VIII° FESTIVAL DU CINÉMA AMATEUR : UNE FORMULE À REVOIR

Par Meriam BETTAIEB – Dialogue du 1er septembre 1975.

Pourquoi parlerait-on outre mesure de Kélibia lorsque l’on dit 8° Festival international du Cinéma amateur ? Le simple fait de traverser la ville de Kélibia (ou de passer sous ses arcs de triomphe) pour se rendre à l’école des pêches où se déroulent les projections et les débats, peut-il suffire pour dire que le Festival est kélibien de cœur ? Au grand regret de tous, une fois de plus, le Festival n’aura pas transpiré sur la ville mais se sera déroulé en huis-clos.

Bien que l’orage n’ait pas éclaté, il n’en reste pas moins vrai que tout festivalier a pu ressentir et a eu à pâtir des tensions existantes entre les organisateurs et les participants. Si le nombre élevé des pays participants et la variété des films présentés témoignent de l’intérêt international porté à ce festival, une pré-sélection des court-métrages aurait été souhaitable.

Celle-ci aurait pu éviter entre autres l’incident causé par la projection de «Politiade» du réalisateur italien Rolf Mandolesi. La majorité de l’assistance s’indigna contre ce film qu’elle qualifia de pro-sioniste.

Cette «anarchie» dans la projection témoigne, d’une certaine manière, du manque de maturité du Festival. Ce dernier gagnerait en sérieux en se définissant pour l’avenir une ligne d’action claire. Cette année, chacun cherchait ce qu’il voulait y trouver. Et parfois même le qualificatif de festival International était remis en cause, au nom par exemple d’un festival des pays du Tiers-Monde. La confusion régnant, on a assisté à des projections chahutées ou boycottées par le clan des «nationalistes».

Si la salle fut houleuse, le jury étonna par son stoïcisme, les critères retenus pour la sélection finale ne peuvent être que variés, S’il est vrai que les productions étaient souvent médiocres et que l’on a regretté que certains cinéastes soient plus actifs lors des débats que derrière leur caméra, l’on ne saurait rester indifférent face au cinéma amateur.

Ce cinéma a ceci de spécifique que l’on ne peut aucunement détacher le produit fini (le film) de son contexte de réalisation, gros moyens, petits moyens… chaque film reflète la bourse qui lui a permis d’être réalisé.

Les débats qui eurent lieu avec la participation des réalisateurs ont mis en valeur ces contingences. Les cinéastes tunisiens, en exposant leurs conditions de travail, exprimèrent avant tout leur amour du cinéma.

Chaque club a ses problèmes spécifiques. Si le club d’Hammam-Lif semble privilégié (subventions municipales), celui de Monastir est émouvant par sa volonté de fonctionner en dépit des petits moyens dont il dispose. Pas de visionneuse, ni de table de montage ; l’ingéniosité est le système D. On bricole, on visionne à l’œil nu… l’important est de s’exprimer par le cinéma.

À ceci vient s’ajouter le retard dans le versement des subventions. Des synopsis, prêts depuis un an, n’ont pu être tournés que deux mois avant le Festival. La fédération prête le matériel, mais la caméra ne reste que deux jours entre les mains du réalisateur de «Transport en commun», étant attendue dans d’autres clubs.

Les adhérents du club de Monastir surprennent par leur culture d’autodidactes du cinéma. À travers ses lectures, chacun dégage ce qui pourrait servir de base technique aux autres mordus de cinéma.

On est très vite conquis par cette vie que l’on trouve au sein des clubs. Pourtant le 8° Festival international du Cinéma amateur a été cette année le parent pauvre des festivals de Carthage et de Hammamet. Sa qualité principale demeure de ne pas être un festival de pure consommation.

Meriam BETTAIEB

Dialogue du 1er septembre 1975.


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