LES DÉBOIRES POUR FAIRE UN FILM EN TUNISIE

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Par Sana Sbouai – slateafrique.com – 22/09/2015.

Fiction ou documentaire, court ou long format, Exit, société de production audiovisuelle, touche à tout. Récemment, Ala Eddine Slim, à sa tête, a écrit une lettre ouverte : «Lettre ouverte à Mr Fathi Kharrat et ses complices, la police de la pensée !», dans laquelle il dénonce le comportement d’un bureaucrate «au service d’un cinéma «national», dicté par des agendas politiques et des tractations malhonnêtes orchestrées par des producteurs «de notoriété». Mais malgré les difficultés Exit avance et produit. 

Au mois de novembre dernier, le court-métrage tunisien Précipice, était diffusé en première mondiale lors de l’Abu Dhabi Film festival, en compétition officielle. Ce film est l’une des dernières productions d’Exit, société de production audiovisuelle tunisienne qui fait parler d’elle.

Depuis 2005, Exit a réalisé et produit de nombreux films : courts et longs métrages, fictions et documentaires. En 2011, elle produisait Babylon, film tourné dans le camp de réfugiés de Choucha, à la frontière avec la Libye, et qui raconte l’histoire de la construction d’une société qui finit par se défaire faute de communication. Le film recevait un magnifique accueil à l’étranger : diffusé au MoMA et lauréat au FID et cinq fois récompensé. Mais il n’a pas trouvé sa place en Tunisie.

Pour faire ce film, comme pour les autres, il a fallu beaucoup de travail et beaucoup de courage, dans un pays qui donne peu de moyens à une jeunesse bouillonnante. Récemment, Exit a demandé des aides pour deux projets de films au ministère de la Culture. Ces aides ont été refusées. Énervé, Ala Eddine Slim, à la tête d’Exit, a écrit une lettre ouverte au fonctionnaire à l’origine du refus : Lettre ouverte à Mr Fathi Kharrat et ses complices, la police de la pensée !

Ala Eddine s’est calmé depuis mais il avoue que, quand il a écrit sa lettre, il était en colère. Il n’est pourtant pas du genre à trembler, il parle tranquillement, mesure ses gestes. Il a écrit cette lettre pour jouer cartes sur table avec ce fonctionnaire, avec toute l’institution «Maintenant il sait que je sais et je sais qu’il sait».

Cartes sur table et le combat, injuste, défavorable, continue. Ala Eddine fait des films depuis qu’il a 22 ans. Aujourd’hui il en a 30 et il ne compte pas s’arrêter là. Il est comme le petit bonhomme qui représente la boite de production.

De temps en temps sa mère, soucieuse, l’interroge : Pourquoi ne part-il pas travailler à l’étranger, comme ses amis ? Il explique son attachement à la Tunisie, dit qu’il veut travailler ici, parle de Kéchiche qui est parti parce qu’ici ça ne marchait pas. «La vie d’Adèle ne sera pas diffusé en Tunisie. Et celui qui doit défendre le cinéma tunisien trouve ça normal» lâche-t-il en référence au ministre de la Culture. Ala Eddine n’est même pas exaspéré. Il pratique ces techniques depuis des années.

Il n’est pas pessimiste, non, juste réaliste. «Il faudra beaucoup de temps et beaucoup de films pour que les choses changent».

Peu importe qu’il n’ait pas reçu de subvention, il continuera à faire des films. Ces deux projets sont en suspens, il prend du temps et réfléchit «je continue à écrire de toute façon». Il a des projets, il ne s’arrêtera pas. Et tant pis pour le ministère de la Culture, qui est resté coincé dans une autre époque selon lui, qui n’a pas compris que la culture est précieuse.

Ala Eddine aime le cinéma. Difficile de faire comprendre ça à des bureaucrates. Pas grave. Le petit bonhomme d’Exit continue d’avancer.

Sana Sbouai

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Source : http://blog.slateafrique.com/


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