisme radical qui, en 2013, faisait planer une menace sourde sur l’ensemble de la société tunisienne. À mesure que, dans certains quartiers, fermaient, les uns après les autres, les cafés, les disquaires, les salles de cinéma…

Mais pas question pour le cinéaste de tomber dans la caricature, de faire, par exemple, l’amalgame entre religion et tradition. Car «Fatwa» est d’abord une déclaration d’amour à la Tunisie. Et s’il nous en dit beaucoup sur la montée des islamistes après la Révolution, c’est toujours grâce aux outils du cinéma et du récit (mystère, suspense, personnages complexes…) et non en plaquant un point de vue prédéfini sur la situation.

Hubert Heyrendt

Source : https://www.lalibre.be/


 

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire