JCC 2019 — RETOUR SUR LE PANEL «VISUAL EFFECTS IN THE FILM INDUSTRY»

Figure 1 : Panel Visual Effects in the Film Industry © FRR

Carthage Digital-Carthage Film Festival-27-10-19-Salle des jeunes créateurs

Par Faten Ridene Raissi pour cinematunisien.com

A l’instar des JCC, les effets spéciaux ont finalement trouvé la chance d’être valorisés, à travers un panel parmi d’autres, alors qu’ils pourraient faire l’objet d’un festival à part entière.

Trois experts mondialement reconnus, dont deux Tunisiens, à savoir Abdel Halim Garess et Slim Larnaout, ainsi que le Marocain Hassan El Youbi, exploitent tous leur savoir en dehors de leurs pays d’origine ; en plus des deux réalisateurs-producteurs tunisiens Nejib Belkadhi et Imed Marzouk, ils ont honoré le débat en l’enrichissant par des témoignages autour de leurs expériences en effets visuels. La plupart des intervenants ont parlé de leurs acquis, qui malgré leur importance, n’ont jamais eu la chance d’être partagés dans leurs pays d’origine, compte tenu de l’absence d’une telle industrie, voire de l’inexistence de cursus académique et éducationnel pouvant y mener. D’ailleurs, Abdel Halim Garess a confirmé cette situation en comparant le marché professionnel en effets visuels en Tunisie à un mur qui s’installe face aux nouveaux diplômés, éteignant ainsi la flamme de leur imagination.

La plupart des intervenants confirment la nécessité des effets visuels pour assurer des œuvres cinématographiques importantes. Nejib Belkadhi témoigne que 50 à 60% de films tunisiens contiennent des modifications basiques en effets visuels, dont son film Bastardo sorti en 2013. Parmi les séquences-phares de Bastardo, témoins de l’utilisation des effets visuels, figure celle où Bent Essengra (personnage interprété par l’actrice Lobna Noomène) était endormie, le visage couvert de fourmis en mouvement.

Figure 2: Plan de Bastardo de Néjib (Belkadhi, 2013)

En plus des effets visuels auxquels ils peuvent donner naissance, tels que la reproduction des climats, le remplacement des cieux, le concept de personnages; un conseiller en VFX peut jouer un rôle si important dans la production d’un film. Il peut même guider le producteur et le réalisateur vers des gains en coût de production, et ce en demandant un décor partiel, en tournant des scènes sur des fonds vert/bleu, en reproduisant un climat, assurant ainsi un cadre spatiotemporel hivernal du récit filmique, qui peut bien être filmé en plein été. D’ailleurs, Abdel Halim Garess témoigne bien de cette idée en confirmant que 80% des scènes du film 300 : Rise of an Empire de Noam Murro (2014), ont été filmées sur des fonds verts/bleus. On peut trouver des films bourrés d’effets spéciaux et qu’on ne remarque pas. Dans Joker par exemple de Todd Philips (2019), on ne voit pas de vaisseaux spatiaux, alors que deux compagnies de VFX y ont contribué, à savoir Scanline VFX et Shade VFX. C’est ce qu’on appelle effets invisibles, qui représentent bien une chirurgie esthétique, qu’on juge bonne si on ne les distingue pas. Et c’est ce que témoigne Nejib Belkadhi, en disant : «c’est comme si les VFX miment la réalité, ils sont bien quand on ne les voit pas».

Figure 3: Exemple des effets spéciaux appliqués au film 300 : Rise of an Empire de Noam Murro, 2014

Slim Larnaout confirmait bien ce point de vue en disant qu’après le tournage d’un mois, les effets spéciaux prennent jusqu’à deux ans de travail pour finir le film, non pas à l’image près, mais même au pixel près. Mais ce n’est pas obligatoirement un cadre spatiotemporel d’une autre galaxie. Les VFX peuvent aussi être utilisés dans les plus réalistes des films. Ça n’empêche qu’il faut bien respecter la formule qui dit : tout ce qui est faisable en réel, il faut le faire en réel, et les effets viennent après.

Les effets visuels, selon Abdel Halim Gares, ne s’imposent pas aux réalisateurs : il s’agit simplement d’un outil qui aide le réalisateur à raconter son histoire. Il y a de nos jours quelques réalisateurs qui refusent encore l’utilisation des effets visuels, tel que le britannique Christopher Edward Nolan, qui les assimile à quelque chose qui touche à la véracité esthétique de l’œuvre.

Figure 4: Tournage de la scène finale d’Interstellar dans une bibliothèque sous la forme d’un tesseract

Dans son film Interstellar par exemple, il a pu tourner la scène finale du film dans un tesseract spécialement construit comme un décor réel. Ainsi les effets visuels ne doivent pas être imposés, mais utilisés juste pour un besoin.

A l’échelle arabe et maghrébine, nous disposons d’une histoire fictionnelle si riche et d’une identité patrimoniale mythique en comptes d’ogres, tout-à-fait exploitable en films de science-fiction, fantastiques, péplum ou tout autre genre d’œuvre cinématographique dans lesquels on peut intégrer les effets visuels pour en faire sortir quelque chose d’extraordinaire. Et le grand coût n’est point un obstacle pour ce genre de films. Au contraire, tous les invités du panel le confirment : grâce aux effets visuels, les coûts de production, de construction de décors peuvent être remarquablement réduits. Hassen El Youbi disait même qu’«on est en train d’américaniser les films, alors qu’à travers notre imagination, on peut bien mettre en valeur notre identité par nos films, et faire quelque chose de nouveau ». Nous pouvons même, grâce à l’intégration des effets visuels dans les spécialités d’études supérieures, où en lançant des boites de productions spécialisées en VFX comme des startups,   exploiter le marché de l’emploi et ouvrir de nouveaux horizons de recrutement, pouvant travailler pour la Tunisie et le Maroc ou en sous-traitance pour des studios hollywoodiens. Un tel exploit est malheureusement impossible en l’absence d’une réelle volonté politique et de la mise en place d’une infrastructure productive et éducationnelle.

Figure 5: Affiche du panel

 

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