Par Firas MESSAOUDI – La Sultane Magazine – vendredi 26 janvier 2018
Docteur en sciences et techniques des arts à l’université de la Manouba, et auteur d’un ouvrage consacré au genre du documentaire, Henda Haoula répond aux questions de la Sultane magazine.
Certains documentaires vous ont-ils servi de référence durant l’écriture de votre ouvrage?
- Oui le corpus de mon travail s’est basé sur trois documentaires : «Le challat de Tunis» de kbh, «El gort» de ho, et «War reporter» de Ab. Le choix de ces films s’est fait par rapport à la problématique de mon travail que je résume en: Le discours subversif et la question de l’éthique dans le film documentaire. Évidemment que chaque documentaire tunisien est sujet d’analyse et tous portent une esthétique qui mérite d’être étudiée. Mais ces 3 films s’inscrivent dans la problématique de la recherche. Le livre est avant tout «scientifique et académique» destinée aux étudiants et chercheurs en cinéma. Donc l’écriture doit se poser sur une problématique du sujet. J’ai cite beaucoup de films documentaires dans le livre pour appuyer certains propos. Mais le travail d’analyse filmique c fait sur ces trois films tunisiens. Après la partie analyse, j’ai essayé d’apporter une lecture théorique au cinéma documentaire tunisien post révolution. Je pense que la réflexion théorique doit être en phase avec la production des films. D’autant plus que le cinéma tunisien revit son âge d’or. A nous les chercheurs et universitaires de nous pencher sur une analyse esthétique du cinéma. C’est très important d’écrire sur le cinéma tunisien, d’analyser nos films d’abord pour nous mais aussi pour que nos confrères découvrent aussi notre cinéma étrangers.
Pourquoi avez-vous choisi de consacrer votre nouveau livre au genre cinématographique du documentaire ?
- Les films documentaires étaient la toute première réponse du cinéma par rapport à la révolution. Cette liberté d’expression a titillé beaucoup de cinéastes tunisiens et chacun a essayé d’apporter sa propre lecture et interprétation par rapport à ce qui se passait. Du coup des films documentaires sortent avec une toute autre approche esthétique. Une nouvelle écriture.
La réalité est pénible pour bien des tunisiens qui se rabattent sur la fiction plutôt que sur le genre documentaire. Une réalité tronquée n’est-elle pas plus acceptable, moins dure qu’une réalité captée sur le vif ? Un documentaire peut-il rencontrer le même succès que celui rencontré par El Jaida de Selma Baccar pour ne citer que ce film ?
- Ça me rappelle le cinéma fantastique après la crise de 1929 aux États-Unis. Un genre qui est apparu pour justement fuir la réalité. As t on peur de voir les choses en face ? Cela montre le pouvoir du cinéma et sa magie. Si la fiction s’oppose au réel, donc à la vérité, le cinéma de «non fiction» se proclame comme celui de la vérité. La réalité en tant que terme prend des tournures imprécises voire inévitables: la réalité du philosophe n’est pas celle du sociologue, différente de celle de l’artiste, vue autrement par le politicien
Cette réalité donc elle dépend de chacun de nous, de notre vécu, de nos points de vues, de nos convictions et chaque spectateur choisit de voir cette «realité» comme lui il l’entend…
Au lendemain de la révolution, il y avait de la matière toute prête… Audace et réflexe suffisaient amplement. 7 ans plus tard, tourner un doc nécessite des recherches et un travail de longue haleine. Avons des réalisateurs capables de se lancer dans ce genre d’entreprise ?
- Oui bien sûr !!! Ceux qui ont tourné au lendemain de la révolution en sont les meilleurs exemples, ils continuent sur la même lancée, évidemment avec des sujets différents, mais un ton et traitement nouveaux et innovateurs. D’autres se lancent plus tard, et on a vu des nouveaux documentaires qui portent de la subversion du discours. Mais je précise un truc: Au lendemain de la révolution certes il y a de la matière mais c pas ça qui fait un bon documentaire ni un bon réalisateur. C’est son interprétation, l’interprétation qu’il porte à cette matière, la matière elle est là, elle existe sans lui. Le réalisateur du film documentaire interprète cette matière et en donne une lecture avec les moyens du langage cinématographique: ses choix esthétiques et techniques. Pour moi, un film documentaire ce n’est pas : voilà le monde existe et il suffit de le filmer. C’est en le filmant qu’on le fait exister. Filmer le monde c lui attribuer une écriture spécifique, celle de l’écriture du monde. Et c’est cette écriture qui m’a intéressé dans le choix des films analysés dans le livre.
Des projets en cours?
- Pour mes projets futurs: je me penche sur une autre problématique de recherche sur le cinéma tunisien.
FIRAS MESSAOUDI
Source : https://www.lasultanemag.com/
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