PAR OÙ COMMENCER ?, DE NACER KHÉMIR

Le discours de l’utopie

Par Hayet GHARBI – Le Temps – samedi 1 novembre 2014

Jeudi dernier, l’Espace Mad’Art a abrité l’avant-première du nouveau film de Nacer Khémir «Par où commencer ?». Il s’agit d’un film «curieux» comme le décrit son réalisateur, fait avec un cameraman, une voiture et 1000 litres d’essence. Une fiction sous forme de reportage, tourné en 6 jours avec une équipe réduite, et produite par Wallada, la société de production de Nacer Khémir.

«Par où commencer ?» est la continuité d’un autre film, «Au pays du Bon Dieu». «Il me tient plus à cœur que mes autres films, dans lesquels je montrais mon savoir-faire de l’image et du récit» explique le réalisateur, ajoutant qu’il s’agit d’«un rêve d’une Tunisie autre». Le sujet du film consiste à savoir que doit un pays à un enfant de 10 ans.

Dessiner un horizon pour ce pays sans penser à l’enfant. «Si on veut vieillir tranquille et en paix, il faut s’occuper des enfants, surtout avec un danger colossal : les images satellitaires du monde» martèle le réalisateur et de continuer : «Mon problème, c’est l’élite». Parlant en français, le film montre Nacer Khémir, invité à une émission de radio pour discourir sur différents sujets ayant trait à la politique culturelle et au devenir de l’image, dans une société arabe attachée encore à la culture orale. L’émission se déploie sous forme d’abécédaire, ce qui permet à l’invité de choisir le mot sur lequel il veut s’exprimer.

Expliquant son choix de la langue française, le réalisateur dit : «J’ai fait ce choix de la langue pour me mettre en marge. En fait, pour qui la réflexion est importante, la langue n’est pas importante. L’arabe est flou sur certains concepts, même si j’ai beaucoup d’amour pour la langue arabe. J’aime ma mère, mais j’ai beaucoup de choses à lui reprocher».

Dans ce film sous forme de manifeste, Nacer Khémir a voulu boucler  une réflexion, déposer  un poids. «Ce qui m’intéresse ce n’est pas le spectacle, je cherche à ce que l’énergie trouve sa propre forme». La forme adoptée est minimaliste. L’auteur aurait pu faire une interview personnelle en se mettant des deux côtés, un dialogue. Mais comme c’est «un discours, mon problème n’est pas de faire un spectacle mais de susciter une conscience, une interrogation et de poser d’autres jalons», note-t-il. Le film est une analyse du réel et de l’imaginaire. L’imaginaire est comme un iceberg dans lequel la partie la plus importante est celle qu’on ne voit pas, à l’instar de l’imaginaire. «Les gens se sacrifient pour cet imaginaire», selon les propos du cinéaste.

Depuis «L’Histoire du pays du Bon Dieu», qui passe sur Antenne 2 en 1975, il a réalisé plusieurs longs-métrages. En 1984, il gagne avec «Les Baliseurs du désert» le Grand Prix du Festival des Trois Continents à Nantes, le Prix de la première œuvre aux Journées Cinématographiques de Carthage, la Palme d’Or et le premier Prix de la Critique de la Mostra de Valence.

Il remporte, avec «Le Collier perdu de la colombe», le Prix spécial du Jury à Locarno, le Grand Prix 1991 du Festival de Belfort, le Prix spécial du Jury du Festival francophone de St Martin.

Il tourne aussi en 1991 pour la télévision française (FR3) «À la Recherche des mille et une nuits». En 2005, il réalise «Bab’ Aziz, le prince qui contemplait son âme» et en 2011 «Shahrazade ou la parole contre la mort».

Hayet GHARBI

Source : http://www.letemps.com.tn/


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