KHÉMAIS KHAYATI, LE CRITIQUE ARABE DES MÉDIAS ABORDE LES PROBLÈMES DE LA TÉLÉVISION DANS LA RÉGION

Dans un entretien avec Magharebia, le critique arabe des médias Khémias Khayati fait part de sa perception de la faiblesse des médias arabes, et de la manière dont ces médias traitent les femmes, les jeunes et la religion.

Par Jamel Arfaoui pour Magharebia à Tunis – 29/09/2006

Khémais Khayati, considéré comme l’un des critiques des médias tunisiens les plus influents, a participé à plusieurs émissions télévisées en Tunisie, à la presse écrite arabe et à la radio. Il se prépare actuellement à publier un nouveau livre consacré au rôle des chaînes arabes par satellite dans la propagation de l’extrémisme islamiste. Il a également travaillé comme assistant du président du Conseil international du cinéma et de la télévision.

Dans un entretien accordé à Magharebia, M. Khayati a parlé des chaînes arabes par satellite, en particulier de celles du Maghreb. Il a affirmé que certaines d’entre elles propagent des discours religieux très étroits, qui répandent des idées destructrices et troublent la perception des jeunes. Certains programmes religieux très controversés sont particulièrement présents durant le ramadan, car les jeunes sont alors plus ouverts au discours religieux.

Magharebia : Pensez-vous que les médias arabes sous leur forme actuelle puissent traiter de l’extrémisme ?

  • Khémais Khayati : Actuellement, je ne le pense pas, parce que les médias arabes sont faibles, non indépendants et soumis à l’influence des centres de pouvoir dans des pays non démocratiques. Je crois plutôt que leur silence, leur manquement à ouvrir des forums de débat public et de discussion, sur ce qui constitue le coeur même des croyances, servent l’extrémisme dans sa conceptualisation la plus basse de « repli sur soi et de traîtrisation de l’autre ».

Magharebia : Si vous étiez chargé d’une chaîne de télévision arabe et receviez une bande vidéo d’Osama Ben Laden ou de quelqu’un de semblable, souhaiteriez-vous qu’elle soit diffusée ?

Khayati : Si tel était le cas, j’exigerais qu’elle soit diffusée après avoir rempli les conditions suivantes :

  1. Avoir vérifié l’authenticité de cette bande.
  2. Avoir vérifié qu’elle ne heurte pas la sensibilité des spectateurs, c’est-à-dire qu’elle ne contient aucune scène de violence, comme l’assassinat ou la torture d’otages, et d’autres choses qui sont inacceptables pour un esprit rationnel et civilisé.
  3. Avoir vérifié que la diffusion s’accompagne d’une analyse par la rédaction et avoir averti les spectateurs de ce qu’ils vont voir.

Magharebia : Que pensez-vous de ce que les chaînes de télévision arabes diffusent sur des sujets comme la jeunesse, les femmes et la religion ?

  • Khayati : En ce qui concerne les jeunes, les chaînes arabes se caractérisent dans leur ensemble, soit par la trivialité et l’imitation de l’Occident dans ses aspects mineurs, soit par le retour à ce qui est considéré comme la pureté originelle. Dans le deux cas, le tableau manque de vie et de ce débat qui est le moteur même du discours audiovisuel. Pour ce qui est des femmes, elles sont des sujets avant d’être des actrices … Quant à la télévision capable de donner une image différente, comme la télévision tunisienne, qui existe dans un pays qui a produit le Magazine du statut des personnes il y a cinquante ans, elle se trouve placée sous le poids très oppressant d’une absence de capacité de jugement indépendant.
    Pour la religion …[vous avez] Souq Okaz sans les poèmes et [avec] le manque de profondeur des poètes…ce qui veut dire que vous avez devant les yeux les exemples de [Youssef] al-Qaradawi, Amr Khaled, Tariq Swedan, et d’innombrables prêcheurs — dont l’immense majorité répand l’ignorance au nom de ce qu’ils considèrent comme étant l’Islam. Ils ne parlent jamais des autres religions.

Magharebia : Les responsables du Maghreb envisagent de créer une chaîne de télévision du Maghreb. Êtes-vous favorable à ce projet ?

  • Khayati : J’encourage et suis favorable à ce projet, même si les gens qui lui consacrent de longues heures ne croient pas au Maghreb et l’ont montré en de nombreuses occasions. Je l’encourage et y suis favorable à la condition que le dénominateur commun ne soit pas le «manque de foi» — parce qu’alors, il n’y aurait ni média, ni télévision, ni Maghreb, ni aucun spectateur.
    Or pour nous, dans les médias, la victoire consiste à toucher les publics. Je ne pense pas que cette chaîne de télévision débutera ses émissions avant au moins un an, parce qu’actuellement, chaque partie du Maghreb est tournée vers ses propres préoccupations nationales. Sans démocratie, sans partis libres et sans intérêt commun respectés par les dirigeants et l’opposition, des chaînes comme celle-ci n’ont aucune chance de succès. Tout le reste est un discours vide et expéditif, qui ne convainc plus personne. Mais la télévision du Maghreb reste un projet dont nous espérons qu’il aboutira.

Ce contenu a été réalisé sous requête de Magharebia.com


 

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