L’ÉMOTION MONDIALE HIND RAJAB

«La Voix de Hind Rajab», de Kahouther Ben Hania, avait déjà bouleversé les festivaliers à la Mostra de Venise. Tanit Films/Mime Films

«LA VOIX DE HIND RAJAB» | Dans ce long-métrage, qui raconte l’histoire vraie de l’agonie d’une fillette durant une attaque à Gaza, Kaouther Ben Hania livre un récit poignant.

Par Renaud Baronian – www.leparisien.fr – 25 novembre 2025

C’EST LE FILM CHOC de cette fin d’année. Promis à une grande carrière internationale et à de nombreuses nominations aux Golden Globes et aux Oscars, «La Voix de Hind Rajab», de Kaouther Ben Hania, suscite une grande vague d’émotion et des manifestations de soutien à la Palestine dans tous les festivals où il est montré et où il récolte de nombreuses récompenses, parmi lesquelles le Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise.

Mieux, lors de sa présentation sur la lagune, de grands noms de Hollywood sont venus s’ajouter à Brad Pitt, coproducteur, en tant que partenaires financiers : Joaquin Phoenix, Alfonso Cuaron ou Rooney Mara …

Pourquoi un tel phénomène ? Parce que le long-métrage, en salles ce mercredi, raconte une histoire qui a fait la une et bouleversé les opinions publiques en février 2024 : la lente agonie, enregistrée au téléphone, d’une fillette palestinienne de 6 ans blessée et coincée entre les corps de ses proches dans une voiture, en pleine opération militaire à Gaza.

Bouleversant et très politique

C’est cette matière audio exceptionnelle – la fillette avait longuement conversé avec l’équipe du Croissant-Rouge de Ramallah, qui avait tenté en vain de la secourir – qui sert de base au film. Car la cinéaste franco-tunisienne, qui aime mêler fiction et documentaire comme dans son précédent opus, «Les Filles d’Olfa», fait entendre la «vraie» voix de Hind Rajab dans son récit, qui se déroule depuis le centre du Croissant-Rouge. Des conversations déchirantes, rejouées par des comédiens en studio en Tunisie, au cours de scènes à la tension insoutenable durant lesquelles la réalisatrice superpose parfois les images que les vrais protagonistes ont filmées ce jour-là.

Bouleversant et très politique, le film est centré sur cette petite fille au téléphone qui n’a de cesse de crier «Venez me chercher» ou «S’il vous plaît, j’ai peur». Rencontrée à Paris, Kaouther Ben Hania dit avoir souhaité narrer cette histoire vraie qui s’est terminée de façon tragique, «pour faire résonner sa voix qui était engloutie dans un amas de cadavres que personne ne voulait voir». À Venise, elle avait même précisé vouloir «faire entendre la voix de Hind Rajab au monde entier».

«Je veux tenter de rétablir la justice»

«Ce film, je l’ai d’abord fait parce que moi, quand j’ai entendu parler de cette histoire, je pensais que c’était le summum de l’horreur et que ça devrait s’arrêter là. Alors que non, pendant qu’on le tournait, puis lorsque nous étions à Venise, ça continuait tous les jours. Et puis il y a aussi cette question d’impunité.

Lorsque j’ai parlé pour la première fois avec la mère de Hind, elle m’a dit : «Si ce film pouvait participer à rendre justice à ma fille … Combien d’enfants sont morts depuis le début du conflit ? Je veux tenter, avec ce film, de rétablir de la justice. Je ne suis pas militante, je veux juste rendre compte».

Aux détracteurs de l’œuvre, qui soutiennent que la réalisatrice «surferait» sur le malheur d’une famille, Kaouther Ben Hania répond : «Je surfe ? Ça c’est un argument pour signifier Ne parlez pas de cette histoire, qu’il ne faudrait pas la raconter. Eh bien on l’a fait, avec beaucoup de respect et d’amour pour la mémoire de Hind Rajab …».

Pourquoi avoir choisi de ne pas reconstituer les scènes où la fillette est piégée dans la voiture ? «La matière sonore existait grâce aux enregistrements.

Il me restait à créer les images. J’ai choisi de raconter le récit du point de vue des employés du Croissant-Rouge, qui représentent notre impuissance. Si j’avais reconstitué ce qui se déroulait dans la voiture, on aurait pu croire à un film de genre. Or le film raconte la réalité», explique Kaouther Ben Hania.

Après «des heures et des heures d’entretiens» avec les employés du Croissant-Rouge de Ramallah, la mère et des proches de Hind, la cinéaste s’est lancée dans le tournage avec ses «formidables comédiens» palestiniens. Elle en garde un souvenir bouleversant : «Pendant les prises, on devait s’arrêter tout le temps car on était en sanglots, moi, les acteurs, le cadreur… Avec toute l’équipe, nous vivions avec la voix de Hind».

«J’ai envie que ça participe d’un changement».

Depuis la première projection à Venise, où des manifestations ont émaillé la présentation, Kaouther Ben Hania peut mesurer la portée politique de son long-métrage. «J’ai toujours rêvé des films qui débordent de l’écran et provoquent quelque chose. Avec ce film, j’ai l’impression que c’est en train d’arriver. Est-ce que le cinéma peut changer les choses ? Je n’ai pas la réponse, mais j’ai envie que ce film participe d’un changement…»

«La Voix de Hind Rajab», film franco-tunisien de Kaouther Ben Hania, avec Amer Hlehel, Clara Khoury, Motaz Malhees… (1 h 29).

Source : https://www.leparisien.fr/


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