MOHAMED CHALLOUF, DIRECTEUR ARTISTIQUE DE «CINÉMA AU MUSÉE» : «LE PATRIMOINE CINÉMATOGRAPHIQUE ARABO-AFRICAIN, NOTRE PRIORITÉ»

Par Salem Trabelsi – La Presse de Tunisie — Publié sur 02/09/2019

La cinquième session de l’événement culturel et cinématographique «Cinéma au Musée», organisée par l’association Ciné-Sud Patrimoine, en partenariat avec le CNCI, et avec le soutien du ministère des Affaires culturelles, de l’institut culturel italien de Tunis, de TV5Monde et de AMVPPC s’est tenue du 29 août au 1er septembre 2019, à l’esplanade du musée archéologique de Sousse. Nous avons eu cet entretien avec son initiateur, Mohamed Challouf.

Le réalisateur libanais Maroun Baghdadi est en tête de vos hommages cette année…

Cette année nous avons pensé à rendre hommage au grand cinéaste libanais Maroun Baghdadi qui a commencé sa carrière durant la guerre du Liban en collaborant avec Marcel Khalifa. Les deux étaient dans un groupe de jeunes chrétiens de gauche qui s’opposaient à l’agression israélienne et au gouvernement libanais à l’époque. D’ailleurs. Maroun Baghdadi était mort dans des conditions obscures. Il a été retrouvé dans une cage d’ascenseur… Ses films aujourd’hui ont été restaurés et on a invité sa femme, Souraya Baghdadi, pour lui rendre cet hommage. Je pense que Maroun Baghdadi mérite d’être connu en Tunisie. Il mérite également d’être ressuscité, puisque c’est quelqu’un qui a enrichi la mémoire cinématographique libanaise avec des films de fiction et il a même eu le Prix spécial du jury à Cannes. C’était l’un des cinéastes les plus engagés pour l’unité du Liban. On l’appelait d’ailleurs le cinéaste des rêves suspendus… 

Il y a des personnalités importantes qui accompagnent cette édition. Comment ont-elles adhéré à ce projet ?

Oui, plusieurs personnalités et à leur tête Claudia Cardinale. C’est dû également aux rapports privilégiés avec les gens comme ceux de «Nadi li koll enneass» au Festival d’Isameilia en Egypte et qui a fait naître cette idée. Là j’ai découvert qu’ils ont numérisé et restauré des films de Maroun Baghdadi et je n’ai pas raté l’occasion pour les inviter au «Cinéma au Musée» avec une soirée dédiée à cette mémoire cinématographique du Liban.
Quant à Claudia Cardinale, elle a passé douze jours entre Hergla et Sousse. Le film «Il était une fois dans l’Ouest» de Sergio Leone a été restauré l’année dernière à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa production. Nous avons demandé à Claudia Cardinale de présenter ce film, mais on voulait aussi lui faire découvrir une autre partie de la Tunisie qu’elle ne connaissait pas, elle qui a même demandé la nationalité tunisienne. Nos rapports étaient privilégiés avec l’actrice depuis le film de Mahmoud Ben Mahmoud «Italiens de l’autre rive». Elle était parmi nous pour présenter le chef-d’œuvre du cinéma de Sergio Léone avec la musique d’Ennio Morricone. Hier soir et jusqu’à une heure du matin, le public était attaché à l’écran. Et puisque nous sommes panafricanistes dans notre association Sud Patrimoine, nous avons pensé à rendre hommage à un grand acteur et comédien sénégalais dont on fête cette année le centenaire de sa naissance : Douta Seck. Et comme toute la filmographie de Souheil Ben Barka a été numérisée, j’ai demandé à avoir la première mondiale de «Amok», le film qui a ouvert les JCC en 1982, une production Sud-Sud entre le Maroc, le Sénégal et la Guinée.

Selon quels critères choisissez-vous les films ?

On choisit les films selon la sensibilité et l’orientation de notre association Sud Patrimoine. Nous sommes surtout intéressés de montrer le patrimoine cinématographique arabo-africain. C’est pour cela d’ailleurs que, lorsque j’ai su que la cinémathèque de Belgique avait restauré toute la filmographie de Michel Khleifi, j’ai demandé à Michel de choisir un film pour cette session et il a choisi «Le conte des trois diamants». Le CNC français vient également de restaurer «Le retour de l’aventurier» de Moustapha Alassane. Ce western à l’africaine a été présenté cette année au Festival de Bologne et on a programmé ce film avec «Le conte des trois diamants», ainsi on a l’Afrique et le monde arabe présents dans une soirée de clôture. Cette année également nous avons trouvé dans une archive privée anglaise deux courts-métrages tunisiens, l’un de 1918 dédié à la cueillette des dattes dans le Sud. Le réalisateur est non identifié mais cela pourrait être l’œuvre d’Albert Sammama Chekly. Il y a aussi un document de 1920 qui a pour titre «Tunis, la ville du blanc». Le petit film de six minutes décrit le quotidien de Tunis. Un document qu’on restitue à la Tunisie parce que ces films vont rester dans nos archives.

Cette édition compte aussi une exposition d’anciens appareils photographiques…

C’est un projet que j’ai en tête depuis des années et que je reporte à chaque fois. Cette année, avec la collaboration de la galerie d’art Elbirou et le club ciné-radio de l’Insat, nous avons fait le recensement de ce que j’ai accumulé depuis une trentaine d’années et nous avons trouvé le moyen de les présenter d’une manière originale. L’objectif est de faire découvrir aux jeunes le monde du cinéma et de la photographie argentique. L’exposition compte plus de 200 pièces et dure jusqu’au 15 septembre. On essaiera de re-proposer cette exposition (qui est une collection privée qui sort de ma cave) dans d’autres villes tunisiennes.

Source : www.lapresse.tn


 

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