LA COMMUNAUTÉ JUDÉO-TUNISIENNE AU CINÉMA

Nous apprenons avec intérêt que La Nouvelle Maison de Tunisie (Pavillon Bourguiba, 45 boulevard Jourdan, 75014 Paris) sera, du 11 au 13 décembre 2021, le lieu d’un vibrant hommage rendu à la coexistence pacifique et riche d’enseignements qui a toujours eu lieu entre les communautés musulmane et juive en Tunisie. Une rétrospective de films portant sur ce thème est prévue à cette occasion, pour permettre au public de mieux s’informer sur la réalité de ces liens historiques (souvent ignorés ou déformés) et d’en débattre avec plusieurs réalisateurs, acteurs et historiens invités.

Ces journées de cinéma sont organisées par :

  • La Fondation de la Maison de la Tunisie, représentée par Madame Kaouthar Errachid,
  • Pierre Mamou, de l’Association internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel des Juifs de Tunisie
  • Mohamed Charbagi, de l’Association FADEC (Fondation Audiovisuelle pour le Dialogue et l’Échange des Cultures).

Elles regroupent des documentaires et des films de fiction qui témoignent d’une vie commune et pacifique des deux religions les plus représentées à l’époque en Tunisie. Il y a eu 100 000 juifs en Tunisie et il n’en reste que 1500 à 2000. Il est extrêmement important, surtout pour les nouvelles générations qui ignorent souvent cette présence qui remonte à l’antiquité, de rappeler l’existence de l’autre, ce passé.

L’ouverture signifie, avant tout, celle des esprits. Ces films montrent un destin commun qu’il est salutaire de rappeler, peut-être, qui sait, pour le ressusciter, au moins pour l’apaiser.

La communauté tunisienne expatriée, musulmane, juive (dont les membres se donnent entre eux en France le surnom festif de «Tunes»), ou chrétienne, garde un lien très fort avec sa patrie d’origine. Des individus collaborent, travaillent ensemble sur tous les terrains, aussi bien économiques que culturels, ces liens doivent être entretenus et renforcés. C’est l’objectif de ces journées.

Face à l’oubli par «effacement de traces», toutes les formes de mémoire sont convoquées. Des films font partie de ces traces. Le sens le plus profond que pourrait assumer ce patrimoine serait de contribuer à renouer le dialogue entre les cultures, entre les religions, à maintenir la conscience de la pluralité.

La communauté juive dans le cinéma tunisien est une constante sur laquelle se sont penchés des critiques et des cinéastes tunisiens. Dans son film autobiographique «Les Jasmins de la véranda», Serge Moati a fixé, à l’occasion de son retour dans son pays natal, les réminiscences de sa mémoire d’enfant, lorsqu’il vivait  encore à Tunis. Dans «L’Homme de cendres» de Nouri Bouzid, une longue séquence chargée d’émotion traduit la relation privilégiée qu’entretenait un jeune Tunisien avec son maître, artisan de confession juive. Le cinéaste Férid Boughedir a exprimé, à l’Unesco en 1994 à la suite de la projection de ces deux films, la perte pour sa génération de cette dimension culturelle d’eux-mêmes qu’était l’apport de la communauté juive de Tunisie.

«C’est en évoquant les déchirures, les cloisonnements, tout ce qui est arrivé entre les deux communautés tunisiennes, juive et musulmane, que nous arriverons à les dépasser. (…)

Je suis fier en tant que Tunisien de cette volonté, aujourd’hui clairement et officiellement exprimée, de panser ces blessures et de marcher à nouveau les uns vers les autres. (…)

Ce moment que nous vivons est très important car nous sommes en train de réécrire une partie de notre histoire. (…)

Le dialogue intercommunautaire et interconfessionnel en Tunisie semble bouger de manière significative, entre autres, peut être, grâce au cinéma…»

L’évènement-rétrospective «Ciné-«Tunes», la communauté judéo-tunisienne au cinéma, souhaite modestement contribuer à cette préservation des mémoires des communautés originaires de Tunisie.

Programme détaillé

SAMEDI 11 DÉCEMBRE

  • 19H : Accueil et pot de bienvenue
  • 19H30 : Présentation de la manifestation : objectifs, partenaires, déroulement.

Stand de livres sur l’histoire des juifs de Tunisie, présenté par le cercle de généalogie juive de Paris, et buffet casher Beth Din.

  • 19H45 : Hommage à Albert Samama Chikli et projection :

Ce merveilleux fou filmant avec de drôles de machines, documentaire de Mahmoud Ben Mahmoud, 1993, 30’, produit par Alif Productions.

