LES FILLES D’OLFA, OU LES ENFANTS DE LA TUNISIE

Par : Mouldi FEHRI pour cinematunisien.com – Paris, le : 29.07.2023

Genre du film : docu-fiction.
Durée : 1h 47
Pays d’origine : France, Tunisie, Allemagne
Réalisatrice : Kaouther Ben Hania

Casting :
Acteurs professionnels : Hend Sabri (incarnant le rôle d’Olfa), Nour Karoui, Ichraq Matar (incarnant les rôles de Ghofrane et Rahma), Majd Mastoura (incarnant successivement tous les rôles masculins).
Personnages réels : Olfa Hamrouni et ses deux filles cadettes, Eya Chikhaoui et Tayssir Chikhaoui (incarnant leurs propres rôles dans la vie courante).

Prologue :

Le dernier long-métrage de Kaouther Ben Hania, «Les Filles d’Olfa», a eu une remarquable participation à la compétition officielle du Festival de Cannes 2023, où il a été fortement apprécié.

Certes, Kaouther Ben Hania n’est pas parvenue à obtenir la Palme d’or du festival. Mais elle a, tout de même, réussi à être sélectionnée (excusez du peu) en compétition officielle de cette immense fête internationale du 7ème Art. Ce qui est loin d’être une mince affaire et qui permet par la même occasion à la Tunisie, 50 ans après «Une si simple histoire» d’Abdellatif Ben Ammar d’avoir, pour la deuxième fois de son histoire, un représentant (qui plus est, une femme-cinéaste) parmi les grands du cinéma mondial. Et, cette participation est loin d’être symbolique et encore moins ridicule, puisqu’elle lui a permis de remporter pas moins de quatre prix, à savoir ceux du :

  • Prix du cinéma positif,
  • Prix François Chalais Mention spéciale du Jury
  • Prix de l’Œil d’or du meilleur documentaire, en ex-aequo avec le film «Kadib Abyad» (La Mère de tous les mensonges) d’Asmae El Moudir.
  • Prix de la Citoyenneté.

Tragédie d’une famille déchirée :

Le thème principal du film tourne autour de la relation mère-fille et des différentes facettes qu’elle peut avoir, sujet que la réalisatrice avait déjà abordé dans ses précédents films, mais qui continue, de toute évidence, à la préoccuper.

Dans ce dernier long-métrage intitulé «Les Filles d’Olfa», Kaouther Ben Hania aborde la question de cette relation sous sa forme la plus complexe, c’est-à-dire un mélange d’amour, de tensions, d’affection et de protection souvent excessive, pouvant aller jusqu’à la violence.

Partant de l’histoire authentique d’Olfa Hamrouni (largement médiatisée en 2016) et ses quatre filles dont les deux aînées se sont enfuies en Libye pour s’engager avec l’organisation terroriste Daech, Ben Hania nous présente une série de portraits de femmes tunisiennes en lutte permanente contre les difficultés de la vie quotidienne et les contradictions de leur société arabo-musulmane. Leur combat est ainsi mis en relief et prend une réelle dimension émancipatrice face à cette mentalité patriarcale si dominante et ancrée dans les esprits, qu’elle peut même être exercée, de façon inconsciente et paradoxale, par de véritables mères aimantes (comme Olfa) contre leurs propres filles.

Plaçant le drame de cette famille tunisienne dans son contexte local (une Tunisie dominée par l’islam politique) et régional (une Libye en guerre civile et sous l’emprise de Daech), le film est aussi une mise à nu de la face cachée de toutes ces années de braise traversées par la Tunisie depuis 2011. Il est surtout un rappel des traumatismes et autres préjudices subis par un bon nombre de familles du fait et des conséquences dramatiques du terrorisme qui s’est répandu dans tout le pays. Il est également un véritable cri d’alarme de tous ces parents éprouvés et dépassés par cette radicalisation rampante qui a progressivement gagné et envoûté les esprits d’une bonne partie de leurs enfants, avec la complicité et/ou la passivité de ceux qui étaient au pouvoir pendant cette douloureuse période historique.

