HABIB M’SELMANI : L’ACCRO À LA FICTION

Propos recueillis par Souad BEN SLIMANE – La Presse de Tunisie – Ajouté le : 06-06-2016

Il a réalisé environ 2.500 heures de fiction télévisée, et pourtant il ne se prend pas pour le nombril du monde ! Peut-être l’expérience amène-t-elle une tranquillité intérieure, une disponibilité nouvelle et une innocence recréée. Après avoir donné le dernier coup de manivelle à son deuxième film destiné au grand écran, il n’a qu’une seule envie : se retrouver sur un plateau de tournage.

Êtes-vous l’un des anciens de la télévision qui ont fait leur apprentissage au Centre de formation de l’ERTT (Établissement de la Radio et de la Télévision Tunisienne) ?

  • En effet, oui. C’étaient les années 1968-1969, à l’époque où les émissions de télévision commençaient à peine à être diffusées de manière régulière. J’ai également été formé à l’IPSI (Institut de Presse et des Sciences de l’Information).

Nous ne savions pas que vous êtes réalisateur doublé de journaliste. De quelle promotion étiez-vous ?

  • Je faisais partie de la promotion 1979. J’ai même travaillé pendant un moment à « Dialogue », la revue hebdomadaire en langue française de l’époque. Entre-temps, j’ai fait un stage de réalisation à la RAI et à FR3. Puis, j’ai fait des études à l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) à Paris, où j’ai obtenu un diplôme de cadre supérieur de télévision, spécialisé dans la réalisation. Mais il m’a fallu travailler pendant 15 ans comme assistant avant d’être promu réalisateur.

Combien de feuilletons avez-vous réalisés depuis ?

  • Je ne sais plus. Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’ai réalisé environ 2.500 heures de fiction.

Tant que ça ?! Et le cinéma, quelle place a-t-il dans votre vie professionnelle ?

  • J’en suis au deuxième long-métrage, lequel s’intitule «Rizk el Bey lik» (L’héritage du Bey t’appartient) d’après un scénario de feu Nacer Kasraoui. Mon premier film «Sabra wa al wahch» (Sabra et le monstre) date de 1985 et était destiné aux enfants.

Pourquoi vous a-t-il fallu tout ce temps pour revenir au cinéma ?

  • Parce que je n’ai jamais trouvé le bon scénario ; et je ne prétends pas pouvoir en écrire.

Et qu’est-ce qui fait que vous avez accepté de mettre en images «Rizk el bey lik» ?

  • L’histoire de ce film a retenu mon attention. Il y a eu une rencontre entre le texte et moi. J’ai quand même dû faire quelques changements pour rendre le scénario encore plus fort et mieux bâti. Cela dit, j’ai aussi accepté de réaliser ce film, parce que je veux travailler. Je me sens comme possédé par la fiction. A part ma famille qui me soutient depuis toujours, la fiction est ma raison de vivre. C’est pour cela que je suis prêt à travailler dans n’importe quelles conditions et avec les moyens que l’on me donne.

A quoi pensez-vous quand vous êtes sur un plateau de tournage ?

  • Je pense à ce que je fais, bien entendu. Et je me dis que malgré mon expérience, je n’ai pas encore appris mon métier comme il se doit.

Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

  • Le fait que je n’ai pas encore réalisé la fiction de mes rêves.

Et quelle est la fiction de vos rêves ?

  • Honnêtement ? Un film pour enfants. J’étais le premier à en faire et je m’en veux de ne pas avoir renouvelé l’expérience. J’aimerais pouvoir contribuer à l’éducation de l’enfant tunisien qui est souvent bombardé par des images appartenant à une autre réalité, une autre culture. Je crois que si nos enfants deviennent si violents envers eux-mêmes et les autres, c’est parce que nous les avons, quelque part, abandonnés. On devrait écrire pour eux.

Qu’est-ce qui vous en empêche ?

  • Je vous l’ai déjà dit. Il faut trouver le bon scénario.

Et c’est si difficile d’en trouver ?

  • Un scénario pour enfants est difficile à écrire en matière de traitement.

Que faut-il faire alors ?

  • Les responsables des  télévisions devraient penser à l’enfant dans leur programmation, cela encouragera les gens intéressés par l’écriture à apprendre. Quant au ministère de la Culture qui accorde l’aide à la production cinématographique, il devrait imposer l’existence de scripts pour enfants parmi les scénarios candidats à la subvention.

Revenons au long-métrage dont vous venez de finir le tournage. Que représente «Riz el bey lik»  dans votre carrière ?

  • C’est un nouveau défi pour moi et pour tout le reste de l’équipe. Vu le nombre de comédiens, de décors, d’accessoires et d’animaux (notamment des chevaux), on devrait disposer d’un budget beaucoup plus important. Ce n’est pas évident de réussir un film d’époque avec si peu de moyens. Mais qui ne risque rien n’a rien. À la télévision, avec les feuilletons Dhafaer et Anbar ellil, j’ai appris à relever ce genre de défi.

Pensez-vous pouvoir réussir ce film, malgré tout?

  • Je ne sais pas. Je ne peux pas être juge et partie à la fois. Mais je me dis que je me dois de réussir ce film pour continuer à travailler. Je mets toute mon énergie et tout ce que j’ai appris dans cet objectif. Je suis entouré d’une équipe, dont la majorité est jeune et enthousiaste. Celle-ci manque d’expérience, certes, mais j’assume également ce défi.

Êtes-vous du genre «éternellement insatisfait» ?

  • Atteindre la perfection est le souci de tous les artistes. A chaque fois que ces derniers avancent d’un pas, ils ont  envie de  faire un autre… Celui qui prétend être arrivé à la perfection n’est pas un artiste.

Vous avez tourné ce long-métrage en 5 semaines seulement. N’est-ce pas peu pour un film d’époque ?

  • La fiction télévisuelle nous apprend à faire vite et bien. D’ailleurs, les gens du cinéma reconnaissent le fait que nos automatismes sont bien rodés. Eux, ils font un film une fois tous les 4 ans. Mais nous, avec l’exercice et l’assiduité, nous pouvons faire des erreurs et apprendre à les corriger.

Et vous ? De la télévision au cinéma, comment vous sentez-vous ?

  • Cela peut vous paraître bizarre, mais le cinéma, pour moi, est beaucoup plus reposant.

Ah bon ? Pourquoi ?

  • A la télévision, une heure d’antenne me prend une semaine de tournage. Et dans un feuilleton, on a plusieurs heures à tourner. Au cinéma, il s’agit seulement d’une heure et demie, et cela  me prend 5 semaines…

Ne risquez-vous pas de faire de  «Rizk el bey lik» un téléfilm au lieu d’un long-métrage de cinéma ?

  • Pas du tout. D’ailleurs, quelle est la différence entre un téléfilm et un long-métrage de cinéma ? Qui peut répondre à cette question ? Peut-être bien qu’il existe des gens qui sentent les choses différemment, je n’en sais rien…

Auteur : Propos recueillis par Souad BEN SLIMANE

Ajouté le : 06-06-2016

Source : http://www.lapresse.tn/

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