UN FILM SUR UNE VEDETTE DE LA CHANSON

Habiba Msika, chanteuse

Seize ans après avoir réalisé son premier film sur la condition des femmes tunisiennes «Fatma 75», Selma Baccar, première femme en Tunisie, revient à la charge et s’apprête à tourner un long-métrage qui retrace l’itinéraire d’une vedette d’origine juive de la chanson et du théâtre dans les années 20.

Habiba Msika, née en 1900 dans une famille juive modeste d’un quartier populaire de Tunis, devenue par la suite reine de cette ville, avait déclenché en son temps les passions les plus folles.

Elle a appris le répertoire égyptien, notamment les chansons de Sayyed Darwish. Elle s’était entourée de toute une jeunesse «Askar ellil» (soldats de la nuit), qui l’accompagnait dans ses déplacement et l’accueillait quand elle se produisait dans les théâtres.

Elle mourra par le feu jeté sur elle par un de ses amants. Le 20 février 1930, son enterrement fut l’un des plus impressionnants, ses admirateurs de toute confession ayant suivi sur plusieurs kilomètres son cortège. «C’est un projet que je prépare depuis cinq ans», a indiqué la cinéaste tunisienne, Habiba Messika est «restée pour moi un symbole de toute cette époque, car elle a osé remettre en question des tas de tabous et dépasser les limites prescrites par la société».

Un reflet du début du siècle.

L’histoire de la chanteuse ne sera en fait qu’un alibi. Le film dressera un portrait de la société de l’époque, «une époque exceptionnelle», selon la cinéaste, car «la société tunisienne opérait alors une importante mutation, marquée par la naissance du mouvement national (pour l’indépendance) et le développement d’une grande création culturelle et artistique».

Un reflet du début du siècle

Auteure du scénario, qui a nécessité selon la cinéaste un important travail de recherche et de documentation aussi bien sur la chanteuse que sur les évènements ayant marqué cette époque, Salma Baccar a choisi l’Algérie pour tourner une bonne partie de son film.

Elle a découvert à Oran, où elle se trouvait récemment pour un colloque, des endroits et des architectures qui collent à l’époque de son film, notamment le conservatoire national de musique et le théâtre de cette ville, a-t-elle précisé.

Les autres scènes du film, dont le début du tournage est prévu pour septembre, seront prises en Tunisie. Le film a obtenu une aide à la production du ministère tunisien de la Culture et un financement de l’Algérie. L’aide de la France et de l’Allemagne a été sollicitée, car «c’est un film à très lourd budget parce qu’il y a toute une reconstitution de décors, de costumes et de véhicules à faire», a ajouté la cinéaste.

Itinéraire d’une cinéaste

Ancienne cinéaste amateur, Salma Baccar, qui a été l’élève de l’Institut français de cinéma de Paris, a fondé depuis trois ans sa propre société de production Inter-Média Production (IMP), «pour faire aboutir ce rêve qui l’habite depuis cinq ans», a-t-elle poursuivi.

En effet, «Fatma 75» (en référence à l’année internationale de la femme célébrée en 1975), son premier film, n’est jamais sorti en Tunisie et n’a jusqu’à présent pas reçu d’autorisation d’exploitation.

Ce film sur les femmes tunisiennes de 1930 à 1975, traite de la question de l’évolution du statut de la femme, en se référant à l’œuvre de Tahar Haddad, un fervent défenseur de la femme dans les années 30, et de plusieurs militantes féministes tunisiennes d’avant l’indépendance du pays en 1956.

Source : El Watan – Algérie – 21 juin 1991


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