Après le film de Ridha Behi «Fleur d’Alep», ce dernier long-métrage de KBH est incontestablement un autre bel hommage à ces familles et un nouveau témoignage du cinéma tunisien sur le désarroi de toute une nation face à ce fléau inqualifiable et aux souffrances inimaginables qu’il a pu occasionner.

Résister à la tragédie avec le sourire et l’autodérision

Le film aurait pu se limiter à un simple témoignage sur les malheurs d’Olfa et ses filles. Mais, fort heureusement, une telle erreur a pu être évitée par la réalisatrice qui a su tirer profit du caractère agréable de ces dernières et faire de son film un document, certes grave, touchant et perturbant, mais en même temps drôle et optimiste.

Grâce donc à ces personnages fort sympathiques et capables de passer, en un clin d’œil, de la tristesse à la joie et des chaudes larmes aux éclats de rire, certaines scènes du film constituent pour le spectateur un véritable bol d’air. Elles lui permettent surtout de reprendre son souffle face aux événements bouleversants du film et de garder suffisamment de lucidité pour pouvoir décoder ce saisissant contraste entre la tragédie de cette famille et la grande joie de vivre qui continue, néanmoins, à animer ses membres.

En effet, malgré leurs malheurs, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, Olfa et ses filles arrivent curieusement à prendre suffisamment de recul et de distance avec ce côté sombre de leur vie, et à raconter en toute simplicité des détails atroces de leur histoire, tout en gardant le sourire, la bonne humeur et beaucoup d’humour. Utilisant souvent des anecdotes et même de l’autodérision, elles font ainsi preuve d’une grande capacité à bien gérer leurs émotions et surtout d’une étonnante faculté de résilience. Par cette attitude à la fois admirable et déconcertante, elles semblent indiquer aussi que c’est, en quelque sorte, leur façon de résister aux différentes souffrances qu’elles subissent, sans jamais se laisser abattre.

Une construction filmique hybride et intrigante :

Avec ce dernier opus, Kaouther Ben Hania montre qu’elle n’a pas fini de nous surprendre par la facilité qu’elle a à repousser les frontières et à s’affranchir de certaines règles «classiques» de l’écriture cinématographique, tout en adoptant une démarche rigoureuse, loin de toute forme de fantaisie, d’approximation ou d’improvisation. Au contraire, tout ce qu’elle fait semble être le fruit d’un long travail réfléchi, bien élaboré et minutieux, mais en même temps et avant tout conforme à sa propre vision des choses. C’est d’ailleurs ce qui ressort de ce cinquième long-métrage qu’elle nous propose, qui est à la fois profond, captivant, drôle et émouvant, tout en étant un exercice de style assez particulier, appuyé sur une construction pour le moins inhabituelle, hybride et intrigante. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’il n’a pas été fait d’un seul coup et à la légère. Près de cinq ans (de 2016 à 2021) ont été nécessaires à la conception, préparation et «fabrication» de ce film, qu’on a du mal aujourd’hui à qualifier : s’agit-il d’un faux-documentaire, d’une fiction ancrée dans la réalité ou tout simplement d’un «docu-fiction», comme on a généralement tendance à le présenter ? À vrai dire, tout cela n’a aucune réelle importance et devient, en fin de compte, complétement secondaire. Car peu importe l’appellation technique qu’on choisit, à partir du moment où le cinéaste peut transmettre à son public un message clair et accessible à tous.

Les limites du documentaire

Voulant donner du sens à son film et servir avec efficacité la cause d’Olfa Hamrouni et ses filles, KBH (qui aime bien se présenter, paraît-il, comme une «docu-menteuse» !) s’est très vite rendu compte, cette fois-ci, des limites du documentaire. Elle a surtout compris que ce genre de film peut juste lui permettre de reproduire la vie actuelle d’Olfa et ses deux filles cadettes. Par contre, la fiction lui offre la possibilité de reconstituer, à partir de leurs souvenirs, cette partie passée de leur vie où elles étaient encore toutes unies sous le même toit (avant le départ des deux grandes sœurs). Or, son but, ici, était justement de remonter dans le temps pour essayer d’éclairer le présent en interrogeant ce passé. Elle espérait ainsi reproduire les conditions de vie particulièrement difficiles de cette famille, mais aussi faire apparaître ses propres contradictions internes, pour éventuellement parvenir à mettre le doigt sur les raisons qui auraient été à l’origine de l’évolution tragique qu’elle a connue.

