CES ÉMISSIONS DE DIVERTISSEMENT SONT-ELLES APOLITIQUES ?

Par Henda HAOUALA – tunisienumerique.com – 26 janvier 2021

Les chaines télévisuelles tunisiennes demeurent un grand point d’interrogation quant au rôle qu’elles jouent dans la décadence de la société civile. Aujourd’hui le rapport tripartite médias, politique et société est au cœur de la crise que nous connaissons.

Le téléspectateur considère simplement ces médias, principalement la télévision, comme étant un filtre de «la réalité», puisque toutes nos chaines télé se targuent d’être le miroir, et donc une image fidèle de la société. Or, tout média est un «objet économique et politique» Qu’il s’agisse d’émissions politiques diffusées en access prime-time, ou celles de divertissement en prime-time» où l’audience est la plus importante, l’enjeu télévisuel est devenu très alarmant parce que ces «filtres» constituent désormais une forme de sphère interactive entre ce qui se donne à voir et la face cachée d’un prisme plus complexe où les enjeux sont de mise.

Les émissions dites de «divertissement», Dieu merci on ne se divertit pas tous de la même manière, sont toutes, sans exception, des produits audiovisuels qui se basent sur le sensationnel et l’ignorance avec tout ce que ce terme englobe et signifie. La pérennité de ces émissions est étroitement liée à la publicité qui, elle, s’alimente de l’audience.

Pour remonter l’audience la recette est simple, elle se fait en trois étapes : créer un clash pendant l’émission entre deux personnes présentes, ce clash crée le buzz sur les réseaux sociaux, rappelons que le buzz n’a rien à voir avec le journalisme et que étymologiquement le terme buzz veut dire rumeur, donc inventée pour se propager rapidement. Enfin, le buzz relance le débat à la télé la semaine qui suit et rebelote. La place est à l’humiliation, l’étalage de la vie privée, les propos dégradants, les règlements de comptes. Plus le buzz est important, plus le taux d’audience monte, ce qui attire davantage les annonceurs et cela fait plus de recettes pour la chaine télé.

D’un autre côté, les personnes qui créent le buzz gagnent en notoriété «digitale» : Facebook et Instagram ; dès lors la machine de l’identification s’installe. À travers une image fausse et erronée, ces personnes demeurent la référence ultime pour une communauté en quête d’identification. Cette même quête d’identification agit et fragilise le système cognitif et civique de cette même communauté, convaincue que ce même produit audiovisuel «divertissant» est fidèle à ses attentes, à ses valeurs.

De ce fait, ces émissions et la masse de population (la communauté) deviennent une seule entité : le peuple. Vous avez donc une émission divertissante qui se proclame du peuple et pour le peuple, hostile à tout effort d’intellect. Vous trouverez la définition même du populisme. 

Henda Haouala – Maitre de Conférences en techniques audiovisuelles et cinéma.

Source : https://www.tunisienumerique.com/


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