LE FILM TUNISIEN A L’AFFICHE

Par Souad Ben Slimane – La Presse de Tunisie – 17 octobre 2012.

La sortie d’un film tunisien est-elle toujours considérée comme un événement ? Sommes-nous toujours aussi curieux de jeter un coup d’œil sur les miroirs tendus par nos cinéastes? Ces derniers ne sont-ils pas jugés de plus en plus narcissiques ? Y a-t-il comme une rupture entre le cinéma tunisien et le public ? L’écran a-t-il réellement du mal à refléter les préoccupations de la salle ?

On dit, de plus en plus souvent, que les histoires que l’on raconte ne représentent pas le Tunisien et que certaines images sont un peu trop «audacieuses» à son goût. En plus des problèmes de production et de distribution dans lequel s’enlise le secteur cinématographique depuis plusieurs années, peut-on parler d’une panne sèche de créativité ? C’est quand même malheureux de savoir que le meilleur des films tunisiens ne tient, désormais, pas l’affiche plus de trois semaines.

Lorsqu’un cinéaste passe la moitié de sa vie à rêver de son film et l’autre moitié à courir d’un bureau à l’autre pour le réaliser, que lui reste-t-il comme énergie pour développer sa créativité ou pour se ressourcer ? Combien de temps lui reste-t-il pour rattraper les erreurs d’un premier film et se perfectionner ?

Imaginez un athlète qui court une fois tous les dix ans, comment peut-il devenir champion ? Après des années d’attente de la subvention et de montage financier, le scénario peut prendre un coup de vieux. Et, une fois achevé et projeté, le film est en décalage avec la vision du monde, de plus en plus élargie chez le public. D’autant plus que pour ce dernier, la «sortie au cinéma» a de moins en moins de sens. Cela fait un bon bout de temps que la rue n’est pas sécurisante.

Aujourd’hui et en cette période de post-révolution, encore moins. Et puis où aller, de toute façon ? Il n’y a plus que 13 salles de cinéma dans tout le pays. La plupart sont mal équipées, concentrées au centre-ville de la capitale, et proposent rarement des films intéressants. Avec l’avènement du numérique, les exploitants, eux aussi, ne savent plus à quel saint se vouer. Ils ne peuvent pas compter sur le cinéma tunisien pour que leurs salles survivent et le film étranger se vend trop cher. La situation est si complexe, et ce, bien que rien ne puisse compenser cette sortie au cinéma et le charme de la salle obscure.

Bien sûr que la télévision nous propose des centaines de films par jour, mais ce qui fait qu’un film soit «du cinéma» c’est quand il est projeté en public dans une salle. Jean-Claude Carrière, célèbre scénariste français, ne s’est-il pas interrogé, dans une ancienne interview au journal Le Monde : «On n’a jamais vraiment su ce qu’est le cinéma. Est-ce le moyen d’enregistrer une succession d’images fixes ? Si oui, Edison en est l’inventeur et il n’est aujourd’hui nullement en crise. Ou bien est-ce le moyen technique (la croix de Malte) qui a rendu possible la projection de cet enregistrement dans une salle ? Dans ce cas, l’inventeur est Lumière. Et le cinéma Lumière est en crise, tandis que le cinéma Edison se porte bien».

Source : http://www.lapresse.tn/


 

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