C’est donc essentiellement pour rendre cet objectif réalisable que KBH a dû envisager et mettre en place cette construction rocambolesque, où elle tente, pour les besoins du film, une recomposition fictive de cette famille. Pour cela, elle met face aux personnages réels qui n’ont rien à voir avec le cinéma (Olfa et ses deux filles cadettes) trois actrices professionnelles. Deux d’entre elles (Nour Karoui et Ichraq Matar) devant incarner les rôles des disparues Ghofrane et Rahma, alors que la troisième (Hend Sabri) est censée intervenir en lieu et place d’Olfa dans des scènes et circonstances jugées difficiles sur le plan émotionnel et que celle-ci n’aurait, peut-être, pu exécuter elle-même. Enfin, un seul acteur (Majd Mastoura) est engagé pour jouer les rôles de tous les hommes qui ont traversé la vie de ces femmes.

Un exercice de style un peu déroutant

Ce qui est sûr, toutefois, c’est qu’en regardant ce film, on se sent un petit peu mené en bateau par la réalisatrice. Elle nous met face à un exercice de style cinématographique un peu déroutant, en associant des techniques généralement réputées distinctes, à savoir celles du documentaire et de la fiction. On se demande alors où est-ce qu’elle situe la frontière entre les deux et on s’aperçoit, au bout du compte, que cette ligne de démarcation est en réalité (du moins pour elle) insignifiante, voire totalement illusoire. Ces frontières (qu’elle essaye de brouiller) ne seraient pour elle que de simples règles conventionnelles, certes communément admises et respectées, mais qu’elle ne s’interdit pas de bousculer pour mieux les adapter aux besoins de son film et de sa propre écriture cinématographique.

Au final on se retrouve donc avec une combinaison plutôt inédite, entre une part de documentaire, marquant le présent, et une autre de fiction, ressuscitant le passé. Le tout étant alors présenté dans un style narratif non-linéaire. Le film avance ainsi au rythme d’une succession de « va-et-vient » entre «passé» et «présent» : des scènes du présent, portant sur la vie quotidienne d’Olfa et ses deux filles cadettes (partie documentaire), renvoient à travers les souvenirs de ces dernières et grâce à une suite de flash-backs à la période passée où les deux filles aînées étaient encore là (partie fiction).

Une méthode didactique audacieuse

À cette construction plutôt atypique, s’ajoutent souvent des scènes conçues comme des phases de « making-of » du film, où la caméra nous conduit étonnamment dans les coulisses du tournage. On découvre alors des exercices de répétition et de préparation de toute l’équipe du film, avec notamment des échanges singuliers, passionnants et souvent émouvants entre les acteurs professionnels et les personnages réels, sur la meilleure façon à suivre pour reconstituer avec fidélité les différentes péripéties du passé de cette famille.

Pour bien assimiler les différents niveaux de lecture du film et s’imprégner de son ambiance générale, le public est de cette façon constamment invité à abandonner sa zone de confort, pour s’impliquer dans la démarche concoctée par la réalisatrice, découvrir l’envers du décor et se poser des questions sur tout ce qui peut l’interpeller. KBH semble ainsi vouloir engager un débat avec son public et l’inciter à prendre une «position active», en s’intéressant non seulement à l’histoire du film, mais aussi au travail du cinéaste et à réfléchir avec lui aussi bien sur le fond que sur la forme.

Tout cela peut, bien sûr, être déconcertant pour certains et, comme disait une spectatrice (tout de suite approuvée par KBH) lors d’un débat suivant le film : «Il y a dans ce style un petit côté qui rappelle le théâtre de Bertolt Brecht et sa méthode didactique dite de «distanciation».

On pourrait ajouter, qu’avec cette méthode audacieuse, la réalisatrice donne à son film une dimension artistique expérimentale plutôt rare et procède en même temps à une forme de démystification (ou de vulgarisation) de certains côtés techniques du cinéma. Ce qui ne peut logiquement que favoriser une meilleure appréciation du 7ème Art et le rapprocher de son public.

