«Le Fifej, un brassage de culture»
Propos recueillis par Samira Dami – La Presse
Le Fifej de Sousse était normalement prévu en mars 2008, pourquoi ce report?
- C’est, on le sait, en raison du problème du parc des salles à Sousse qui a pratiquement disparu, d’autant que le Théâtre municipal de la ville était en rénovation.
Nous avons jugé qu’il était anormal qu’un festival de l’envergure du Fifej ne dispose pas de salles de cinéma de qualité. C’est pourquoi, nous avons préféré attendre la réouverture du Théâtre municipal et je crois que nous ne nous sommes pas trompés, puisqu’aujourd’hui, cet espace est un vrai joyau, et à tous les niveaux aussi bien technique qu’artistique. Ainsi, désormais, le Fifej disposons de cinq salles dont trois à Sousse (Le Palace rénové, le Théâtre municipal et le Centre culture de la ville de Sousse), outre deux espaces culturels à Kalaâ Essghira et à Akouda.
Donc, dans la ville de Sousse même il y a toujours un problème de salles ?
- Oui. Puisque le gouvernorat de Sousse ne comporte plus qu’une seule salle de cinéma, «Le Palace», en l’occurrence. En fait, un festival tel que le Fifej est révélateur de ce genre de problème qui n’est pas, cela dit, spécifique à Sousse. Car, il y a aujourd’hui un vrai problème de la conception de la salle de cinéma par le public. Et cela a été vérifié de par le monde : on ne va plus voir un film, mais on appréhende le cinéma comme une sortie et c’est là la définition même des multiplexes qui se sont développés un peu partout dans le monde supplantant, ainsi, petit à petit, les salles uniques. C’est le règne, aujourd’hui, des multiplexes qui offrent une moyenne d’une dizaine d’écrans harmonieusement intégrés à des complexes commerciaux de proximité entre cafés, librairies, médiathèques, fast-food, etc. Nous sommes malgré tout très optimistes car nous pensons que, très bientôt, dans les prochaines années, en tout cas, émergeront dans nos cités et banlieues plusieurs multiplexes opérationnels.
Rappelez-nous maintenant le concept et les objectifs du Fifej.
- Notre festival se distingue par son concept original et spécifique. C’est d’abord une manifestation destinée à l’enfance et à la jeunesse, ce qui est assez rare de par le monde. C’est ensuite un festival qui inclut deux volets : le premier est essentiellement cinématographique, à l’instar de la quasi totalité des festivals du monde : projections de films, sections diverses, hommages, etc.
Le deuxième volet, qui incarne l’originalité de notre festival, n’est autre que la rencontre internationale des jeunes, 350 en tout, de Tunisie et du reste du monde. Ces jeunes participeront, outre à une quarantaine d’ateliers où il s’initieront aux diverses techniques du cinéma, à un forum international où sont favorisés rencontres et échanges culturels. C’est sur ce brassage absolument magnifique entre des jeunes de cultures diverses permettant une meilleure compréhension interculturelle que nous parions. En parallèle à la rencontre internationale des jeunes, se tiendra la rencontre des jeunes de Sousse où une centaine d’élèves de l’enseignement de base et de lycéens s’activeront dans huit ateliers de cinéma.
Vous avez vu la majorité des films, quels sont les tendances thématiques qui se dégagent de la sélection de cette 8e session?
- D’une manière générale, nous avons constaté qu’une très bonne partie des films du programme ont des caractéristiques communes : d’abord, une certaine inquiétude de plus en plus visible tant au plan social que culturel; ensuite, une certaine violence qui s’est quelque peu installée dans les esprits, probablement induite par un environnement mondial généralement violent, lors de ces dernières années. Enfin, un besoin manifeste de parler de la famille et parfois même de l’absence de famille.
Très peu de films sont optimistes et la majorité reflète à la fois noirceur et pessimisme. Au-delà des tendances thématiques, sachez que la tendance au niveau de l’organisation du Fifej est vers le rajeunissement : le comité d’organisation du festival est de plus en plus jeune, les réalisateurs sont également de plus en plus jeunes. Enfin, la section «Films de jeunes talents» du monde entier est de plus en plus fournie et importante. Et c’est là, à notre avis, un signe de bonne santé aussi bien ici qu’ailleurs.
