La Presse de Tunisie | Publié le 11.03.2010
Voilà un jeune cinéaste à l’esprit vif, déluré et intelligent qui appartient à une nouvelle génération de réalisateurs qui œuvrent pour donner au cinéma tunisien une image conforme au goût du jour et à l’esthétique des nouvelles conceptions en cours.
Prix du mérite culturel, côté cinéma, au titre de l’année 2010, Ibrahim Letaïef est un cinéaste considéré dans son ensemble de global (metteur en scène, producteur et encadreur d’équipe). Bardé de diplômes, il est détenteur, entre autres, d’un master en sciences de la communication à Paris I, d’une maîtrise en arts audiovisuels et d’un Deug en AES à Paris XIII.
Adolescent, il fréquentait le ciné-club de Kairouan, sa ville natale, où il se lia d’amitié avec cette pépinière de futurs grands talents, tels Ridha Béhi, Habib Masrouki, Fathi Kemicha et Hamadi Bouabid. Cette passion pour le cinéma a tôt fait de le détourner d’une carrière de reporter à laquelle il était destiné, pour se retrouver, de retour à Tunis, à Canal Horizon. Dès le départ, on lui confia le poste de chargé de la communication. Une responsabilité dont il s’acquitta avec beaucoup de zèle surtout qu’elle lui permit d’avoir un droit de regard sur la production, tout en veillant sur la charte graphique de la chaîne.
«Ma rencontre avec la productrice, Dorra Bouchoucha (nommée Grand officier pour l’année 2009), et le critique Tarak Ben Chaâbane a décidé de l’itinéraire que je devais désormais suivre. L’heureuse opportunité se présenta à moi en 1992 avec les JCC. Sur les conseils d’Ahmed Bahaeddine Attia, je me suis retrouvé carrément dans la production. Avec la complicité de Dorra Bouchoucha, j’ai entamé une carrière de producteur de cinéma avec la création de Nomadis Images, une boîte qui s’est, dès le départ, fixé pour objectif on ligne éditoriale la production de courts-métrages. C’est ainsi que nous avons pu produire Sabrya du Mauritanien Abderrahmane Sissako, Souviens-toi d’Elyas Baccar, Quartier Tam Tam de Mohamed Dammak et Avril de Raja Amari. Il y eut également deux longs-métrages : Demain, je brûle de Mohamed Ben Ismaïl et El Kotbia de Naoufel Saheb-Ettabaâ.
En 1997, j’ai quitté Nomadis Images pour fonder Long et court, à travers laquelle, je ne me suis pas seulement contenté de faire de la production, mais aussi j’y ai exercé le métier de réalisateur et de scénariste.
Fort donc de mon expérience avec Visa, un CM au palmarès impressionnant (Tanit d’or à Carthage, 23 prix internationaux et une diffusion sur douze chaînes européennes), j’ai tourné une dizaine de CM dont Dix regards, projeté en 2006 à Cannes.
«En 2008, j’ai enfin pu réaliser mon premier film, Cinecitta, une comédie légère que j’ai voulue comme un coup de chapeau à ce cinéma italien qui nous est si proche (on y trouve des parodies de certaines scènes mythiques de La Dolce vita de Federico Fellini ou du Voleur de bicyclette, de Vittorio de Sica, avec des clins d’œil à Roberto Benigni). Dans ce film, j’ai dénoncé les entraves et les obstacles érigés en principe sacro-saint pour museler la liberté du créateur. Ce à quoi le Président de la République s’est expressément opposé en abrogeant dans son discours-manifeste, prononcé le 25 février dernier à Kairouan, toutes formes de censure administrative, d’orientation et de manipulation de nature à freiner l’élan des créateurs», devait souligner Ibrahim Letaïef.
Des scoops en exclusivité
A propos de ses projets immédiats, il nous confie en exclusivité les grandes lignes de ses plans d’action présents : « Actuellement, je travaille sur quatre projets ou évènements qui m’accaparent au point où je n’ai plus une heure de liberté ou de répit. En ce moment, je produis le dernier-né de Naoufel Saheb Ettabaâ, Ziyara (La visite). En second lieu, je suis en train de mettre la dernière touche à ce que j’ai appelé le premier festival méditerranéen du court-métrage d’humour, qui se tiendra du 25 au 29 septembre 2010 à La Marsa.
«Les deux derniers volets du plan qui constituent le scoop sont en rapport avec les deux films en stade de préparation. Le premier tour de manivelle sera donné en octobre 2010. Il s’agit de Affreux, cupides et stupides. En arabe, je l’ai intitulé Flous Academy. Le film, une comédie à l’italienne, narre l’histoire du Sultan, un minable petit escroc, qui s’est imaginé une drôle de combine pour détrousser ses semblables. Il organise un grand casting qui attire une foule. Hélas, Sultan n’a pas de chance. Un gang de truands s’empare du magot récolté dans cette soirée. Le gang n’a pas de chance : ces abrutis perdent le magot en route. C’est alors que surgit un flic décidé à retrouver l’argent par tous les moyens pour le remettre aux malheureux candidats.
«Mon deuxième film, qui sera tourné en mai 2011 en France, est une coproduction. Au départ de ce projet, il y a la rencontre plus ou moins fortuite de Jamila, candidate à «l’immigration choisie», expression chère à Sarkozy dont il a fait son cheval de bataille durant sa campagne électorale à l’élection présidentielle de 2007. En harmonie avec le projet personnel de mon héroïne, j’ai voulu tisser une trame en rapport avec la nouvelle loi sur «l’immigration choisie», les attentes des nouveaux immigrants ainsi que les réalités socioéconomiques des candidats à l’exil».
Le geste présidentiel
Interrogé sur ses sentiments à propos de la distinction qui l’a honoré à la Journée nationale de la Culture, Ibrahim Letaïef a pris un air radieux pour en parler : «Journée mémorable que celle de la clôture de la manifestation de «Kairouan, capitale de la culture islamique». D’abord, elle s’est déroulée dans la ville où j’ai vu le jour et où j’ai grandi; ensuite, cette distinction m’a permis de serrer la main du Président Ben Ali qui, avec la douceur qui le singularise, a tenu à me féliciter en me confiant qu’il suivait de près ma carrière. Des instants magiques, inoubliables, dont je lui sais gré. Cette récompense est d’autant plus précieuse qu’elle concerne l’ensemble de mon parcours et non pas une œuvre en particulier. Je suis également reconnaissant au Président Ben Ali pour avoir insisté sur le développement de l’investissement dans l’industrie cinématographique, sans quoi il n’y aura point de rayonnement.
«Pour terminer, j’aimerais bien vous faire part d’une anecdote très agréable qui m’est arrivée en avril 2009. C’était au cours de l’exposition consacrée aux journaux et revues publiés à Kairouan dans la première moitié du XXème siècle. Là, j’ai découvert, à ma grande surprise, que mon père, Kacem Letaïef, juge de profession, était également journaliste. En effet, il a fondé en 1936 un hebdomadaire généraliste, La défense, dont il était rédacteur en chef. D’une grande valeur documentaire, cette publication m’a permis de reconstituer un pan de la vie éditoriale kairouanaise», devait-il conclure son témoignage.
Source : http://www.jetsetmagazine.net/
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