Des personnages réels, d’un naturel impressionnant

Embarquées par la réalisatrice dans une aventure cinématographique inédite et inhabituelle pour elles et un milieu artistique qui n’est pas le leur, les trois personnages réels du film (Olfa et ses deux filles cadettes), sont en fait trois femmes tunisiennes simples et ordinaires, qu’on va vite trouver surprenantes et attachantes. Appartenant à un milieu social populaire et jouant (ou plutôt reprenant) leurs propres rôles dans la vie courante, elles s’en sortent, à notre avis, avec brio grâce essentiellement à leur côté sincère, naturel et simple, mais aussi à leur générosité et à leur force de caractère. Déchirées entre un présent douloureux et un passé aux conséquences lourdes et difficiles à supporter, mais aussi plein de souvenirs heureux, elles donnent au film par leur spontanéité, leur combativité et leur vivacité, un aspect attractif, instructif et très émouvant.

Olfa : femme de ménage tunisienne, elle est une mère célibataire élevant seule ses quatre filles. Les deux aînées (Ghofrane et Rahma) ont mystérieusement disparu, «dévorées par le loup», dit-elle. Personnage principal du film, Olfa est assez intrigante et pleine de contradictions : à la fois joviale, dynamique et forte de caractère, elle est aussi une véritable grande gueule capable de devenir complètement vulgaire, s’il le faut. Se présentant souvent comme un «garçon manqué», elle se dit toujours prête à se défendre et à défendre les siens, notamment ses filles. Très proche de ces dernières, elle est si protectrice et possessive vis-à-vis d’elles, qu’elle peut parfois sombrer dans des colères excessives pouvant atteindre l’exercice de la violence physique. Tout en étant consciente d’avoir elle-même souffert pendant son enfance d’une éducation trop autoritaire et basée sur une mentalité patriarcale rétrograde, elle n’hésite pas pour autant («par amour et pour les protéger», selon ses dires) à reproduire sur ses propres filles les mêmes atrocités qu’elle avait elle-même subies. Pour elle, il s’agit là tout simplement d’un devoir de transmission de mère en filles de certaines règles et valeurs familiales et sociétales communes, importantes et indiscutables. Fort heureusement, sa relation avec ses filles ne se limite pas au seul côté coléreux, puisqu’elles sont capables aussi d’avoir une grande complicité et de grands moments de rigolades et de solidarité.

Eya et Tayssir (les deux filles cadettes d’Olfa) : comme la plupart des adolescent(e)s, mais avec leurs spécificités personnelles respectives, elles ont beaucoup de rêves, mais souffrent aussi de tant de frustrations, d’interdits et de manque de moyens. Traumatisées par la disparition de leurs sœurs, elles refusent toutefois de suivre le même chemin qu’elles. Mais le regard qu’elles semblent porter sur les causes de ce départ laisse apparaître d’abord une critique de la méthode éducative qui leur a été imposée par leur mère, en même temps qu’un rejet catégorique du choix «suicidaire» fait par leurs sœurs. En fait, on sent qu’elles n’ont plus peur de rien et qu’elles sont prêtes à faire leur propre révolution, même si cela n’est pas du goût de leur mère (qui ne s’est pourtant pas gênée de faire la sienne).

Une performance remarquable des acteurs professionnels

Les acteurs professionnels engagés par KBH devaient non seulement incarner les rôles qui leur sont attribués, mais aussi faire face à des protagonistes qui n’ont rien à voir avec le cinéma et qui ne se gênaient pas pour leur faire des remarques (pouvant être désobligeantes) sur leur façon de jouer.

Autant dire qu’au-delà du fait d’être inhabituel, l’exercice est totalement imprévisible, peut parfois devenir déstabilisant, voire même un peu humiliant : c’est, d’ailleurs, ce qui est arrivé à l’actrice mondialement connue et appréciée, Hend Sabri, dont l’action a été, à maintes reprises, interrompue et critiquée par Olfa qui n’hésitait pas à lui indiquer ce qui (selon elle) n’allait pas dans son jeu et ne correspondait pas à ce qu’elle aurait elle-même fait en réalité. Autrement dit, dans ce genre de situation, il vaut mieux être armé(e) de patience, de sang-froid et surtout d’une bonne expérience pour accepter d’être traitée de la sorte. Censée être dirigée par la réalisatrice et non par Olfa, Hend Sabri s’en est, tout de même, très bien tirée grâce à son professionnalisme et à sa grande lucidité.