Quelles sont les nouveautés de cette session?
- La nouveauté la plus importante, c’est que le festival existe encore, parce que je pense qu’il est de plus en plus ardu d’organiser des festivals à vocation internationale dans les régions pour des raisons essentiellement de financement et d’infrastructure.
Je rêve du jour où le Fifej sera appréhendé et considéré comme le pendant des JCC.
L’autre nouveauté, si je puis dire, c’est que la 8e session sera la dernière que je préside et organise.
Peut-on savoir les raisons et qui prendra la relève ?
- Cela fait 18 ans que je préside et organise ce festival et j’ai peur de ne plus avoir l’énergie pour pouvoir innover, surtout qu’il s’agit d’un festival destiné aux enfants et aux jeunes et où il est nécessaire d’innover. Enfin, 18 ans d’engagement dans cette action culturelle ça use. L’avantage d’un festival comme le Fifej, c’est que le comité directeur et d’organisation est uni et fonctionne sur la durée. Depuis la création du festival ce comité n’a été renouvelé qu’à 50%. C’est dire qu’il existe une vraie stabilité au Fifej et qu’il n’y aura pas donc de vacance au niveau de la responsabilité et que la relève est assurée.
Parlez-nous des hommages. Comment justifiez-vous vos choix?
- Evidemment, il est normal que nous rendions hommage à notre ami producteur disparu Ahmed Bahaeddine Attia, qui était l’un des plus grands supporters du Fifej depuis sa création, outre qu’il est originaire de la ville de Sousse, qu’il est un grand producteur et un grand ami. Je crois que nous avons été le seul festival tunisien à lui rendre hommage de son vivant. C’était en 1996. Et il est d’autant plus normal que nous lui rendions un hommage posthume.
Quant à l’hommage au cinéma syrien, il se justifie par le foisonnement assez incroyable que connaît le jeune cinéma de ce pays. Il s’agit d’une lame de fond qui est en train d’affleurer à la surface. Car je constate que l’effervescence que connaît la production télévisuelle en Syrie est en passe d’avoir lieu dans le cinéma. Il est normal, par ailleurs, que l’on rende hommage au cinéma basque d’Espagne, tant il se distingue par une inventivité et une personnalité marquée dans le cinéma européen.
Concernant l’hommage au festival du court métrage de Clermont-Ferrand, nous lui avons donné une sorte de carte blanche afin qu’il choisisse les meilleurs films. D’autant que ce festival est devenu une manifestation incontournable et une sorte de rampe de lancement mondiale du court métrage de qualité, et c’est à ce titre-là que nous honorons ce festival.
Enfin, l’hommage au court métrage tunisien se justifie pleinement tant nous avons constaté une effervescence inégalée au cours de ces dernières années, dans la production et la réalisation de courts métrages par les jeunes qu’ils soient issus des écoles de cinéma amateur, indépendant ou professionnel. Ils se sont tous lancés dans la création, chacun selon ses moyens, et cela a généré une pépinière de talents qui fait vraiment plaisir.
Par quels films se feront l’ouverture et la clôture du Fifej ?
- Les anges de Satan de Ahmed Boulan, une production franco-tunisienne sera projetée en ouverture. Ce film sortira dans trois salles à Tunis, à partir du 25 mars.
En clôture, le public du Fifej découvrira tous les films produits dans le cadre des ateliers du festival : 15 courts métrages sont prévus.
A combien s’élève le budget du festival ?
- Le budget du Fifej s’élève à 250.000 dinars. Il a été en grande partie subventionné par le ministère de la Culture et de la sauvegarde du patrimoine, outre les ministères de la Jeunesse, des Sports, de l’Education physique, du Tourisme, ainsi que la municipalité de Sousse.
Toutes ces contributions totalisent 50% du budget. Le reste a été pourvoyé par les sponsors. Je tiens à remercier tous nos partenaires, particulièrement la télévision tunisienne.
Combien de prix le Fifej décerne-t-il?
- Nous ne décernons que des Hadrumètes d’or, soit huit en tout pour chaque section en compétition cinéma et vidéo, outre un prix pour «Les films de jeunes talents» et un prix du public décidé au vote, par les enfants et les jeunes.
Propos recueillis par Samira Dami
Source : La Presse
Ajouté le : 2009-03-21 18:17:50
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