* Albert Samama Chikli fut le fils de l’ancien aide de camp de Sadok Bey, le Bey de Tunisie, qui connut très vite la vie mondaine dans les palais de Tunis. Il poursuit ses études chez les jésuites à Marseille. En 1895, il rentre à Tunis et projette les premières images cinématographiques de «L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat» des frères Lumière, inventeurs du cinéma. Passionné de sciences et de modernité, il introduit en Tunisie la bicyclette, la téléphonie sans fil, les rayons X. Il tourne les premières vues aériennes de la Tunisie à partir d’un ballon et un film sur la pêche au thon en Tunisie qui lui est commandé par le prince de Monaco. Il poursuit une carrière de reporter en photographiant et en filmant des témoignages précieux de la vie tunisienne. Il fait partie, avec Abel Gance, de ceux qui filmèrent la bataille de Verdun. Plus tard il dirigera ses premières œuvres de fiction «Zohra» et «Aïn el Ghazel» «La Fille de Carthage», devenant ainsi le premier cinéaste autochtone du continent africain.

  • 20H15 : Débat avec Mahmoud Ben Mahmoud et Mohamed Charbagi, hommage à Albert Samama Chikli, précurseur de l’introduction du cinéma en Tunisie et réalisateur du premier film de fiction tourné en Tunisie avec, comme actrice principale, sa fille Haydée.

  • 20H45 : Projection : Un été à la Goulette, de Férid Boughedir, 1996, 95’, avec Guy Nataf, Lisa Seror, Mustapha Adouani,Yvo Salerno, Sarah Pariente, Sonia Mankaï, Ava Cohen-Jonathan, Amel Hedhili, Hélène Catzaras, David Liscia, Michael Journo, Jamel Sassi, Radhouane Meddeb, Fatma Ben Saïdane, Gabriel Bentura, produit par Marsa Films et Cinares Productions (Tunis)

Avec la participation de Michel Boujenah, en présence du réalisateur et de certains acteurs du film.

* Durant l’été 1966, dans le petit village portuaire de La Goulette dans la banlieue de Tunis, à la veille de la guerre des Six Jours, Youssef le musulman, contrôleur sur le petit train TGM, Jojo le juif, roi du «brik à l’œuf», et Giuseppe le catholique, pêcheur sicilien, vivent avec leurs familles dans le même immeuble, propriété du Hadj Beji. Les trois hommes sont inséparables en dehors du travail, leurs familles vivent en bon voisinage et partagent un bonheur nonchalant. Jusqu’au jour où chacune de leurs filles de 16 ans, Meriem la musulmane, Gigi la juive et Tina la catholique, inséparables comme leurs pères, décident par provocation de perdre leur virginité avant le 15 août avec un garçon d’une autre religion que la leur, ce qui va mettre à mal l’amitié de toujours qui règne entre leurs pères ! La première tentative, le jour du mariage de la fille aînée de Jojo, tourne court à la suite de l’intervention des pères alertés. Quand le film se termine, la guerre des Six Jours qui commence au Proche-Orient va briser cette harmonie entre les communautés.

  • 22H45 : Débat et pot de l’amitié

DIMANCHE 12  DÉCEMBRE

  • 12h00 : La Danse du feu (Habiba Msika) de Selma Baccar, avec Souad Hamidou, Néjib Belkadhi, Abdellatif Kheireddine, fiction 1995, 120’, production déléguée : Phenicia Films

Présenté par M. Habib Kazdaghli, ex-doyen de la faculté des Lettres de Tunis-Manouba, co-auteur de «Histoires communautaires, histoires plurielles : la communauté juive de Tunisie».

* Habiba Messika fut une chanteuse et comédienne judéo-tunisienne, idole de toutes les communautés dans les années 30, qui fit scandale en embrassant sur la bouche sa partenaire dans l’Opéra «Don Juan». Elle fut assassinée par un de ses anciens prétendants rejeté, un riche propriétaire terrien membre de sa communauté, jaloux de sa liberté et de son succès international. Toute la population de Tunis, inconsolable, suivit son enterrement.

  • 14H30 : Projection : Villa Jasmin de Férid Boughedir 2008

Téléfilm de Férid Boughedir, adapté du roman autobiographique éponyme de Serge Moati et produit par ce dernier, réalisé en Tunisie en 2007 et diffusé sur France 3 et Arte. Fiction, 90’, avec Clément Sibony, Judith Davis, Arnaud Giovaninetti, Elsa Mollien, Raouf Ben Amor, Fatma Ben Saïdane, Georges Tibi, Lisa Seror, Jacqueline Bismuth.

* Henri Boccara retourne, avec sa jeune femme enceinte de son premier enfant, en Tunisie, pays qu’il n’a pas revu depuis 20 ans, lors de son départ pour la France à l’âge de 11 ans. Le film explore l’histoire de ses parents depuis les années 1920, et particulièrement celle de son père, juif tunisien, journaliste socialiste emprisonné par les autorités coloniales françaises pour son militantisme en faveur de l’indépendance de la Tunisie, ainsi que l’impact du gouvernement de Vichy dans les années 1940 lors de l’occupation de la Tunisie par les troupes nazies en 1942-43.