Un seul acteur pour plusieurs rôles masculins !

Il n’y a aucun doute (et on ne peut que s’en réjouir) «Les Filles d’Olfa» constitue un excellent plaidoyer pour la défense de la cause des femmes dans une société où les mentalités restent, malheureusement, assez conservatrices et parfois même oppressives vis-à-vis d’elles.

Par contre ce qui interpelle dans le film (et on ne peut s’empêcher de le regretter) c’est cette impression de « mépris !?» (bizarre et inutile) de la gent masculine dans sa totalité, puisque tous les hommes qui ont compté dans la vie d’Olfa et ses filles ont été incarnés par un seul et unique acteur, Majd Mastoura. Il y a là quelque chose qui, inévitablement, attire l’attention. Car, si la performance de cet acteur sur le plan technique est tout à fait remarquable, elle ne peut toutefois empêcher le spectateur de se poser des questions sur les raisons qui auraient été à l’origine d’un tel choix.

Or, quand un journaliste de l’hebdomadaire d’information «Courrier international» du 5 juillet 2023 a demandé à KBH «Pourquoi avoir choisi un seul acteur, pour jouer tous les hommes … ?», elle lui a répondu : «Je voulais focaliser l’histoire sur Olfa et ses filles. Et j’avais l’impression que les hommes dans leurs vies avaient une nature interchangeable. J’ai donc opté pour ce choix qui simplifiait les choses».

Une explication qui, de notre point de vue, semble étonnante et/ou un peu hâtive, surtout que la réalisatrice nous a habitués à mieux. Car ce qui est navrant dans tout ça, c’est que le fait de tomber dans ce type de généralisation laisserait entendre que tous les hommes sont pareils. Ce qui est, bien entendu, complétement erroné et pour le moins tout à fait surprenant. Mais, peut-être qu’on a mal compris (ou interprété) la pensée de la réalisatrice. Auquel cas il serait intéressant qu’elle s’en explique de façon plus précise, pour nous rassurer et lever toute équivoque.

En conclusion :

Assez singulier dans son style d’écriture cinématographique et incitant à la réflexion sur la forme, le film «Les Filles d’Olfa», s’attaque à un drame familial dans lequel beaucoup de Tunisiens peuvent se reconnaître. Il aurait pu d’ailleurs s’intituler «Les Enfants de la Tunisie», tellement le drame d’Olfa est à l’image de celui de toute la société tunisienne, qui a aussi vu beaucoup de ses enfants se faire «dévorer par le loup», durant la période où elle était dominée par l’islam politique et dont les conséquences sont loin d’être terminées.

Sans être un film purement politique et encore moins militant, ce long-métrage est tout de même un cri d’alarme dans une société qui traverse une période très difficile de son histoire, sans pour autant se poser de questions sur sa véritable part de responsabilité dans ce qui lui arrive.

Or, en se servant d’un simple fait divers, la réalisatrice semble justement encourager les gens à aller dans ce sens et à se poser des questions, par exemple sur les raisons qui ont poussé, pendant de longues années, des milliers de jeunes Tunisiens (dont certains paraissaient pourtant bien épanouis) à se jeter dans la gueule du loup, en s’engageant avec une organisation terroriste comme Daech.

En même temps et à travers l’histoire et le personnage controversé d’Olfa, elle les pousse à prendre conscience des effets néfastes de cette mentalité patriarcale qui domine notre société, mais aussi de la responsabilité qu’assument les parents qui, au nom d’un devoir de protection de leurs enfants, n’hésitent pas à perpétuer des valeurs sociétales rétrogrades et à leur imposer une éducation non seulement autoritaire, mais pouvant être répressive, voire privative de liberté (notamment pour les filles) et qui est surtout en déphasage total avec l’évolution du monde et des esprits.

Mouldi FEHRI

Paris, le : 29.07.2023


Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire