JCC 2022 : LES DÉPLACÉS DE LA VIOLENCE DJIHADISTE DANS «LE SERMON DES PROPHÈTES», DU BURKINABÉ SEYDOU BOUNDAONE (INTERVIEW)

TUNIS, 2 nov. 2022 (TAP, par Fatma Chroudi) – «Le Sermon des Prophètes» du Burkinabé Seydou Boundaone, est dans la course au Tanit d’Or des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), dans la compétition des longs-métrages de fiction.

L’agence TAP a interviewé trois membres du film, dont le réalisateur et scénariste Seydou Boundaone, l’actrice Isabelle Zombré et l’acteur Nombre Tako Abdoulaye, qui participent pour la première fois aux JCC. Ils étaient présents, mardi, à la projection presse de leur film ayant fait son avant-première mondiale à Tunis.

Seydou Boundaone vient d’un pays qui abrite le plus grand festival du cinéma africain, le Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco) organisé au printemps, dans la capitale Ouagadougou.

Le Burkina Faso a connu plusieurs générations de cinéastes, dont Idrissa Ouédraogo, disparu en 2018, l’une des figures emblématiques du cinéma africain engagé et connu pour sa parfaite maîtrise des outils cinématographiques (réalisation, tournage, son et scénario).

Après un premier court-métrage en 2014, «La Colère des enfants soldats» (sélection officielle du Fespaco 2015), il a choisi de s’attaquer à un sujet d’actualité dans son pays frappé depuis près de 6 ans par les attaques terroristes.

Dans ce premier long-métrage (85′), produit en 2022 par Les Studios du Bosquet, le jeune réalisateur qui est également au montage de plusieurs projets, présente un film dramatique de guerre, en sous-titrage anglais et français, qui «traite du sujet du terrorisme, l’enroulement et la radicalisation des jeunes par les groupes terroristes».

Ce choix de faire un film sur le terrorisme s’explique par une conjoncture générale dans le pays. «Le cinéma burkinabé traite de tous les sujets, mais avec l’avènement de ce mal, l’orientation s’est surtout tournée vers des films sur le sujet du terrorisme», explique le réalisateur, citant des tournages en cours sur cette même question d’actualité qui les empêche de travailler normalement».

Le film est financé par le Fonds de développement culturel et touristique (FDCT) pilotant un projet avec et de l’Union Européenne (UE) qui est le Programme d’appui aux industries créatives et à la gouvernance de la culture (PAIC-GC).

L’idée était de faire le tournage sur une période d’un mois, mais qui a finalement pris trois mois à cause de difficultés rencontrées sur le terrain de la part des populations locales dans les villages où le réalisateur devait tourner.

©facebook.com

Seydou Boundaone a révélé que les autorités locales et les populations «étaient tous motivés car c’était aussi une manière de contribuer à lutter contre ce phénomène (le terrorisme)». Une fois le tournage commencé, surtout dans les scènes montrant des acteurs en costume de djihadistes et des drapeaux noirs, les populations locales «se désistent et refusent le tournage dans leur village».

C’était la principale contrainte au tournage, ce qui a obligé à chaque fois l’équipe du film à changer de lieu, et par conséquent de décors et tout ce qui suit le processus du tournage. Celui-ci a donc connu des interruptions et a duré «de septembre 2021 à janvier 2022».

Isabelle Zombré joue le rôle d’une veuve déplacée ayant perdu son mari dans une attaque terroriste sur leur village. Elle est la maman de Zakaria, interprété par Nombre Tako Abdoulaye, qui est le seul rescapé de sa famille.

Faisant aussi bien du théâtre que du cinéma, l’actrice explique qu’elle a accepté de jouer ce rôle en rentrant dans la peau de ces femmes déplacées comme celui de son personnage, en vue de montrer aux gens le calvaire de ses compatriotes en proie à la violence et aux atrocités commises par des mercenaires au nom de la religion. Il s’agit en fait d’une invitation, à travers le cinéma, à voir ce qui se passe au Burkina Faso pris au piège des groupes armés de djihadistes.

Nombre Tako Abdoulaye regrette la situation dans son pays, où les gens «sont confrontés au terrorisme et à la violence qu’on nous a fait subir». Pour ce jeune acteur de cinéma burkinabé, faire partie du casting est «une petite contribution qui a pour but d’éradiquer le mal et de dénoncer tout ce qui se passe dans le pays».

Les vagues de déplacés internes entamées en 2016 a engendré une situation critique pour des gens qui n’arrivent plus à manger à leur faim, d’autres n’ont plus de logement». Il évoque un film qui touche à une situation assez grave et sensible partout au Burkina Faso et précisément au centre du pays, tout en espérant avoir «gain de cause en dénonçant le mal».

Le jeune homme déplore la gravité de la situation dans son pays car le terrorisme est devenu le quotidien du Burkina Faso, tout en appelant à la solidarité générale dans le continent car «nous sommes tous des Africains».

Tako Nombret incarne le rôle de Zakaria «un jeune adolescent d’une quinzaine d’année qui n’a pas eu la vie vraiment facile». Son personnage est un déplacé de guerre qui est parti, avec sa mère, s’installer en ville dans l’espoir de reconstruire une nouvelle vie. Par malchance, il se retrouve chez le chef suprême des terroristes, et sa vie va réellement basculer.

Radicalisé, il en arrive au point de tourner le dos à sa vie passée : sa mère, sa passion pour le football et ses amis. Avec le temps, il découvre que son tuteur, qui l’héberge dans sa maison, n’est autre que le chef des terroristes qui est derrière toutes les atrocités commises, dont l’assassinat de son père et ses frères.

Après avoir senti la menace que constitue le jeune Zakaria, le Cheikh décide assez rapidement de se débarrasser de lui. Il est mort, poignardé par deux mercenaires payés par le chef des groupes armées dans un complot orchestré par le cheikh.

Personne ne saura rien sur l’identité de ses agresseurs et les djihadistes continuent de semer leur terreur dans le pays en toute impunité, peut-on lire dans le texte qui défile à la fin de cette fiction.

Faty

Source : https://www.tap.info.tn/


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