
Quelle belle sortie de scène !
Par Mohamed Touati – lexpressiondz.com – 25 mai 2025
Il a tiré sa révérence alors qu’il devait être distingué pour le cinquantenaire de l’obtention de sa Palme d’or en tant que doyen des réalisateurs récipiendaires de cette consécration.
Il a été pendant toute sa vie comme le roseau. Il lui est arrivé, rarement il est vrai, de plier sans jamais rompre, mais cette fois-ci, devant la loi de la nature, toute vie ayant une fin, le chêne a fini par céder. Le rideau est tombé sur ce qui sera le dernier acte du parcours cinématographique, de la carrière exceptionnelle d’un homme, un cinéaste d’exception comme seule la terre qui l’a vu naître, l’Algérie, a su enfanter. Lui, c’est Mohamed-Lakhdar Hamina qui, à son tour, lui a rendu au centuple ce don du ciel, ce souffle de vie qui l’a propulsé dans la cour des grands. Un statut envié par les créateurs d’images, d’émotions qui, comme par magie, reconstituent des histoires, des tragédies, des pans d’humanité pour témoigner, restituer des vérités enfouies ou occultées. C’est ce que Mohamed-Lakhdar Hamina a réussi à faire, en réalisant une de ses œuvres majeures, Chronique des années de braise. Une fresque de l’Algérie colonisée par la France divisée en six épisodes: Les Années de Cendre (la sécheresse, la misère et l’abandon de la terre par les paysans), L’Année de la Charrette (la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences sur le pays), Les Années de Braise (à la fin de la guerre, la flambée de conscience politique contre le colonisateur), L’Année de la Charge (les élections de 1947, le choix entre le légalisme et le soulèvement), Les Années de Feu (la révolte dans les campagnes, l’organisation des maquis) et Le 1er Novembre 1954 (la révolte qui devient révolution). Un film sorti en 1975, qui remportera la Palme d’or de la 28e édition du Festival de Cannes. Son nom figurera au Palmarès de ce prestigieux événement, aux côtés de réalisateurs, scénaristes et producteurs de (grosse) pointure mondiale : Cecil B. DeMille, Billy Wilder, David Lean, Roberto Rossellini, Vittorio De Sica, Orson Welles, Federico Fellini… La liste est longue et les noms des références internationales du grand écran aussi. Hasard de l’Histoire : c’est 50 ans après avoir décroché la Palme d’or, le 23 mai 1975, que Mohamed Lakhdar Hamina sera rappelé à Son Créateur le 23 mai 2025. Une sortie de scène inattendue. Mais quelle belle sortie de scène! Il a tiré sa révérence alors qu’il devait être distingué pour le cinquantenaire de l’obtention de sa Palme d’or en tant que doyen des réalisateurs récipiendaires de cette consécration. Une sortie théâtrale, digne d’un Molière, en guise d’adieu aux professionnels du cinéma. Un stand-up, comme s’il n’avait consacré le dernier acte de sa vie qu’à lui-même. Et si c’était réellement comme cela qu’il aurait voulu tirer sa révérence? On ne le saura jamais. Il partira avec ce secret qu’il gardera éternellement. L’hommage sera unanime, retentissant, comme l’ont été ses oeuvres. Percutantes, poignantes. Le Vent des Aurès est, à ce titre, édifiant. Le fils de M’sila signera, à travers ce film, un chef-d’oeuvre réaliste aux accents épiques traversé par l’interprétation quasi muette de Keltoum, première actrice algérienne, son actrice fétiche. Aïcha Adjouri de son vrai nom, est née le 4 février 1916 à Blida, et morte le 11 novembre 2010 à Alger. Il la fera jouer dans deux de ses autres films, Hassan Terro en 1968 et Décembre, en 1972. Le Vent des Aurès compte désormais parmi les classiques de la cinématographie algérienne. Il raconte l’histoire d’une mère cherchant désespérément son fils, pris dans une rafle par l’armée française et incarcéré dans un camp. Elle défiera les soldats français pour le trouver, errant d’un camp à l’autre. Son obstination l’amène à trouver le lieu où il était détenu. Indifférente aux menaces et aux intimidations des soldats français, elle tentera de le voir chaque jour que Dieu fait, animée par le plus pur des sentiments : l’amour d’une mère, à l’image de celui que vouait Mohamed Lakhdar Hamina à son pays, l’Algérie…
Mohamed TOUATI
Source : https://www.lexpressiondz.com/
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