ENTRETIEN AVEC ERIGE SEHIRI, BAYARD D’OR AU FIFF DE NAMUR : «UN FILM MINIMALISTE ET EN ARABE PEUT ÉMOUVOIR UN JURY AU-DELÀ DES FRONTIÈRES…»

Par Sayda BEN ZINEB – Tunisie Direct – 18-10-2022

Jeune réalisatrice et productrice tunisienne,  auteure de «La Voie normale», un long-métrage  documentaire (2018), Erige Sehiri est récipiendaire du Bayard d’Or du meilleur film pour son premier long-métrage de fiction : «Sous les figues», présenté dernièrement au Festival international du Film francophone de Namur en Belgique (30 septembre-7 octobre 2022).  La toile de fond du film : «au milieu des figuiers pendant la récolte estivale, de jeunes femmes et hommes cultivent de nouveaux sentiments, se courtisent, tentent de se comprendre, nouent et fuient des relations plus profondes…».  Une œuvre couronnée de succès là où elle voyage, notamment à Venise, et qui a été sélectionnée à la  54ème Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2022.  Sa  sortie nationale sur nos écrans aura lieu juste après les JCC. Entretien avec la réalisatrice.

*Comment avez-vous reçu la bonne nouvelle du Bayard d’Or du meilleur film, ainsi que  le superbe accueil du public namurois.  Est-ce que vous vous y attendiez ?

  • Erige Sehiri : C’est toujours une belle reconnaissance de recevoir un prix. Je ne m’attendais pas au Bayard d’Or, surtout qu’il y avait de très beaux films en compétition. C’est bien la preuve qu’un film minimaliste et en arabe peut émouvoir un jury et un public au-delà des frontières.

Vous avez choisi un thème brûlant d’actualité : celui de ces femmes et filles en quête de travail dans les vergers, qu’on «ramasse» à bord des «camions de la mort» et qui sont exploitées par des requins de patrons. La toile de fond du film, c’était  sous les figues au moment de la récolte. Qu’est ce qui vous interpelle dans ce sujet ?

  • Ces faits divers ont été un des points de départ de mon intention de film. Ces femmes victimes ne sont que des chiffres pour les autorités, on ne retrouve même pas leurs noms dans les registres. J’ai voulu leur donner des visages et des voix et montrer toute la grâce, la force et la vie qui émanent d’elles.

Le film pêche, à notre avis, par son aspect redondant et répétitif. Tout tournait autour de l’amour, du mariage, de la jalousie, etc… Le seul personnage qui sortait du lot, celui de Fida, la jeune rebelle, car elle apporte un air de fraîcheur à l’ensemble, entre les figuiers et sous le regard des ouvrières plus âgées et des jeunes hommes. Qu’en dites-vous ? 

  • Tout dans ce film était cueillette, pas juste les figues ! Les histoires des uns et des autres, les conversations anodines d’une journée de travail qui se répète comme dans la vie. Ce n’est pas un film à sujet, mais un film à immersion où l’on découvre aussi le rapport entre hommes et femmes, les questions d’argent, de conditions sociales. Je voulais donner une sensation d’un film en temps réel et créer des personnages réalistes sans clichés.

Comment avez-vous réussi à gérer des comédiens hommes et femmes qui n’ont jamais fait de cinéma, et pourquoi avoir choisi précisément cette région, où il n’y a pas de cinéma (comme vous l’avez dit à la soirée de clôture du FIFF), pour tourner votre film ?

  • L’intérieur du pays, notamment le centre-ouest de la Tunisie, manque cruellement d’accès à la culture. Il n’y a pas ou très peu de salles de cinéma ou de salles de projection. Le tournage de ce film a été pour les acteurs et actrices non professionnelles, jeunes et moins jeunes, une rencontre avec le 7ème Art .Ils ont découvert aussi le travail des techniciens et chacun a donné de soi. C’était merveilleux et authentique. Nous avons tourné à Kesra avec des jeunes de Makthar. Nos régions regorgent de talents.

En attendant la prochaine cérémonie des Oscars 2023, car «Sous les figues» va y représenter la Tunisie, nos cinéphiles auront l’occasion de le voir  bientôt sur nos écrans lors de la 33ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage, dans la compétition officielle. Quels sont vos pronostics ?

  • Le film sera en compétition aux JCC et sortira en salle le 6 novembre prochain. Enfin, une rencontre avec le public tunisien. Mes pronostics : un public de retour dans les salles, je l’espère !

Après la France, la Belgique et la Tunisie, quelles seront les prochaines destinations pour la promotion du film ?

  • -Nous étions à Toronto, Londres, Chicago, Melbourne, Bogota, Munich…et nous serons bientôt en Espagne, Turquie, Italie, Vienne et même en Chine…C’est formidable.

Source : https://www.tunisie-direct.com/


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