REBELOTE, DE KAÏS CHEKIR, ACTUELLEMENT DANS LES SALLES : RIRE DE SOI AVEC ET DEVANT LES AUTRES !

Par Salem TRABELSI – La Presse de Tunisie – Publié le 28/02/2020

Le film «Rebelote», actuellement sur nos écrans, est une œuvre audiovisuelle de comédie qui jouit d’un grand succès auprès du public. Une comédie thérapeutique et, pour la première fois, de science-fiction.

Voici une comédie au cinéma… et qui marche ! Une comédie telle que le Tunisien l’imagine sans trop de fioritures ni d’intentions auteuristes lourdement affichées. Une comédie qui a ramené un nouveau public dans les salles de cinéma et qui a même encouragé certaines familles à y aller, des familles qui sont plutôt habituées à se réunir autour du petit écran et qui évitent le cinéma pour une question de pudeur…

Ce film leur a, en quelque sorte, apporté le Ramadan sur grand écran. Sur un autre plan, cela fait longtemps aussi que certains distributeurs ont pensé à une œuvre «qui fait rire et qui remplit les salles», mais les comédies qui se sont succédé jusque-là péchaient par quelques défauts de recettes…. «Rebelote» semble combler ce vœu dans ce sens, mais on ne connaîtra jamais de chiffres malheureusement, vu l’absence de billetterie unique en Tunisie.

Voici l’histoire de trois Tunisiens que rien ne relie dans la vie quotidienne, à part le fait qu’ils sont accros à la drague via Facebook. Nous sommes en l’an 2019. Un jour, ils tombent dans le piège d’une femme qui leur donne rendez-vous dans un endroit retiré et les braque avec l’aide d’un gang. Et c’est là qu’un phénomène surnaturel se produit et nos trois personnages se retrouvent, sans le savoir, projetés dans le passé… Soit en 2009, avant la révolution et sous le régime de Ben Ali.

Avec le caractère très télévisuel du générique et le très flagrant placement de produit de la séquence initiale avec le plat de spaghettis, nous avons tout de suite appréhendé le caractère «ramadanesque» de l’objet et nous avions peur de tomber dans une série de sketches et de blagues déjà connus. Mais voici qu’on se trouve entraînés dans une histoire qui se tient, écrite dans les règles de la comédie avec ses ressorts comiques, ses gags et ses saillies qui sont «filles» des situations décrites. Il faut dire aussi que le casting était réussi pour porter ce genre de comédie et le personnage de Jaâfar Gasmi aurait même sauvé la mise. Un sujet où les auteurs se sont donnés à cœur joie pour décrire une personnalité tunisienne noyée dans l’hypocrisie et qui peut naviguer sur tous les vents. Comment se comporte le Tunisien avec la religion ? La politique ? Les femmes ?

Tout en sachant que tout l’enjeu de la situation était, au début du film, une histoire de séduction sur Facebook. S’en donner à cœur joie, c’est aussi évoquer des sujets que la télévision n’aurait pas évoqués, ce qui justifie aussi le passage de «Rebelote» dans les salles au cinéma….

Même si le public doit distinguer qu’une œuvre qui passe dans les salles n’est pas forcément une œuvre cinématographique avec son langage et ses esthétiques particulières, le mérite de cette comédie est qu’elle a osé introduire la science-fiction de manière sobre et souple dans son récit. Elle nous permet de rire de soi, avec les autres et devant les autres, en nous offrant une «réception collective» hors du cadre familial. Elle se dote d’un caractère documentaire, puisqu’elle cite des noms comme celui de Hamma Hammami, Ennahdha, Nidaa Tounes, Kais Saïed… et qu’elle nomme et donne même à voir Ben Ali (sous forme d’un excellent sosie).

Des expériences thérapeutiques de ce genre, on en a besoin puisqu’elles sont capables de nous sauver des psychoses collectives et des fantasmes sadiques. Encore un film qui confirme l’engouement du Tunisien pour le film de ce genre.

Source : https://lapresse.tn/


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