  • 16H45 : Débat avec Férid Boughedir et Serge Moati.
  • 17H15 : Buffet + stand de livres
  • 18H30 : Projection : L’Homme de cendres de Nouri Bouzid, avec Imed Maalel, Khaled Ksouri, Mouna Noureddine, Souad Ben Slimane, Habib Belhedi, et avec le chanteur de Djerba Yacoub Bchiri, dans le rôle de Mr. Lévy.

Présenté par Férid Boughedir.

Imed Maalel et le vieux Bchiri dans Rih Essed (L’Homme de cendres) de Nouri Bouzid.

* Un jeune ébéniste de Sfax, Hachemi, doit suivre la décision de ses parents et se marier. Cependant, lui et un autre garçon, Farfat, ont été violés dans leur enfance par le contremaître de leur atelier de menuiserie, Ameur, et en restent traumatisés. Hachemi s’interroge sur sa virilité : peut-il obéir à son autoritaire de père et se marier après ce qu’il a subi ? Il décide de confier son lourd secret au vieux Mr Levy,  qui lui a appris le métier d’ébéniste et qui est resté seul à Sfax après le départ de sa famille vers la France.

  • 20H30 : Soirée-hommage à Albert Memmi à l’occasion du centenaire de sa naissance avec la projection de Albert Memmi, une trinité apaisée, documentaire de Sonia Médina, 2008, 53’ produit par Esperanza Productions.

* «Juif, Tunisien, c’est chez lui, dans son antre d’écrivain qu’il nous raconte cette quête d’une trinité apaisée. Parisien depuis plus de 50 ans, juif et tunisien d’origine, Albert Memmi est l’écrivain que je voulais rencontrer. Comme lui, je suis juive tunisienne, comme lui, j’ai longtemps hésité entre ces trois cultures qui s’offraient à moi. Laquelle choisir ? Albert Memmi a réussi, à travers son œuvre littéraire, philosophique et sociologique, à résoudre cette triple identité». Sonia Médina

  • 21H30 : Débat avec Sonia Médina

LUNDI 13 DÉCEMBRE

  • 14H00 : Projection : Le Nombril du monde, d’Ariel Zeïtoun, inspiré par la vie de son père, avec Michel Boujenah, Marie-José Nat, Roger Hanin, Thomas Langmann, Olivier Sitruk, Delphine Forest, Natacha Amal, Hichem Rostom, Mustapha Adouani, Michael Cohen, Jean-Pierre Liscia, 1993, 145’, en présence de Ariel Zeitoun et Michel Boujenah.

L’histoire commence dans les  années 1930 : Bajou, un jeune juif tunisien rondouillard, devient l’employé de Monsieur Scali, riche propriétaire terrien. Le film suit l’ascension sociale de Bajou, qui devient comptable de Monsieur Scali avant de se mettre à son compte et de devenir un redoutable homme d’affaires. Enrichi pendant la seconde guerre mondiale, Bajou décide d’épouser Habiba, la fille de son ancien patron désormais ruiné…

  • 16H30 : Débat avec Michel Boujenah et Ariel Zeitoun
  • 17H00 : Projection : Hara el Kbira, documentaire de Gilles-Elie Cohen 2019, 80’.

* La «Hara el Kebira», petit village sur l’île de Djerba, dans le sud de la Tunisie, abrite une communauté d’un peu plus d’un millier de juifs, la plus importante dans le monde arabe, et quelques familles musulmanes, pratiquant une coexistence traditionnelle, millénaire. La caméra s’est installée dans le village, a suivi la vie paisible de ses habitants, rythmée par les fêtes religieuses, les mariages et les naissances. Une question nous traverse l’esprit tout au long de ce film de 70 minutes : qu’avons-nous donc perdu ou oublié pour ne plus être capable de vivre ensemble ?

Débat avec Gilles Élie Cohen

  • 18H30 : Projection : Tunisie, une mémoire juive, documentaire de Fatma Chérif, 2016 ,90’.

* Au cours du XX° siècle, la population juive de Tunisie n’a cessé de décroître. Pourquoi ? Cette minorité établie depuis l’Antiquité a toujours intériorisé un sentiment d’insécurité et a migré en fonction des événements historiques. Aujourd’hui, l’héritage juif tunisien est presque oublié, voire nié. L’occasion de partir sur ses traces.

  • 20H00 : Débat avec Fatma Chérif, Pierre Mamou et Sophie Bessis.
  • 20H30 : Buffet de clôture.

Le programme complet ICI


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