FADHEL JAZIRI (METTEUR EN SCÈNE ) : CHAQUE TRAVAIL DÉTIENT UNE VÉRITÉ SINGULIÈRE…

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Entretien conduit par Salem Trabelsi – La Presse de Tunisie – Ajouté le : 04-03-2019

Fadhel Jaziri conçoit et met en scène une nouvelle «Nouba» qu’il associe à l’Espérance Sportive. La première aura lieu le 22 mars à la Coupole de Radès. Faire la fête en temps de crise ?  il nous en parle dans cet entretien…

Faire la «Nouba» avec de nouveaux habits, de nouvelles couleurs et une nouvelle conception esthétique. Est-ce l’adapter à l’esprit festif de l’époque moderne ?

  • L’idée est de faire la fête avec un trésor caché et mal exploité qui est notre patrimoine. Dans ce patrimoine, il y a plusieurs segments très forts, structurés et travaillés par le temps et où chaque génération apporte sa touche à cette poésie et à ces rythmes locaux.

Qu’avez-vous trouvé dans cette nouvelle génération que vous associez à la «Nouba» ?

  • D’abord leur maîtrise du thème musical. Dans ce groupe qui va donner ce spectacle, chacun possède un chemin qui lui est propre, mais ce qui est certain, c’est qu’il y a une formation académique très importante derrière.
    Même les chanteurs ont une formation académique. Certains d’entre eux ont même fait du lyrique, comme Haythem Lahdhiri ou Emna Jaziri. Mais il y a aussi le côté populaire avec ceux qui se sont formés sur le tas et dont l’oreille contient une sonorité qui nous est bien particulière. Ceux-là aussi on les écoute et on les met en valeur.
    Pour réunir le côté académique et populaire, il faut suivre la diagonale du fou comme on dit…
Cette diagonale-là se donne à voir immédiatement, et la manière d’y répondre est tout à fait aisée parce que dans le groupe, ils ont tous besoin de «faire». C’est un besoin d’exister en quelque sorte, chacun à sa manière. Il y a une espèce de tempérament qui naît de cette formation de personnes qui jouent ensemble. Ce sont eux les vedettes du spectacle.

Comment faites-vous pour ne pas vous répéter ?

  • D’abord, je fais un travail de mise en scène, mais c’est aussi un travail d’écoute et de proposition à partir de ce que nous vivons ensemble. On parvient donc à créer des images neuves parce que chaque travail a sa vérité. Cette vérité ne commence à être évidente qu’au bout d’un certain nombre de séances. On n’arrête pas de développer les choses jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’on a quasiment changé de palier. C’est à ce moment-là que le travail devient véritablement efficace. On tente de nouvelles expériences, inédites. Si on nous dit par exemple que deux cornemuses ne fonctionnent pas ensemble, on l’essaye! Si ça marche on reprend l’expérience avec cinq cornemuses. Tout cela pour parvenir à la puissance sonore; or, la puissance sonore n’est pas uniquement une affaire de décibels, c’est aussi une affaire d’incarnation. Le rythme finit par imprégner une équipe de percussionnistes qu’on fait travailler ensemble pendant des mois. C’est aussi une formation et une forme de fidélité…

La première «Nouba» a eu lieu dans une Tunisie en proie au marasme et à la déprime générale, tout comme aujourd’hui. Faut-il prendre cette nouvelle «Nouba» comme une thérapie ?

  • Pour moi, la seule manière que je connais de combattre la déprime, c’est la musique. C’est dans ce domaine-là que je pense pouvoir apporter ma contribution.

Pourquoi avez-vous lié un travail artistique à une équipe de football ?

  • D’abord, parce que je suis «espérantiste». De plus, lorsqu’une équipe remporte le titre de champion d’Afrique, c’est très important pour notre pays. Tous les réseaux d’information sportifs parlent de la Tunisie grâce à cet événement. Cela peut avoir même des répercussions sur notre tourisme. C’est aussi une manière de capitaliser une victoire. La victoire mène vers la victoire. C’est donner de l’espoir aux gens, de l’énergie positive et une manière d’évacuer un type d’angoisse.

Combien de personnes assurent-elles ce spectacle sur scène ?

  • Il y a presque 200 personnes et une équipe technique importante. Une trentaine de musiciens, une trentaine de choristes, une quarantaine de percussionnistes et une douzaine de solistes.

Quels sont vos choix esthétiques pour ce spectacle ?

  • Ils sont très simples : il s’agit de planter un univers où le gradin des espérantistes est en train de faire la fête.

Aujourd’hui, vous pensez que ce genre de spectacle vaut un discours politique ?

  • Tout se politise aujourd’hui, ce qui est à peu près normal. Je pense qu’il y a une conscientisation de plus en plus évidente !

Auteur : Entretien conduit par Salem Trabelsi

Ajouté le : 04-03-2019

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