AU CINÉMAFRICART À TUNIS, EN AVANT-PREMIÈRE
Par Noura BORSALI – cinematunisien.com – 17-10-2010
Le film documentaire de Olfa Chakroun est un film sur la mémoire, sur l’histoire de notre «temps présent» rendu possible par la «vivance» d’un témoin de faits choisis par Dionigi Albera, anthropologue au CNRS où il travaille actuellement sur «les héritages, les mémoires et les représentations du passé en Méditerranée», réalisé par la Tunisienne Olfa Chakroun, comédienne et enseignante de cinéma à l’ISAMM à Tunis, qui partage avec Albera les mêmes centres d’intérêt et produit par L’Agence du film dirigé par Fethi Doghri. Le film, d’une durée de 26 minutes (et projeté le dimanche 17 octobre 2010 à Tunis) est donc le fruit de leur rencontre autour de cette problématique de la mémoire. Le témoin est Angela, Tunisienne d’origine sicilienne, naturalisée française et née en 1936 à La Goulette (banlieue nord de Tunis) où elle a toujours vécu. Faut-il rappeler que les Italiens de Tunisie étaient près de 25 000 en 1870 et 89 216 en 1926, parmi lesquels une partie résidait à La Goulette et que, par ailleurs, la ville est un lieu d’estivage pour les familles modestes de la capitale qui arrivaient, à l’époque, par le petit train à vapeur de la compagnie italienne Rubattino.
Le film est un témoignage sur ce que fut, à La Goulette, la Petite Sicile ou le Bartal, propriété du Baron d’Erlanger avant de devenir, à partir de 1972, celle de l’État. Aujourd’hui et depuis 2009, le quartier a été démoli pour laisser la place à de nouvelles résidences qui seront vendues au prix fort. Désormais, de la Petite Sicile ne subsistent que les tristes souvenirs d’Angela et de tant d’autres, déplacés de force vers d’autres lieux sans histoire, sans mémoire…Le présent a eu – hélas – raison du passé…
La beauté du film réside dans le travail sur l’image et dans le choix de la musique. Olfa Chakroun et son équipe ont utilisé des ressources cinématographiques qui ont conféré au film une esthétique qui touche, qui émeut… Le jeu sur les sonorités, sur l’image (cadrage et différentes sortes de plans), sur la musique, sur l’ombre et la lumière sont autant d’outils d’expression cinématographique qui se sont substitués, par moments, à la parole… Un film-poème, plein d’émotions et de sensibilité. C’est en cela qu’il est touchant. La poésie des moyens cinématographiques l’a emporté sur la simple parole. Le témoignage sur la destruction de la mémoire n’est pas porté simplement par le récit d’Angela, mais surtout par le mouvement de la caméra, le son, la musique et par leur force à capter l’essentiel… C’est en cela que le cinéma devient lui-même témoignage et aussi et surtout… poésie. Même si on peut reprocher au film d’avoir été un peu réducteur dans son regard porté sur les différentes communautés (musulmane, juive, italienne etc..) qui ont peuplé ces lieux dans le passé et qui y ont vécu en symbiose, réalisant ainsi une sorte de cosmopolitisme tant regretté aujourd’hui… et de nous avoir laissés un peu sur notre faim…C’est dire tout l’intérêt que nous, spectateurs, avons porté au film qui n’a pas manqué de nous éblouir…
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