MOHAMED ALI BEN JEMAA : MÊME DANS MES RÔLES, J’ESSAIE D’ÊTRE ENGAGÉ

Entretien conduit par Salem Trabelsi – La Presse de Tunisie – Ajouté le : 24-12-2018

Mohamed Ali Ben Jemaâ est à l’affiche du film «Samahni» de Najoua Limam Slama. Un film où il signe son retour au cinéma aux côtés de l’acteur syrien Abed Fahed. Entretien.

Vous êtes à l’affiche dans le film de Najoua Limam Slama «Samahni». C’est un rôle assez nouveau pour vous.

  • Pour moi c’est nouveau du côté de la construction du personnage. Le personnage du juge est de deux ans plus âgé que moi, mais il a fallu tout de même prendre cela en considération. Le rôle du juge n’est pas non plus facile à interpréter à un moment charnière de ma carrière. C’est pour la première fois que je joue ce genre de rôle. C’est un rôle de composition où j’ai essayé d’être sincère et pour lequel j’ai effectué une petite recherche sur le comportement des juges dans la vie sociale et leur manière de parler. Il y a un moment important où le juge est en train de s’évaluer lui-même sur le plan moral et où il entre dans le doute après la fausse nouvelle de sa mort. Le film prend son départ à partir de ce moment-là et je devais montrer le vécu de ce juge plus que son actualité.

Combien vous a-t-il fallu pour vous préparer à interpréter le rôle de Faouzi ?

  • Deux mois environ avec la réalisatrice. C’est un rôle difficile par sa simplicité. Il y a beaucoup de neutralité mais une neutralité dense. Il y a du texte, bien entendu, mais c’est surtout un jeu de regard avec sa femme ou avec sa victime (Mostari). C’est aussi un rôle où on risque facilement de tomber dans l’excès… Toute la subtilité était là. Cela dit, la regrettée Najoua Slama a su rassembler une bonne équipe : Mohamed Maghraoui, Lassaâd Oueslati, Riadh Fehri, Faouzi Thabet et Ridha Slama. Tout ce beau monde a su faire de son mieux pour le film.

Ce rôle est un retour au cinéma pour vous dans un premier rôle après une longue absence. Pourquoi, depuis «Jounoun», on ne vous a plus revu à l’affiche ?

  • A un certain moment j’ai eu l’impression que j’étais puni, côté cinéma. Cela dit, je me suis occupé à faire autre chose. Aujourd’hui, comme vous le dites, c’est un retour au cinéma pour moi dans un premier rôle. De «Al Jaïda» de Selma Baccar à «Zahret Halab» de Ridha El Béhi en passant par «Ghasra» de Jamil Najjar je ne me suis pas éloigné du grand écran, mais avec «Samahni» de Najoua Limam Slama et «Porto Farina» de BRahim Ltaïef je considère que je suis vraiment de retour au cinéma. Les raisons de cette absence sont partagées entre moi, les réalisateurs et les assistants. Le fait que je porte plusieurs casquettes les a beaucoup dérangés je pense. Mon passage au monde du spectacle n’a pas plu à tous les professionnels du cinéma. Or c’est à partir de là que j’ai eu une expérience dans la direction et la mise en scène. Tout cela donne du vécu à l’acteur… Cela dit, même si je suis en stand-by, je ne reste pas les bras croisés à attendre un scénario pour travailler en tant qu’artiste. Je provoque mes projets et j’en propose aussi. Je crois aussi à la société civile, c’est pourquoi j’ai créé une association «Al Makhzen Athakafi» qui peut aider un tant soit peu les jeunes et le pays. Je crois beaucoup d’ailleurs à cet engagement. Même dans mes rôles, j’essaie d’être engagé.

C’était facile de passer de la télévision au cinéma ? Certains pensent que la télévision «grille» ses acteurs…

  • Pour moi, le théâtre, la télévision et le cinéma sont des frères ennemis. Or, de nos jours, la télévision fait aussi du cinéma (je parle du monde entier et pas du cas local). Cela, dit si un acteur a une base théâtrale il saura doser comme un chef d’orchestre par rapport au rôle qu’on joue et par rapport à la caméra. Pour un acteur bien formé, le problème ne se pose pas. En ce qui me concerne, mes rôles à la télévision sont dans la composition, c’est-à-dire je ne suis pas dans le comique et l’excès. Cela m’aide beaucoup pour passer au cinéma. J’aime la télévision qui fait dans le cinéma, mais pas le contraire. Cela dit, la télévision peut griller un acteur, non pas au niveau des projets de fictions mais plutôt au niveau des émissions. Si un acteur passe tout le temps dans des émissions ridicules ou qu’il est obligé tout le temps d’être dans des émissions télé pour sa promotion, cela peut en effet avoir un effet négatif sur l’image. Ce ne sont pas les feuilletons qui grillent l’acteur, mais les émissions télé où il accepte de passer.

Quel regard avez-vous sur le cinéma tunisien cette année?

  • Il y a une dynamique dans notre cinéma et une diversité. Heureusement qu’on est arrivé à voir des films qui ne se ressemblent pas. Chaque film a son univers et ses références. On a une nouvelle génération de cinéastes qui s’impose et je suis optimiste pour le futur. Il ne faut pas oublier non plus que la quantité enfante la qualité. Si on produit entre 10 et 12 films par an c’est quelque chose d’extraordinaire. Par contre, le problème réside au niveau du parc des salles de cinéma qui reste réduit. Cela réduit les entrées d’argent pour les producteurs. Et on continue à se poser cette question : si le ministère ne donne pas de subvention serait-ce la fin du cinéma ? Où est le vrai producteur qui investit dans un film? Deux éléments manquent à ce schéma pour la réussite de notre cinéma : le producteur et le scénariste. Tout le reste de la chaîne existe et a du talent.

Auteur : Entretien conduit par Salem Trabelsi

Ajouté le : 24-12-2018

Source : http://www.lapresse.tn/


 

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire