Le cinéaste, critique et universitaire tunisien Férid Boughedir est surtout connu comme réalisateur de films de fiction devenus des classiques comme «Halfaouine, l’enfant des terrasses» (Osfour essatah), qui a été, depuis «Tanit d’Or» à Carthage en 1990, le film tunisien le plus vu en Tunisie et à l’international, puis de «Un été à La Goulette», récemment suivis en 2016 par «Zizou» (Parfum de Printemps), ces trois films étant, aujourd’hui encore, toujours distribués dans le monde.
Cependant, Férid Boughedir est moins connu pour son œuvre de longue date d’auteur et d’expert des cinémas africains et arabes, auteur de très nombreux ouvrages à ce sujet, et pour son travail de militant permanent, avec d’autres pionniers, pour l’installation de structures d’encadrement et de développement de «films d’auteur» d’expression, qui soient économiquement viables. Cela aussi bien en Tunisie (où il a présidé et coordonné pendant deux ans à titre bénévole la commission inter-associative de réforme du cinéma tunisien qui a abouti à la création du Centre National de Cinéma et de l’Image, CNCI, en 2011, et d’autres actions similaires sur tout le continent africain.
Dans ce domaine, on connaît surtout son film documentaire de long-métrage «Caméra d’Afrique» (20 ans de cinéma africain : filmer contre tous les impossibles), présenté en sélection officielle du Festival de Cannes 1983 (ce qui sera aussi le cas en 1987 pour son second volet «Caméra arabe») : fait exceptionnel «Caméra d’Afrique» a été, dans sa nouvelle version restaurée et re-masterisée, de nouveau sélectionné par Cannes il y a deux ans, en 2019, pour sa dernière session normale pré-covid, dans sa prestigieuse section «Cannes Classics».
Pour ce qui est des nombreux écrits en dehors de son œuvre de réalisateur, on connaît moins les premiers travaux de Férid Boughedir, qui fut longtemps critique de cinéma à l’hebdomadaire «Jeune Afrique» à Paris, avant de soutenir pas moins de deux thèses en Sorbonne, consacrées aux cinémas africains : «Cinéma africain et décolonisation» présentée en 1976, puis en 1986, sa thèse de Doctorat d’État « Économie et thématique des cinémas africains et arabes sur 25 ans : 1963-1986», avant de devenir pour une longue durée professeur de cinéma à l’Institut de Presse et des sciences de la communication de l’Université de Tunis. On connaît moins également, car sans doute longtemps couverts par l’écho de ses films de fiction, ses nombreux ouvrages écrits ou coécrits sur le sujet, de 1974 à nos jours : Parmi ses livres, «Le Cinéma africain de A à Z», édité à Bruxelles en deux versions, française et anglaise, en 1987, jusqu’au tout dernier co-écrit, «Black caméra II», publié cette année par Indiana University Press, contenant sa dernière étude «Mésaventures, échecs et réussites du panafricanisme cinématographique de 1970 à nos jours : faillite de la stratégie économique commune, survivance du dialogue inter-culturel créé par les festivals» (2021).
Mais surtout, Férid Boughedir a été non seulement auteur et réalisateur, mais a été, avec d’autres pionniers, toujours bénévoles l’un des principaux organisateurs du mouvement du «panafricanisme cinématographique», né au Festival culturel panafricain d’Alger en 1969, et cela en dirigeant ou co-organisant à plusieurs reprises à Tunis les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), et surtout en organisant, de la conception jusqu’à l’écriture des résolutions finales, la plupart des colloques et symposiums inter-africains tenus à ce sujet, à Carthage, à Ouagadougou ou à Mogadiscio. Il a aussi été, entre autres, le rédacteur du célèbre «Manifeste de Niamey des cinéastes africains» en 1982.
Il n’en fallait pas moins pour que le Festival du cinéma africain de Louxor (Luxor African Film Festival), né en 2012 en Égypte, un des jeunes festivals du cinéma africain les plus réussis par la qualité de ses colloques et séminaires et ses excellentes publications sur le sujet, décide pour sa 11e session, qui aura lieu du 4 au 10 mars 2022, de célébrer l’œuvre panafricaine de Férid Boughedir, étendue sur près d’un demi-siècle, par un «Hommage à la carrière «(Life-Time Achievement), concrétisée par la remise d’un «Masque de Toutankhamon» spécial pour la circonstance, hommage qui lui sera rendu lors du Gala de clôture et de remise des Prix du Festival le 10 mars 2022. Auparavant, le Festival de Louxor va projeter à cette occasion, la toute nouvelle version remastérisée en 2K de «Caméra d’Afrique», lors d’une des soirées du festival, le Festival de Louxor prévoyant par ailleurs, en tant que Festival panafricain, de publier un ouvrage consacré à Férid Boughedir, vu pour la première fois sous l’angle de son action militante bénévole en faveur de la promotion des cinémas tunisiens et africains.
L’autre grand «Hommage à la carrière» de la session 2022 du Festival sera consacrée au grand comédien égyptien Hussein Fahmy, acteur mais aussi président et directeur du Festival de cinéma du Caire.
Deux hommages personnels à de jeunes talents auront également lieu à l’ouverture du Festival pour la jeune réalisatrice burkinabé Apolline Traoré, ainsi que pour le jeune acteur égyptien Amr Saad, devenu star dans son pays, depuis son rôle dans le film «Mawlana», réalisé par son compatriote Magdi Ahmed Ali, en 2017.
Par ailleurs, toute la 11e session du «Luxor African Film Festival» sera dédiée à la mémoire du grand cinéaste sénégalais avant-gardiste disparu, Djibril Diop-Mambety (le seul cinéaste africain, dont en Tunisie, un ciné-club très dynamique a longtemps porté le nom !).
cinematunisien.com
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