
Par O. HIND – lexpressiondz.com – 09-09-2025
Ala Eddine reste fidèle à ses thématiques de prédilection, notamment l’homme face à ses prédateurs, dans un milieu hostile où la nature bienfaitrice perd de son essence viatique.
«Babylon» est un documentaire réalisé en 2012 par une bande de réalisateurs tunisiens : Youssef Chebbi, Ismaël et Ala Eddine Slim. Ce film projeté déjà aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa suit la construction d’un camp de réfugiés à la frontière entre la Tunisie et la Libye, au début de la crise des réfugiés libyens en 2011. Ce film a remporté plusieurs prix, notamment le Grand Prix du FIDMarseille. En 2022, Youssef Chebbi revient avec un long-métrage de fiction dans lequel apparait dans une scène étrange – un homme nu sorti du feu – son ami Ala Eddine Slim. Intitulé «Ashkal, l’enquête de Tunis», ce film donne à voir des territoires isolés, où le personnage principal semble être un bâtiment abandonné où se passent des choses étranges. Il est situé dans le quartier de Tunis, créé par l’ancien régime mais dont la construction a été brutalement stoppée au début de la révolution. Deux flics, Fatma et Batal, vont découvrir un corps calciné. Alors que les chantiers reprennent peu à peu, ils commencent à se pencher sur ce cas mystérieux. Quand un incident similaire se produit, l’enquête prend un tour déconcertant. Un film fantastique doué d’une très belle mise en scène où l’atmosphère sombre accentue l’ère macabre qui s’en échappe. Ce long-métrage est aussi présenté aux RCB. Vint 2024, Ala Eddine Slim signe un long-métrage de fiction intitulé pour sa part «Agora» dont la mise en scène «atmosphérique» rappelle incontestablement le film «Achkal».
Synopsis de «Agora» : «Dans une ville lointaine et recluse, des disparus aux allures énigmatiques reviennent. Une tension s’installe alors dans la ville. Fathi, inspecteur de la police locale, essaie de percer le mystère avec l’aide d’Amine, son ami médecin. Fathi enquête, Amine analyse, mais rapidement ils se figent devant l’étrangeté du phénomène. Un deuxième inspecteur de police débarque de la capitale pour élucider l’affaire. Une fracture s’installe entre ceux qui sont prêts à accueillir les revenants et ceux qui voient en leur retour une malédiction. Une équipe de médecins rejoint Fathi, Amine et Omar depuis la capitale pour les soutenir, mais surtout pour éviter la propagation des rumeurs. Quel est le point commun entre les disparus ?». En effet, trois personnes plus exactement portées disparues de façon inexplicable reviennent. Leur retour déclenche une enquête policière, puis scientifique, qui tente de comprendre leur état, sans donner de suite ! Ces revenants sont : une femme qui a tenté de traverser la mer vers le nord puis portée disparue, le deuxième, un berger égorgé par des terroristes et la troisième victime est un ouvrier porté disparu dans une grande usine qui revient vêtu de poussières…». Toutes ces personnes sont en réalité des victimes d’un pouvoir qui les a ignorées, les a écrasées…Cela peut se passer en Tunisie, en Égypte, en Allemagne ou ailleurs. Ce sont des gens qu’on a rejetés, marginalisés…Si on ne traite pas leur passé, ça va revenir à la gueule de tous les responsables..», a affirmé Ala Eddine dans une interview, lors de sa participation l’an dernier au Festival de Locarno. Projeté donc avant-hier, à la cinémathèque de Béjaïa, ce film qui a divisé les spectateurs, entre super admiratifs et mécontents, a été projeté en l’absence du réalisateur. Ce dernier devait se faire opérer dans la matinée… Aussi, si l’aspect esthétique, aussi intéressant soit-il, prime sur l’intention politique sous-jacente, il est à regretter, surtout le trop-plein de références mystiques et d’artefacts visuels (sourat Ahl el kahf, une femme de pouvoir, mourante dans un lit d’hôpital, une chaîne télé, «la 7» de Benali, diffusant des images d’animaux qui donnent naissance etc) qui, au lieu d’accompagner le message du film, le surchargent, brouillant ainsi toute tentative de compréhension et fait perdre le fil au spectateur, qui peut se détacher du récit en raison de sa lourdeur et son flou intentionnel. L’on sort de cette projection sans trop comprendre l’histoire. Notons en plus que le réalisateur porte la narration du côté de l’œil animal, comprendre que cette histoire est racontée sous le prisme du regard d’un chien bleu et d’un corbeau, qui d’emblée symbolise la menace d’une fin éminente… Une fin fallacieuse, sans doute, qui appelle à un recommencement fatal si l’on ne prend pas bien soin de soigner «les plaies du passé», notamment de ces trois individus… D’ailleurs, l’appel à trouver une solution est souvent évoqué dans le film, tout comme l’appel à la prière, qui rappelle le pouvoir religieux… Ceci étant dit, le film reste cependant très obscur et ses plans trop souvent ambigus et c’est dommage… Formellement, Agora reste Influencé par Achkal, en étant empreint de la même identité visuelle, avec une narration cependant, aux antipodes, voire même plutôt éclatée… Enfin, le film tunisien Agora d’Ala Eddine Slim a reçu le Prix Pardo Verde au Festival de Locarno en 2024. Ce prix récompense l’engagement écologique dans le 7°Art et a été attribué à l’unanimité au film pour «son audace artistique et son message poétique». Le Jury a souligné «l’audace artistique impressionnante du film et son appel poétique à l’action, associant l’esthétique à un message engagé, notamment sur le plan écologique». Agora est toutefois un film aux allures alambiqués. Ala Eddine n’en demeure pas moins fidèle à ses thématiques de prédilection, notamment l’homme face à ses prédateurs, dans un milieu hostile où la nature bienfaitrice perd de son essence viatique. Ce fut déja le cas dans «Sortilège» et Akher wahed. Mais Agora n’en est pas son meilleur film…
Source : https://www.lexpressiondz.com/
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