VU AU FESTIVAL DU COURT-MÉTRAGE DE CLERMONT-FERRAND : «AAL HAFA» (BORD À BORD) DE SAHAR EL ECHI : L’ATTACHEMENT D’UNE FEMME À SON DROIT À LA VIE

Par Lotfi BEN KHELIFA – Le Temps, mardi 11 février 2025

Le film tunisien «Aal hafa» (Bord à bord), une fiction de 17 minutes, de l’artiste visuelle et cinéaste Sahar El Echi, a été projeté dans le cadre du second programme de la section non compétitive : «Regards d’Afrique» de la 47è édition du Festival international du Court-métrage de Clermont-Ferrand, qui s’est tenu du 31 janvier au 8 février 2025. Le seul film tunisien sélectionné dans ce festival. Un film-course pour la survie.

Dans ce court-métrage, dont le scénario est écrit par la même réalisatrice, le personnage principal est une femme qui mène une bataille quotidienne contre l’hostilité, sinon la haine, de la gent masculine envers les femmes en général qui doivent être écartées de leur milieu protégé. Ce rôle est admirablement joué par Meriem Sayah qui dégage beaucoup de sincérité dans son interprétation. Cette héroïne combat devant nos yeux les antagonismes qu’elle rencontre.

L’histoire a lieu dans un petit cimetière de carcasses de voitures, situé dans un quartier pauvre de la banlieue sud de Tunis. Là-bas, on n’imaginera pas, et surtout chez les puristes, la présence d’une femme. Mais elle s’y trouve et se prénomme Mounira. Elle y tient un stand de fortune dans la carcasse d’un wagon abandonné. Elle y vend des fricassés qu’elle prépare sur place. Sous le signe de la tristesse et du désamour, la trame se tisse dans un lieu dédié plutôt à la non-vie ! L’attachement de cette femme à son droit à la vie s’avère très fort.

Elle doit en effet livrer une bataille contre la présence d’un ennemi qui la guette, la menace, et qui finit par mettre à exécution son plan diabolique, celui de détruire son gagne-pain. Mais elle lui tient tête.

Mohamed Houssine Grayaa incarne le rôle de ce méchant homme avec tact et aisance, tout en ayant «la gueule de l’emploi». Un troisième personnage survient dans cette atmosphère morose : un jeune homme attachant qui semble venir à contre-courant des faits négatifs de l’histoire. Son comportement est farfelu et surprenant. Si le premier homme est d’une extrême méchanceté, le second est, quant à lui, d’une extrême légèreté. Cela marque-t-il l’apparition du bout du tunnel ? Ce jeune homme a bien su s’adapter aux situations funestes qui s’enchaînent dans cette histoire, pour symboliser au moins une action positive pour cette femme combative déterminée à résister à l’homme affreux, sadique et misogyne.

C’est le tournant dans cette fiction où l’homme gentil, rôle incarné par Aymen Mejri, représente l’espoir tant attendu par le spectateur. La femme monte avec lui dans une voiture qui ne démarrera pas, mais qui sera surélevée sur place. Un mouvement symbolisant la domination de Mounira, au moins pour un instant, de toute la situation chaotique où elle se trouve, en s’éloignant d’un monde pas beau à voir, ni enviable. Une surélévation positive qui donnera peut-être de l’espoir pour que tout s’arrange le lendemain, ou un autre jour. Les personnages sont côte à côte, mais sans se juxtaposer. Un brin d’espoir pour une vie meilleure.

Lotfi BEN KHELIFA
Le Temps, mardi 11 février 2025


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