L’AUTRE MOITIÉ DU CIEL, DE KALTHOUM BORNAZ : DÉROUTANT !

Sana Kessous dans l'autre moitié

La Presse | Publié le 08.10.2008

Enfin un film tunisien dans les salles. À la veille des Journées Cinématographiques de Carthage, la salle Cinémafricart ouvre sa saison avec le tout nouveau film de Kalthoum Bornaz, L’Autre moitié du ciel.

Cette œuvre est le deuxième long-métrage de la réalisatrice, qui voit le jour dix ans après Keswa, le fil perdu. Et pour la seconde fois, le propos féministe en est le centre de l’histoire. Le sujet principal du film de Kalthoum Bornaz est l’héritage féminin, mais la manière avec laquelle Kalthoum Bornaz expose son sujet s’avère peu aboutie et parfois même maladroite.

À part Mourad Meherzi dans le rôle de Sélim, côté casting, on n’a pas joué la carte de l’innovation et de la recherche de nouveaux visages. Avec Sana Kasous, Younès El Ferhi et Fethi Messelmani campant les premiers rôles, le choix des acteurs nous oriente, de prime abord, vers la fiction télévisée et cela se confirme même dans l’approche empruntée par la réalisatrice pour raconter une trame complexe et compliquée, qui s’étale en longueur et suit plusieurs pistes à la fois.

Commençons d’abord par raconter l’histoire.

Sélima et Sélim sont jumeaux. Elle est étudiante en archéologie et se spécialise en fouille sous-marine. Lui, rêve de devenir un grand couturier. Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille pour ces orphelins. Un lourd secret leur pourrit la vie et empoisonne leurs rapports avec leur père, Ali, avocat notoire au Barreau. Cet homme est triste et aigri, il ne s’est jamais remis de la disparition tragique de sa femme, morte en couches en mettant les jumeaux au monde.

Sélim et Sélima sont de leur côté torturés. Ali a fait disparaître toute trace de la défunte. Il s’enferme souvent dans un mutisme étrange, à chaque fois que Sélima demande après sa mère, et pique une terrible colère quand il surprend sa fille fouiller dans ses affaires à la recherche d’une quelconque photo.

Chacun de ces deux orphelins compose avec cette situation, à sa manière. Sélima s’entête à découvrir la vérité, quant à Sélim, plus pragmatique, il rejette ses vieux démons et voit l’avenir avec un regard différent.

Que vient faire, dans cette histoire, la parité dans l’héritage ?

Le discours a du mal à s’imbriquer dans l’histoire annoncée. Il n’est même pas justifié par un grand héritage, un conflit sur la succession, une fortune colossale ou la cupidité du frère qui est resté jusqu’à la fin du film attachant et affectueux, complice et solidaire avec sa sœur.

Kalthoum Bornaz se disperse en voulant raconter deux histoires en une, voire trois si on y ajoute la relation de Sélima avec son amoureux Bassem, un jeune Arabe, intellectuel qui adore le cinéma d’Almodovar, mais qui a une vision réactionnaire de la femme (!?). Avec ce personnage, la réalisatrice tombe dans le piège du jugement et de la généralisation abusifs. Elle met l’homme arabe sur le banc des accusés, et fait le procès aux moyen-orientaux.

On peut se demander si l’intention de la réalisatrice est de faire le procès des hommes, pourquoi a-t-elle donc choisi de créer un Bassem étranger plutôt que Tunisien? L’Autre moitié du ciel est un film qui s’inscrit dans le cinéma de revendication sociale, mais c’est une œuvre pleine d’embûches. Kalthoum Bornaz s’emmêle les pinceaux à force de vouloir raconter plus d’une histoire à la fois sans créer un lien logique entre les différentes scènes du film. Elle surcharge l’histoire avec beaucoup d’actions secondaires qui ne font que disperser le propos. Citons, à titre d’exemple, le mariage de Sélima et Bassem annulé à la dernière minute parce qu’il manquait le certificat de célibat légalement exigé pour chaque étranger… la voisine qui fait appel à Ali, l’avocat, pour rédiger un testament et priver sa fille de l’héritage pour la simple raison qu’elle a adopté un enfant !

En plus de certaines incohérences, du genre : le père qui se permet de ramener ses nombreuses maîtresses dans la maison familiale et se met dans tous ses états quand il découvre que sa fille fréquente un jeune de son âge… Les exemples sont nombreux. En somme, deux films en un : celui de la recherche de la mémoire de la mère disparue et celui du problème d’héritage. Encore une fois, on n’est pas sorti de l’auberge. L’intention de l’auteur est bonne, sans aucun doute, celle de vouloir traiter une problématique délicate et d’évoquer l’émancipation de la femme, mais ces grandes idées et ces principes, s’ils ne sont pas introduits en filigrane dans l’écriture, ils deviennent lourds et déplacés.

Source : http://www.jetsetmagazine.net/


 

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